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[La météo de Serge Zaka] : Quelle différence entre température mesurée et température perçue

Température mesurée et température perçue : Serge Zaka, agroclimatologue pour la société ITK, vous explique pourquoi cette différence est importante et comment les agriculteurs doivent s'adapter. Découvrez ses conseils dans la première d'une série de chroniques météo du Dr Zaka, bien connu des agriculteurs.

Serge Zaka (ITK)
Serge Zaka, agroclimatologue chez ITK.
© ITK

Vous connaissez tous la différence entre la température mesurée » par nos thermomètres et la température ressentie par notre organisme. Il suffit d’avoir prononcé au moins une fois : « qu’est-ce qu’il fait lourd aujourd’hui ! ».

Eh oui ! Notre ressenti face à la température n’est pas le même suivant l’humidité de l’air ! Pour cela, les Canadiens ont créé en 1965 un indice de confort appelé « l’humidex » combinant la température et l’humidité en une seule donnée pour refléter la température perçue par un organisme moyen. Cet indice varie de 20 à 46+ allant de « peu d’inconfort » à « danger : coup de chaleur possible ».

La thermorégulation

Mais pourquoi notre corps supporte-il difficilement les taux d’humidité élevés ? Parce que notre corps contrôle sa température grâce à un système de climatisation interne : la transpiration ! C’est comme cela qu’on se rafraichit. Or lorsque l’air est déjà chargé en eau, que l’humidité est élevée, il ne peut plus aborder l’eau issue de notre transpiration. Notre organisme en ressent des effets désagréables.

Et pour les animaux ?

Vous pouvez vous en douter, pour les animaux, c’est pareil !

Quand l’organisme n’est plus en capacité d’auto-réguler sa température, l’homme ou l’animal se retrouve en stress thermique. Certains animaux sont davantage sensibles que l’homme car leur capacité de thermorégulation n’est pas aussi performante.

Pour évaluer les risques de stress thermique, il existe de nombreux indices de confort combinant l’humidité à la température comme le Swine WD Index développé par Roller et Goldman en 1965 ou le Temperature-humidity Index (THI), dérivé de l’humidex humain, développé par Thom en 1959, le Black Globe Temperature-Humidity Index développé par Buffingthon en 1981. Le THI est l’indice le plus largement répandu. Son échelle s’étend de 64 (pas de stress) à 120+ (stress extrême). Les seuils de stress sont adaptés suivant les espèces et les races (les couleurs du pelage, l’épaisseur de la peau et les masses musculaires et graisseuses ayant un impact sur la transpiration).

Il existe cependant, une amélioration à cet indice THI développée par Mader et Davis en 2002, beaucoup plus intéressante  pour les animaux à l’extérieur et largement plus méconnue : le THI ajusté. Il prend en compte le vent et l’intensité lumineuse du soleil. Le THI est ainsi augmenté lorsque les radiations solaires sont importantes. Il est au contraire diminué lorsque le vent souffle. Et c’est tout à fait logique ! Lorsque vous êtes en plein soleil, vous avez plus chaud qu’à l’ombre pour un THI équivalent. De même, un ventilateur vous apportera plus de fraicheur puisqu’il vous aide à transpirer. C’est exactement la même chose pour les animaux !

Depuis les années 60, les scientifiques étudient le comportement des animaux dans diverses conditions de THI. En 1964, l’équipe de Berry a été la première à relier le THI et la perte de lait quotidienne. Puis, en 1974, l’équipe de Ingraham a montré une baisse du taux de reproduction lors de THI élevé. En 2003, un article de Saint-Pierre et als a montré l’impact économique dû au stress thermique dans les élevages animaux américains (vaches, poules…). Depuis, de très nombreuses études ont été menées avec de liens sur la diminution de la consommation, la réduction de la rumination, des modifications comportementales etc.

Quels conseils la science peut-elle donner aux agriculteurs ?

Outre les études d’évaluation du THI et de son impact sur le cheptel, certains comportements à adopter peuvent s’expliquer simplement, grâce à la science. Ces conseils sont également valables pour les humains. Ainsi :

  • Comme l’ont montré Mader et Davis en 2002, l’ombrage est indispensable (soit par les haies, arbres isolés ou bâtiments). L’intensité lumineuse accentue très fortement l’accumulation de chaleur dans les organismes. Cette chaleur a du mal à s’évacuer lors d’un THI élevé puisque l’organisme a du mal à transpirer pour faire baisser sa température corporelle. Les vaches peuvent être sorties en soirée ou la nuit lorsque le soleil n’est plus présent. Cela peut éviter également les phénomènes d’accumulation de chaleur de jour en jour.
  • De même, la ventilation est importante. Elle permet de faciliter la régulation thermique et donc de diminuer la température corporelle. Il est important d’ouvrir les lieux de vie des animaux pour créer des courants d’air (mais aussi pour faire baisser la température des bâtiments non climatisés).
  • L’utilisation de brumisateur permet de faire diminuer la température de l’air mais elle en augmente son humidité. Il est indispensable de coupler l’aspersion d’eau fraîche à une bonne circulation de l’air. Une humidité trop élevée rend la transpiration plus difficile et, par conséquent, la pénibilité accrue.
  • Un important abreuvement est nécessaire. Il est la garantie d’une bonne transpiration et donc du bon mécanisme de refroidissement interne de l’organisme.
  • L’adaptation de la distribution des rations, il est préférable de distribuer les rations aux températures les plus basses de la journée ou de la nuit.
  • L’utilisation de compléments alimentaires, qui sont spécifiques à chaque animal.

Pour aller plus loin, retrouvez nos articles techniques :

Lire aussi : le contenu partenaire : comment surveiller le stress thermique chez les vaches laitières

 

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