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Sécheresse et fourrages
Les éleveurs testent les techniques de Cap’Vert

Les éleveurs intègrent les informations reçues aux journées techniques Cap’Vert pour tenter de fournir un fourrage de qualité malgré les sécheresses.

Petit village dans la Vienne, à une demi-heure au sud-ouest de Poitiers, Lusignan n’est autre que le centre névralgique de la recherche caprine sur la question de la qualité du pâturage et des fourrages entre autres. La journée technique de Cap’Vert y a lieu tous les deux ans et, cette année, la troisième édition, qui s’est tenue le 26 septembre, a regroupé plus de 450 personnes, dont près de 160 éleveurs. Techniciens, conseillers, chercheurs et étudiants constituent le reste du peloton. Ces journées ont pour objectif de faciliter les échanges entre production et recherche et sont coorganisées entre l’Institut de l’élevage, l’Inra, les chambres d’agriculture, le Brilac et les établissements d’enseignement agricoles, dont les étudiants aident notamment au bon déroulement de la journée. Rythmée par les sept ateliers techniques et la visite de l’unité expérimentale de Patuchev de l’Inra, la journée est passée vite et a été riche en échanges et apprentissage. Les participants, tout comme les intervenants et les organisateurs se sont dits satisfaits de l’ambiance générale et des nombreuses discussions suscitées par les ateliers.

Appliquer les essais sur son exploitation

Mais le vrai mérite, n’est-ce pas que les études et les résultats présentés servent et soient utiles aux producteurs eux-mêmes ? C’est en tout cas l’avis d’Arnaud Gauvreau, producteur fermier à Chauvigny dans la Vienne. « Je fais mes propres expériences sur les prairies. Je modifie chaque année la composition de mes mélanges pour trouver le meilleur équilibre avec le moins de refus et quand même un peu de paille. Je rajoute un plus de trèfle chaque année. » Pour lui, les journées techniques de l’acabit de Cap’Vert sont des mannes de connaissances à exploiter. « Lors des précédentes éditions, nous avions parlé de fauche précoce, que j’ai mise en place sur mon exploitation depuis 2017. Grâce à cela et au mélange prairial, ma production laitière a augmenté et j’ai baissé mon coût alimentaire avec moins de concentrés achetés », explique l’éleveur de 34 ans. La première fauche a lieu à la mi-avril, puis mi-mai et mi-juin. Il arrive même à faire une quatrième coupe de luzerne en juillet.

Faire ses propres essais

« Le foin récolté présente moins de tiges, mais sèche plus vite car les andains sont plus petits, détaille Arnaud Gauvreau. Plus de récoltes veut dire plus de travail, mais j’ai plus de fenêtres d’action possibles au vu du temps de séchage. » Pour lui, le retour économique n’est plus à démontrer, il économise entre 15 et 20 % de concentrés par an, sa production laitière a augmenté et, pour lui qui transforme à la ferme, ce n’est pas négligeable. De plus, avec des mauvaises années comme celle-ci, il n’a plus besoin d’acheter du foin à l’extérieur, achat qui mettait à mal sa trésorerie les années précédentes. Son objectif est de permettre à ses chèvres d’exprimer pleinement leur potentiel génétique, en constante amélioration depuis 35 ans, et de parvenir à faire face au changement climatique.

"On ne travaille pas que pour soi mais pour un réseau"

Pour Stéphanie Kaminski, éleveuse en Dordogne, « il est important de faire des expérimentations chez soi car chaque exploitant à son propre ressenti, sa sensibilité, son climat, ses espèces utilisées… ce qui est validé par l’un à un endroit ne fonctionnera peut-être pas chez l’autre ailleurs. En multipliant les données, on a une image plus globale de la portée de l’expérience. » L’éleveuse s’est lancée depuis deux ans dans des prairies temporaires mutliespèces pour voir, entre autres, le comportement de ces parcelles face à la sécheresse. Mais pour elle, le vrai bénéfice de cet essai, ce sont les échanges avec les autres exploitants du département qui ont aussi tenté le coup. Ils sont cinq à se réunir une fois par an pour faire part de leurs rendements, de la qualité du fourrage, de l’impact de la météo et du comportement de leurs chèvres face à cet aliment. « Ça nous force à être plus sérieux de savoir que l’on ne travaille pas que pour soi mais pour produire des données pour un réseau et pour d’autres éleveurs. On gagne tellement de temps aujourd’hui avec les références qui existent sur le méteil par exemple », s’enthousiasme-t-elle.

Des essais enrichissants pour l’éleveur et le conseiller

Pendant leurs essais, les éleveurs sont suivis par leurs techniciens, souvent au courant des tenants et aboutissants des expérimentations. Pour Rémi Couvet, technicien à la Saperfel, ces essais permettent « une acquisition de connaissances autant pour l’éleveur que pour le conseiller. En effet, le premier va voir les effets directs et les résultats. Le technicien, avec le recul et les données que les journées techniques offrent, va pouvoir l’accompagner sur la suite à donner. » Pour la mise en place de méteil par exemple, les résultats présentés à Cap’Vert aident à orienter les conseils du technicien mais il n’y a pas de « recettes miracles », rappelle Laurène Robin, de la Saperfel également. Les pratiques déjà largement utilisées disposent de fait de nombreuses études et références, mais pour ce qui est des nouveautés, les techniciens se basent davantage sur l’expérience individuelle et sur les témoignages. Et Rémi Couvet de rassurer : « lorsque nous conseillons telle ou telle pratique, nous ne prenons pas de risque. Il s’agit bien souvent de modifier seulement un ou deux paramètres sur les pratiques déjà en place. » Pour autant, faire des essais sur son exploitation demande davantage de vigilance et parfois plus de travail, mais pour Arnaud Gauvreau, « lorsqu’on avance avec prudence, c’est souvent vite amorti et le rendu est positif. »

La sécheresse pousse à l’innovation

Le sujet qui est sur toutes les lèvres, c’est la sécheresse. Le besoin de ressources fourragères se fait durement sentir à la sortie de cet été très déficitaire en précipitations. Les éleveurs tentent de limiter les dégâts en mettant en place de nouvelles pratiques, à l’image d’Arnaud Gauvreau, éleveur dans la Vienne. « Je fais de la fauche précoce, ce qui me permet de faire une coupe de plus en luzerne. » Pour d’autres, on joue sur les mélanges et méteils. Les techniciens et chercheurs se penchent, eux, sur l’introduction de nouvelles espèces protéagineuses venues des pays chauds, tel que le Black Stallion, venu d’Afrique du Nord. « Avec le changement climatique, on a davantage d’aléas climatiques, souligne Bertrand Bluet, de la chambre d’agriculture de l’Indre. Il faut savoir être opportuniste et ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Une solution qui marche une année sera peut-être caduque l’année suivante. »

Y a pas mieux que l’herbe

À Cap’Vert, ambiance studieuse certes, mais qui s’autorise tout de même un peu d’humour. L’atelier « Y a pas mieux que l’herbe » proposait aux participants de former des équipes pour chaque système d’alimentation caprin (pâturage, affouragement en vert, enrubannage, dominante foin de luzerne, autres foins) et de répondre à une série de questions. Chaque système alimentaire devait être classé selon son intérêt au vu de différents critères de production, d’économie ou d’environnement. Cette activité en a fait réfléchir plus d’un sur les avantages et les inconvénients de chaque pratique. Pour les défenseurs du pâturage, il était inconcevable que celui-ci soit avant dernier quand on calcule les frais de mécanisation. Et pourtant, « avec le pâturage, il n’y a pas d’effet de dilution car la production est un peu inférieure à un système enrubannage par exemple, explique Nicole Bossis de l’Institut de l’Élevage. Tout dépend aussi du nombre de parcelles, de leur taille et de la distance entre elles qui va conditionner les mouvements d’animaux. » Pour Manon Bourasseau, animatrice du Civam de Haute-Vienne, la portée de cet atelier est avant tout de « remettre en question les connaissances de chacun. On se rend compte qu’en comparant les systèmes entre eux, il n’y a pas de système parfait. Le tout est de rester adaptable et ouvert d’esprit. » Pour conclure avec les différents systèmes, chaque équipe a été invitée à laisser son impression pour le système qu’elle représentait. Ainsi pour l’affouragement en vert, le critère principal retenu est d’avoir des prairies de qualités, pour le pâturage c’est la bonne gestion du parasitisme et pour l’enrubannage c’est de bien gérer la conservation en utilisant notamment la bonne quantité de film plastique.

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