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Les AOP face au changement climatique

Le monde change et s’échauffe. Les appellations fromagères réfléchissent aussi en permanence à s’adapter sans se renier.

Alors que le concept d’appellation d’origine fête ses 100 ans en 2019, l’assemblée générale du Cnaol s’interrogeait sur les facteurs d’évolution des AOP. Comment les fromages sous appellation, garants de la tradition par excellence, peuvent-ils s’adapter aux changements ? Le 27 septembre dernier, à Ury, en Seine-et-Marne, au pays du brie de Melun et de Meaux, devant les représentants des 50 appellations laitières, Pascal Berion, enseignant chercheur à l’Université de Franche-Comté, citait les changements du cadre naturel avec le réchauffement climatique en premier lieu, les progrès techniques comme les robots de traite, les modifications du contexte réglementaire et législatif, les évolutions des attentes sociétales ou encore les formes de distribution qui se sont modifiées.

Dans ce monde en mouvement, les appellations se sont adaptées. Au cours de son histoire, le beaufort a, par exemple, intégré les caves coopératives et la traite mécanique en alpage. Si le comté a refusé les robots de traite pour ne pas impacter la qualité du lait, il a en revanche adopté la robotisation de l’affinage pour réduire la pénibilité du travail et individualiser davantage l’affinage. « Nous en sommes à notre neuvième révision du cahier des charges en 60 ans, témoigne Alain Mathieu du comté. Ces questions d’évolutions sont permanentes ».

Des fromages et des vins qui vont chauffer de plus en plus

« Avec une augmentation moyenne attendue de 7 °C de la température d’ici la fin du siècle, les changements seront majeurs, alerte Christian Moyersoen, affineur de picodon. Il faudra s’habituer aux sécheresses ou aux pluies intenses. ». Dans le cadre du projet Climalait, les producteurs d’époisses ont réfléchi, par zone, aux adaptations possibles de leurs pratiques : stock fourrager de sécurité plus important, meilleure valorisation de l’herbe du printemps et d’automne, remplacement du maïs par du sorgho, implantation de dérobées, retour à des races plus rustiques… « Il devient de plus en plus difficile de respecter certaines règles du cahier des charges, observent les producteurs d’époisses. En dix ans, il y a eu trois dérogations liées à la sécheresse, notamment sur la part d’herbe en fin de printemps ». Pourtant, demain, les scénarios catastrophes avec une sécheresse printanière et estivale seront de plus en plus nombreux. « Nous nous étions adaptés avec du séchage en grange et du pâturage tournant dynamique mais dix après, on se rend compte que le climat nous a rattrapés », s’alarme de son côté Nathalie Masbou, productrice de rocamadour fermier, qui a eu du mal à semer cette année avec la sécheresse.

Cette problématique du changement climatique interpelle aussi les AOP viticoles. Avec davantage de précipitations hivernales, moins de gel mais davantage de jours très chauds, les vendanges ont lieu de plus en plus tôt et produisent des raisins moins acides et plus sucrés, ce qui joue sur les arômes des vins. « Les usages locaux, loyaux et constants de 1919 évoluent forcément, soutient Éric Tesson, représentant les appellations viticoles. Or nos AOC sont figées par nature avec l’acte de conservation qu’est l’appellation. Il nous faut trouver le moyen de déverrouiller le dispositif juridique et desserrer l’étau pour permettre l’expérimentation et l’adaptation. »

Des cahiers des charges qui s’adaptent mais qui restent garants du terroir

En 2018, 19 dérogations ont dû être accordées dans les appellations fromagères à cause de la sécheresse. Et cette année, au moins la moitié des AOP laitière sont touchées par la sécheresse. À plus long terme, ce sont les cahiers des charges qui sont remis en question. « Ces 15 dernières années, plus de la moitié de nos cahiers des charges ont été révisés pour répondre aux attentes sociétales de ce monde en mouvement, concluait Michel Lacoste, producteur de lait pour l’AOP cantal et président du Cnaol. Mais nos origines, nos savoir-faire et notre lien au terroir restent notre boussole dans notre quête d’adaptabilité. Jamais, ce ne seront aux AOP laitières de s’adapter à la technique, mais ce sera à la technique de s’adapter aux produits. »

6 400 tonnes de chèvres AOP

 

 
Volumes commercialisés des fromages AOP au lait de chèvre © Cnaol

 

Selon les données du Cnaol, 6 393 tonnes de fromages de chèvres sous appellation d’origine protégée (AOP) ont été produites en 2018. Si la production des 14 appellations caprines est globalement en hausse, certains (sainte-maure de touraine, rocamadour, banon, mâconnais…) s’en sortent mieux que d’autres (chabichou du Poitou, picodon…). Plus d’un tiers des livreurs de lait de chèvre produisent du lait selon le cahier des charges d’une des 14 AOP caprine. En 2018, 63 millions de litres, soit 13 % de la collecte française ont servi à fabriquer des chèvres AOP.

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