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[Chronique de confiné] Les prix des fruits et légumes montent de 9% : bon ou mauvais signe ?

Retrouvez l'analyse de Joël Merceron, directeur de l'Institut de l'Elevage. En télétravail et confiné à cause du coronavirus, il a pris l'habitude d'écrire chaque jour à ses collaborateurs et a ensuite eu l'idée de créer cette chronique.

 

L’info de mercredi dernier était : les prix des fruits et légumes montent de 9%. Est-ce grave ou bien un bon signe ? Est-ce avant-coureur d’une évolution plus large ? Avant de trancher, essayons d’analyser en décomposant la valeur ajoutée de chaque maillon de la chaine agro-alimentaire.

 

Photo d'archives FLD
© Claire Tillier

 

"D’abord sur l’origine des produits,  en ce moment elle est majoritairement française alors qu’avant, le plus souvent, les produits venaient d’ailleurs. En France, le coût à la production est plus élevé. Cela s’explique par des structures de production de taille familiale et un coût (social) du travail qui est plus élevé que dans le reste de l’Europe. Conjoncturellement, ce paramètre est amplifié par le manque de saisonniers venus du sud ou de l’est de l’Europe.

Dans la composition du prix, il y a aujourd’hui plus d’emballages, il suffit de regarder nos poubelles après les courses! Comme il n’y a pas de restauration hors foyer et beaucoup moins de marchés pour s’approvisionner,  il faut passer par la grande distribution pour s’approvisionner. Là, le consommateur est plus rassuré par des produits préemballés que par du vrac qui passe de main en main. Ce phénomène touche aussi les rayons à la coupe pour les fromages AOP ou la  viande.

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Ensuite, il y a le renchérissement de la chaine logistique. Pour différentes raisons, tout est plus compliqué en ce moment : les yo-yo de la consommation, les difficultés de transport, l’impossibilité de l’optimisation des circuits font augmenter les coûts de livraisons. Enfin il est assez facile d’imaginer que les coûts de fonctionnement de la distribution sont aujourd’hui plus élevés, ne serait-ce que pour mieux rémunérer la main-d’œuvre des grands magasins dont on parle tant.

Les prix montent et alors est-ce grave?

Un constat est simple, ces produits sont achetés car ils correspondent à un besoin nécessaire et indispensable. En économie, c’est une autre façon de définir un prix, non pas par son coût de production mais par son utilité. Pour les produits frais français, nous avons une belle carte à jouer sur ce sujet de l’utilité. D’abord, c’est de la nourriture, crise du covid ou pas, nous en avons besoin chaque jour,  le prix bas ne doit pas être  un critère pour les produits alimentaires. La renommée et la qualité gustative sont des atouts indéniables.  Ensuite on peut affirmer que nous produisons avec des process respectueux des réglementations  et avec des standards qualitatifs élevés. Enfin, la chaine agro-alimentaire française est la base de centaines de milliers d’emplois inscrits dans nos territoires. Cela fait une somme d’utilités qui doit correspondre à des prix justes !

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Pour illustrer cette corrélation, prix versus utilité, il suffit d’imaginer dans sa tête les courbes comparées des prix du pétrole et des masques depuis 2 mois : le premier a été divisé par 3 quand le second a été multiplié par plus de 3.

Mais alors pourquoi aux infos s’alarme-t-on de cette hausse des prix ?

C’est sans doute un vieux réflexe combinant la peur de l’inflation, la défense du pouvoir d’achat et la sacro-sainte libre concurrence. Pourquoi s’indigner de quelques euros qui sont dépensés en plus par les Français en cette période de confinement généralisé ? Ne serait-ce pas un juste retour de la solidarité nationale exprimée, par les 10 millions de salariés en chômage partiel et encore plus de salariés en télétravail dont les rémunérations sont maintenues, pour avoir un « caddie bien plein » ? Sur la question centrale du pouvoir d’achat, ce serait aussi un juste retour des choses après des décennies de fortes baisses de la part de l’alimentaire dans notre budget.  Oui,  les Français  peuvent consacrer une proportion plus importante de leurs revenus pour se nourrir bien,  d’autant que certaines dépenses d’hier apparaissent bien moins essentielles aujourd’hui. Ce serait une autre illustration du fameux « quoiqu’il en coûte ! »

Et si le coronavirus nous permettait d’aboutir à un nouveau contrat prix/produit/utilité avec les citoyens-consommateurs ?

Autant que de bras, l’agriculture française a besoin de prix.

Achetons des produits frais français, cela fera aussi du bien à nos têtes".

 

Biographie de Joël Merceron
Joël Merceron est fin connaisseur des questions agricoles et plus particulièrement de l’élevage de ruminants. Il dirige l'Institut de l'élevage depuis 2010.
Ingénieur agronome et master de gestion des entreprises, il a travaillé successivement dans le Puy de Dôme, en Vendée, en Bretagne. Il a ensuite été directeur des productions bovines et ovines dans la coopérative Terrena pendant 12 ans. Une de ses expériences majeures a été la gestion de la crise ESB de 2000 .

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