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Jean-Marc Jancovici : « il faut faire rerentrer de l’argent dans le secteur agricole »

Le spécialiste de l’énergie et du climat, intervenant lors de la première conférence de Grignon Campus, s’est exprimé sur les évolutions à prévoir pour l’agriculture. Une intervention regardée plus de 200 000 fois sur Youtube.

Jean-Marc Janvovici
« La nourriture représentait entre 50% et deux tiers du budget des ménages il y a deux siècles, aujourd’hui l’agriculture représente 2% du PIB », calcule Jean-Marc Jancovici.
© CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

« On ne peut pas demander à un secteur d’innover s’il reste pauvre », ainsi Jean-Marc Jancovici s’est exprimé le 4 mai dernier lors d’une conférence organisée par l’association Grignon 2000 sur le thème « Domaine d’Avenir : produire dans les limites du système Terre », à Paris dans les locaux d'Agridée. Se qualifiant « d’observateur extérieur » et d’« agronome, seulement par ascendance » (sa fille Marion Jancovici est ingénieure AgroParisTech), le spécialiste du climat et de l’énergie et président de Shift Projects a esquissé des pistes d’évolution de l’agriculture lors d’un discours d’une vingtaine de minutes dont la vidéo diffusée le 16 mai sur Youtube a déjà récolté plus de 200 000 vues.

Après avoir attribué la « profonde modification de l’agriculture sur le dernier siècle » au « miracle de l’énergie », qui a permis de mécaniser et augmenter les rendements, Jean-Marc Jancovici a d’abord souligné que cette évolution s’était accompagnée de l’effondrement économique du secteur.

Quand les gens auront moins d’argent, vont-ils continuer à avoir un smartphone et à regarder Netflix, en ne mangeant que des pâtes ?

« La nourriture représentait entre 50% et deux tiers du budget des ménages il y a deux siècles, aujourd’hui l’agriculture représente 2% du PIB », a-t-il calculé, insistant sur la pauvreté relative du secteur par rapport à d’autres domaines économiques. Un phénomène intervenu dans un contexte climatique relativement stable et avec l’abondance énergétique. Or « on va quitter ces deux domaines de stabilité », affirme Jean-Marc Jancovici. « D’ici 2050, la quantité de pétrole entrant en Europe devrait être divisée par deux, ce qui va poser problème pour la mécanisation agricole et la vitalité des zones rurales ». Autre enjeu : la baisse du pouvoir d’achat, alors que le PIB varie avec les quantités de pétrole disponibles, souligne le spécialiste de l’énergie.
 

Concurrence d'usages dans le budget des ménages

« Moins de pétrole dans une économie qui se décarbone trop lentement, c'est un arbitrage de la collectivité qui se modifie. Quand les gens auront moins d’argent, vont-ils continuer à avoir un smartphone et regarder Netflix, en ne mangeant que des pâtes ? Ou vont-ils privilégier de manger des légumes et d’avoir un smartphone de moins bonne qualité ? », questionne le médiatique orateur. S’il est difficile de le prévoir aujourd’hui, une chose est sûre, selon lui, « on va se retrouver avec de la concurrence d’usages dans le budget des ménages ».
 

Vers une diversification de l’agriculture

L’agriculture va de son côté devoir évoluer (elle le fait déjà et assez rapidement, commentent nombre d’agriculteurs sur youtube sous la vidéo de Jean-Marc Jancovici) mais pour ça le secteur a besoin de retrouver des moyens financiers. « Il faut suffisamment de pédagogie pour que la population accepte qu’elle voie le prix de sa nourriture augmenter, et je ne pas de la marge de Carrefour mais de ce qui rentre effectivement dans la poche des agriculteurs », avance le président de Shift Projects.

Autre évolution inéluctable selon le spécialiste de l’énergie : « le monde agricole va devoir évoluer vers une diversification de ses productions car la spécialisation des régions est très cohérente avec des transports abondants, si les transports deviennent moins abondants, on va devoir déspécialiser des régions, ce qui va avoir pour conséquence de baisser les rendements ». Au passage, certains internautes rappellent avec raison à Jean-Marc Jancovici que, contrairement à ses propos, on produit bien des asperges en Alsace aujourd’hui !! Et pas que dans les Landes !
 

Plus de fabrication à la ferme

Les agriculteurs seront aussi amenés à trouver de la valeur ajoutée à l’aval : « ils faisaient du lait, il faut qu’ils fassent des yaourts et du fromage, ils faisaient des légumes, ils vont devoir faire de la ratatouille ! ». « C’est la seule manière de faire rentrer de l’emploi dans les exploitations agricoles », assure-t-il avant de souligner la nécessité de faire évoluer la politique agricole commune « très adaptée aux marchés mondiaux avec des régions en monoculture ».

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