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Évaluer la rentabilité des investissements en élevage caprin

Près de 100 personnes ont participé à la rencontre des partenaires des producteurs de lait de chèvre du Brilac début juillet. Un temps fort de la filière caprine en Nouvelle-Aquitaine, axé cette année sur l’intérêt économique des équipements qui permettent de réduire le temps de travail.

« En élevage caprin, les investissements doivent être rentables, c’est-à-dire permettre d’augmenter l'excédent brut d'exploitation (EBE) et réduire le temps de travail. Parfois ils génèrent aussi des charges supplémentaires (investissements, coûts d’entretien et de maintenance) ou effectivement moins d’astreinte, mais par exemple du travail de surveillance. Il convient donc de bien évaluer leur impact sur les résultats économiques et le temps de travail économisé », ont rappelé les conseillers caprins en introduction de la rencontre des partenaires des producteurs de lait de chèvre organisée par le Brilac le 3 juillet.

Cohérence des moyens de production

Avant tout, il faut réfléchir à la cohérence des moyens de production de son élevage : main-d’œuvre, troupeau, matériel, et optimiser ce qui existe avant d’investir. Faire un état des lieux et enregistrer les temps de travail sont indispensables pour envisager différentes solutions : automatisation, mécanisation, délégation, salariat…

La rentabilité d’un investissement est liée au contexte d’utilisation de l’équipement, à la marge supplémentaire permise, au rapport capital engagé sur temps gagné. Il n’y a pas que l’économie. La quantité et la qualité du travail (nature et difficulté des tâches), la pénibilité physique, la charge mentale et l’autonomie de décision doivent entrer en ligne de compte.

Calculer le retour sur investissement

Chaque situation est unique et demande une étude spécifique afin d’étudier la pertinence d’un investissement avant d’engager l’acquisition. S’approprier son projet et éviter le mimétisme sont aussi importants. Deux approches complémentaires permettent d’évaluer son projet : sa capacité à le financer d’une part, sa rentabilité et sa pertinence d’autre part. Deux indicateurs pour accompagner la prise de décision ont été présentés lors du webinaire : le retour sur investissement (RSI), c’est-à-dire en combien de temps le capital investi est-il compensé par l’augmentation du résultat ? ; et le coût du temps gagné. Ce second calcul répond à la question : combien me coûte l’heure de travail économisée ?

Ensuite vient l’étape de confrontation des options en comparant les montants d’investissement et les impacts sur les résultats économiques (évolution de l’EBE, niveau d’endettement, fiscalité…), sur le temps de travail, sur le système d’élevage, coûts d’entretien et de maintenance. Enfin bien sûr, vient l’étude des opportunités de financement : subventions, prêts, reprise de matériel, en lien avec la durée de vie de l’équipement et les possibilités de revente.

Emilie Takacs, associée du Gaec de la Garenne dans la Vienne

« Nous avons gagné l’équivalent de 1,2 ETP avec le robot d’alimentation »

Emilie Takacs, associée du Gaec de la gerenne dans la Vienne
Emilie Takacs, associée du Gaec de la gerenne dans la Vienne © B. Morel
Les deux associés du Gaec de la Garenne, dans la Vienne, ont investi dans un robot de distribution de la ration au départ en retraite de leurs parents. « Nous étions déjà sur une ration mélangée à base d’ensilage de maïs et de luzerne, a témoigné Émilie Takacs, associée du Gaec avec son frère, Nicolas Cordeau. Nous avons opté pour l’automatisation de la distribution de la ration. Ce choix répondait à notre souhait de réduire notre temps de travail. Nous voulions également qu’une personne seule puisse effectuer le travail sur l’atelier caprin le soir et les week-ends. » L’investissement total a été de 370 000 euros (320 000 pour la cuisine, le robot et les silos et 50 000 pour les aménagements). Le hangar préexistait.

1 200 h/an épargnées

Aujourd’hui, le robot nourrit les 580 chèvres et les chevrettes, repousse la ration et paille. Le calcul des temps de travail est simple et sans appel. Avant investissement, les associés et leur salarié passaient 5 h 45 par jour autour de l’alimentation : 2 h de préparation de la mélangeuse, 1 h pour distribuer les concentrés et repousser le fourrage, 2 h pour l’alimentation des chevrettes, 45 minutes au paillage. Avec l’arrivée du robot, le temps consacré à l’alimentation est de 4 heures par semaine pour charger les containers, soit 200 heures par an. La différence est de 1 200 heures, l’équivalent de 1,2 ETP !

L’amortissement du matériel est prévu sur 12 ans, avec 37 000 euros d’annuités. Les frais d’électricité annuels sont estimés à 5 000 €, et les économies de fuel à 10 000 €.

1 heure de traite pour 600 chèvres

Éleveur en Bretagne, Thierry Burban a investi 240 000 euros, hors bâtiment, dans un roto de traite. « Nous sommes satisfaits, tant sur le gain de temps que sur la qualité de traite, a témoigné l’éleveur. Nous consacrons désormais une heure matin et soir pour traire 600 chèvres, à deux. L’un amène les lots et surveille l’arrivée des chèvres, pendant que l’autre trait. Nous avons gagné 30 minutes de traite chaque jour et 8 000 euros par an de pénalités en moins. »

Réduire la pénibilité en phase lactée

De nombreux équipements existent pour réduire la pénibilité et/ou le temps de travail pour alimenter les chevrettes en phase lactée. Pour un élevage avec 100 chevrettes de renouvellement, une attention est à porter sur la capacité du matériel en fonction du nombre de chevrettes. Un taxi-lait d’une capacité de 110 litres coûte de 1 000 à 3 000 euros. Un DAL ou une louve avec une trémie de 35 kg demande un investissement de 2 400 à 4 700 euros HT.

Vis-à-vis de l’amélioration de l’ambiance du bâtiment chevrettes, l’isolation sous toiture posée par entreprise revient entre 30 et 35 €/m². Pour installer, une ventilation dynamique dans une nurserie, il faut prévoir un budget de 15 000 à 30 000 € selon les travaux et la surface (gaines de ventilation et extracteurs d’air avec régulation). Au-delà de l’amélioration du bien-être des animaux et de l’éleveur, une meilleure santé des jeunes induit une meilleure croissance et donc une carrière qui débute bien !

Investir pour économiser l’énergie

Avec l’augmentation des prix de l’énergie, il est tentant et intéressant de se pencher sur des investissements permettant de réduire ce poste de charge. Pour un retour sur investissement de 4 à 5 ans, un pré-refroidisseur à lait coûte autour de 7 500 € (+6 500 € pour stocker et distribuer l’eau réchauffée). Il faut compter 3 500 euros pour un récupérateur de chaleur et 8 000 euros pour un chauffe-eau solaire.

Ralentissement de la hausse des charges

« À la bonne dynamique de la collecte en 2022 se succède un début d’année 2023 plus contrasté, a exposé Abdel Osseni de l’Institut de l’élevage. Une baisse du cheptel a été observée, de 2 % en 2022, avec une augmentation des réformes face à la hausse des coûts. Début 2023, cette tendance semble ralentie avec des réformes en baisse. »

Amélioration du revenu

Le prix du lait au 1er trimestre 2023 est de 909 €/1 000 l en moyenne, soit 12 % supérieurs à 2022. « On observe un ralentissement de la hausse des charges, a poursuivi Nicole Bossis de l’Idele. L’Ipampa moyen 2022 est à 136, et à 141 au premier trimestre 2023. Les coûts poursuivent leur augmentation, mais moins vite. » En 2023, avec des charges hors main-d’œuvre orientées à la baisse, et un prix du lait en augmentation, le revenu devrait s’améliorer et retrouver son niveau de 2021.

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