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[Covid-19] Jean-François Laurain, DG d’Unigrains veut "souligner la mobilisation de l'industrie agroalimentaire"

Jean-François Laurain, le directeur général d’Unigrains, fait un point d’étape de la situation dans le secteur agroalimentaire, une semaine après les mesures de confinement décidées par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. Le dirigeant insiste sur la mobilisation sans faille des entreprises de l’agroalimentaire et de leurs salariés qui, grâce à leur travail, permettent à l’ensemble de la population de ne manquer de rien au niveau alimentaire au quotidien. Il se fait aussi l’écho d’un sentiment d’abandon exprimé par certains de ses professionnels.

Jean-François Laurain, le directeur général d’Unigrains
Jean-François Laurain, le directeur général d’Unigrains

La création d’Unigrains remonte aux années soixante ; l’entreprise n’a donc jamais été confrontée à une crise d’une ampleur telle que celle que nous traversons actuellement. Quelle est votre première réaction face à cette situation inédite ?

Cette crise du Covid-19 révèle, une fois de plus, la résilience de l’agroalimentaire puisque, par rapport à la plupart des industries, les usines du secteur continuent à tourner. Et même si c’est parfois compliqué, pour de nombreuses raisons sur lesquelles je reviendrai, la priorité reste de nourrir la population. L’IAA française utilise 70 % de sa matière première produite localement : dans des périodes comme aujourd’hui, où il y a quelques difficultés de sourcing, il faut rappeler la convergence entre les besoins primaires des consommateurs et l’importance d’avoir un secteur agricole pourvoyeur de matières premières. Tout ceci est primordial pour l’ensemble de la chaîne.

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Comment gérez-vous la crise au sein d’Unigrains en tant que partenaire d’une centaine d’entreprises de l’IAA ?

Nous sommes en phase active de recensement pour faire un état des lieux des préoccupations et des principaux besoins financiers immédiats de nos entreprises partenaires. Nous avions commencé, il y a quelques semaines déjà, à mesurer quel était l’impact sur nos entreprises, du Covid-19 sur la Chine. Le but était de savoir comment elles s’organisaient face au blocage de l’économie chinoise, avant même que l’on puisse imaginer que cela arriverait en Europe. Nous avions classé nos entreprises selon un certain nombre de critères d’impact, sur les exportations, mais aussi les importations venant de Chine. Depuis, nous avons évidemment étendu nos analyses sur ces entreprises à la mesure de ce qui se passe ici, y ajoutant des critères sur la production domestique, sur la production des usines implantées à l’étranger et sur la consommation en général.

Nos entreprises font remonter des difficultés concernant l’organisation de la production dans les usines, les ruptures d’approvisionnement de certaines matières premières, mais aussi des emballages ; des difficultés logistiques, avec les problèmes portuaires, ou encore les fermetures des frontières, sans oublier la gestion en temps réel des fournisseurs de la restauration, directement confrontés à un arrêt de leur activité. Certaines entreprises, dans le sec et le surgelé, doivent aussi adapter en urgence leur chaîne de production pour répondre aux demandes des consommateurs à la recherche de produit basiques. Ce qui est en totale rupture avec le besoin d’innovation qui prévalait jusqu’à très récemment. La situation est tout à fait particulière et il faut s’adapter.

Quelles sont les principales préoccupations des entreprises de l’agroalimentaire aujourd’hui ?

La vraie question aujourd’hui est de savoir comment organiser le travail dans les usines de production et de transformation et quelles réponses donner aux salariés qui doivent venir travailler, alors que toute la population est confinée. Il y a parfois, de la part de ces salariés, un sentiment légitime d’incompréhension et d’injustice, d’autant plus que les industries de l’agroalimentaire n’ont pas été particulièrement mises en avant par les discours gouvernementaux, ou, en tout cas, pas suffisamment tôt pour que les salariés du secteur ne se considèrent pas parfois comme laissés pour compte dans tout ça. Il faut les rassurer. C’est le rôle des dirigeants d’entreprise, mais aussi des autorités.

Concrètement, qu’attendent les entreprises de l’agroalimentaire ?

Les IAA veulent que l’on souligne leur mobilisation massive pour nourrir l’ensemble des consommateurs. C’est ce qui ressort le plus de nos entretiens avec les dirigeants. Tous les secteurs, tout au long de la chaîne alimentaire, ont un besoin légitime de reconnaissance de la part de la population et du gouvernement.

Ce qui est fait, à juste titre évidemment, vis-à-vis des personnels de santé, devrait l’être aussi pour les autres secteurs qui s’assurent que les besoins de la population sont satisfaits et, en particulier les besoins agroalimentaires. Et ce d’autant plus qu’à ma connaissance, il n’y a aucune fermeture de sites en France, ce qui signifie bien que l’ensemble des entreprises reste totalement mobilisé pour fournir à la population les produits dont elle a besoin pour sa consommation alimentaire quotidienne. Jusqu’à présent la supply chain de l’alimentaire, de l’usine jusqu’au distributeur fonctionne bien. Le climat social dans les entreprises est bon : malgré quelques réticences de certains salariés, les équipes sont au travail pour assurer la production. Il faudrait d’ailleurs aussi y associer les chaînes logistiques, qu’il s’agisse des activités dans les ports, tout comme des transports routiers indispensables également au bon fonctionnement de ce dispositif.

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Il faut trouver des solutions extrêmement souples en ce qui concerne le traitement des salariés et des aides financières, malgré des situations de trésorerie parfois compliquées. Nous devons aussi tenir compte du fait que la France a la chance d’avoir une agriculture performante et une industrie agroalimentaire compétitive qui font le maximum pour tout acheminer vers la population.

La grosse interrogation sera la puissance et le niveau des répercussions globales de cette crise sanitaire, économique et financière. Quelle est votre vision à plus ou moins long terme ?

Tout dépendra de la période de confinement qui n’aura pas les mêmes repercussions, selon qu’elle durera une quinzaine de jours ou un mois, voire plus. En Chine, seul exemple que nous avons, nous constatons qu’après 45 jours de confinement, l’activité redémarre doucement, très doucement.

Est-ce qu’un manque de liquidités est à craindre ?

Pour le moment ce n’est pas d’actualité. BPIfrance et les banques sont mobilisées sur les financements à court terme. Mais il est évident que certaines entreprises doivent faire face à des problèmes immédiats. Je pense notamment aux fournisseurs de la restauration. Evidemment, les entreprises qui peuvent prendre des précautions le font. Et comme personne ne sait combien de temps la crise va durer, il est clair que les entreprises qui ont un maximum de cash aujourd’hui résisteront mieux à une situation compliquée, à la fois par rapport à leurs clients, mais aussi à leurs fournisseurs.

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Certaines situations pourraient-elles conduire Unigrains à intervenir en urgence pour aider un de vos partenaires en difficulté ?

Nous sommes pleinement mobilisés auprès de nos entreprises partenaires et nous réfléchissons à la meilleure façon de les accompagner à court terme. Même si, au départ, cela doit rester du ressort des banques, nous restons attentifs et prendrons les mesures appropriées, en ligne avec notre rôle d’actionnaire responsable, pour les aider pendant cette période.

Cela pourrait passer, par exemple, par la mise en place des comptes courants ou le report d’échéances, quand cela se justifie, et pour d’autres, dont les fondamentaux restent solides, des ressources pour passer ce cap difficile.

Les nouvelles opportunités d’investissement d’Unigrains sont-elles désormais gelées ?

La majorité des dossiers en haut de bilan sont actuellement arrêtés, tout au moins retardés, sauf ceux qui étaient déjà bien avancés avant l’épidémie. Les opérations de « corporate finance » devraient rester en attente pour une durée indéterminée, parce que nous ne connaissons pas encore la profondeur de la crise.

Toutefois, notre stratégie d’accompagnement des dirigeants de l’agroalimentaire dans leurs projets de développement est toujours valable et va se poursuivre quand c’est possible. Nous continuons de discuter avec des dirigeants sur les dossiers déjà avancés afin de finaliser leurs projets d’augmentation de capacité via l’acquisition ou l’implantation de nouvelles unités de production, notamment à l’international.

Quelles sont les prochaines échéances pour Unigrains ?

Bien sûr, nous sommes extrêmement vigilants aux difficultés particulières de nos entreprises partenaires, mais nous pensons également à la sortie de crise, à savoir comment nous mettre en position pour mieux comprendre notre environnement économique et financier et mieux appréhender la situation de l’agroalimentaire dans le monde, grâce à nos antennes en Asie, en Afrique, en Amérique du nord et en Amérique Latine.

À nous de faire en sorte de faciliter la compréhension des comportements de ces différentes zones face aux grands défis agricoles et agroalimentaires. Et à nous aussi de nous assurer que notre industrie agroalimentaire française sorte grandie et renforcée de cette crise. Il sera du rôle d’Unigrains, en tant que catalyseur, de mettre en avant tous les savoir-faire de nos entreprises pour qu’elles puissent rebondir ensuite.

Interview réalisée par Agra Alimentation

 

Unigrains en chiffres
Présent dans le secteur de l’IAA depuis 57 ans, Unigrains accompagne plus d’une centaine d’entreprises de l’industrie agroalimentaire (IAA) et des secteurs périphériques, c’est-à-dire tout ce qui touche à la logistique, les emballages et les équipements et qui sont indispensables à la bonne marche de l’ensemble de la chaine. Unigrains en tant que partenaire au capital, aide ces entreprises de toute taille ainsi que des coopératives dans leur projet de développement en France, mais aussi l’international. Le groupe a accompagné 1 000 entreprises depuis sa création.
- 800 millions d’euros de fonds propres
- Environ 150 millions d’euros d’investissements en moyenne par an
- Plus d’une centaine de partenaires aujourd’hui et plus de 1 000 sociétés accompagnées depuis la création

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