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Dans le Rhône, Les Alpines du Lac croient en la génétique pour rechercher de l’autonomie

Dans les hauteurs des Mont du Lyonnais, Benoît Chazelle et Édouard Guyot élèvent une centaine de chèvres alpines avec technicité et une philosophie assumée de l’autonomie. Les progrès génétiques réalisés ont été récompensés cet hiver par le prix Alpine d’or de Capgènes.

Fondée en 2012 sur les bases d’une ancienne exploitation laitière bovine, l'EARL Les Alpines du Lac élève 110 à 120 chèvres sur une trentaine d’hectares à Montromant, dans le Rhône. Benoît Chazelle, ancien technicien caprin installé en 2012, et Édouard Guyot, salarié puis associé depuis 2023, ont à cœur de maintenir une cohérence technique et économique de la ferme.

L’alimentation du troupeau est basée sur de l’herbe pâturée et du foin séché en grange. Jusqu’à un kilo de concentrés sont ajoutés au moment du pic de lactation avec un mélange contenant des céréales produites à la ferme, des drêches de blé et des tourteaux locaux de colza, de tournesol et de soja. « Nous faisons nos rations nous-mêmes avec un petit tableur maison, explique Benoît Chazelle. On ajuste en fonction de nos stocks, des besoins du troupeau et de la saison. »

Des chèvres homogènes en lait et en morphologie

<em class="placeholder">Évolution de l’ICC</em>

Le troupeau produit en moyenne 850 kilos de lait par chèvre sur 300 jours avec 40 de TB [taux butyreux] et 35 de TP [taux protéique]. La base génétique du troupeau a été constituée par Benoît Chazelle à partir de chevrettes sélectionnées dans la Drôme où il travaillait à l’époque : « J’ai cherché des animaux qui fonctionnaient bien dans des systèmes pastoraux ou pâturant ; pas juste avec de bons index génétiques mais un troupeau en cohérence avec ce que je voulais en faire. » Le travail sur la génétique s’est poursuivi depuis régulièrement et, en 2024, 35 % des chèvres sont issues d’insémination.

Pour choisir les chèvres à inséminer, les deux associés sélectionnent les animaux sur la base des résultats individuels de lactation, des index génétiques (notamment ICC-index combiné caprin) et de la conformation de la mamelle. L’accent est aussi mis sur la persistance de lactation et les taux. La santé et la robustesse de l’animal entrent aussi en ligne de compte avec un tri préalable qui écarte celles jugées moins intéressantes. Ce choix est construit en concertation avec le contrôleur laitier, l’inséminateur et Capgènes. La sélection du troupeau vise ainsi la formation de lots homogènes plutôt qu’un petit nombre de chèvres élites isolées.

Chevreaux engraissés et travail partagé

<em class="placeholder">Intérieur de la chèvrerie </em>

L’équipe repose sur deux associés, épaulés par 1,7 équivalent temps plein salarié, dont un poste centré sur la fromagerie. « Chacun travaille un week-end sur quatre et, en semaine, nous sommes toujours trois personnes présentes à la ferme », apprécie Édouard Guyot.

Le bâtiment, spacieux, permet de loger facilement le cheptel en lactation et les chevrettes. Ici, pas question de subir la problématique des chevreaux : tous ceux non destinés à la reproduction sont engraissés sous la mère et valorisés en vente directe via le magasin Uniferme.

Des lactations longues mais toujours de la repro

Avec une philosophie assumée de l’autonomie, les deux associées veillent à limiter les dépendances. Ainsi, l’alimentation fourragère s’appuie le séchage en grange qui permet d’assurer un foin récolté au bon moment. De la même façon, ils sont progressivement passés à de l’insémination sur chaleur naturelle : « Ce n’est pas juste un idéal anti-hormones, c’est aussi une façon d’anticiper si un jour on ne peut plus les utiliser. » Le taux de réussite à l’IA [insémination animale] atteint aujourd’hui 70 à 75 %, grâce à un suivi rigoureux et notamment l’utilisation de mélatonine deux mois avant pour « réveiller les boucs ». « Maintenant que nous avons un bon taux de réussite à l’IA, nous remettons davantage d’objectifs de sélection sur le lait. »

Les lactations longues sont un autre levier de souplesse dans l’organisation. « Ce n’était pas prévu au départ de garder des chèvres en production, mais on a vu que ça marchait, alors on a gardé cette logique. Ça permet d’avoir de la production fromagère en hiver et de réduire le nombre de mises bas. » Mais les associés restent vigilants : « Le risque, c’est le vieillissement du troupeau. Une année, on est tombés à seulement vingt chevrettes de renouvellement… Maintenant, on vise plutôt 30 % de renouvellement. Surtout que l’on n’a pas de problème pour valoriser nos réformes puisque nos chèvres sont vendus à d’autres éleveurs pour la génétique ou transformé en viande pour la boutique. » Un renouvellement qui permet de préserver la qualité génétique du troupeau actuelle et celle du troupeau à venir.

Chiffres clés

EARL Les Alpines du Lac

110 à 120 chèvres alpines
30 à 35 chevrettes élevées par an
850 kilos de lait par chèvre et par an
35 % de chèvres issues d’IA
2,9 d’ICC moyen
30 ha de SAU, dont 24 ha de prairies, 5 de céréales, 1 de colza irrigué et 1 de bois
2 associés et 1,7 ETP salarié

De la vente directe uniquement via Uniferme

Les fromages de la ferme sont quasi exclusivement vendus au magasin coopératif Uniferme où les producteurs-associés assurent eux-mêmes les permanences.

<em class="placeholder">Rayon fromage à Uniferme</em>

Le lait de la ferme est valorisé sur place à travers une riche gamme fromagère vendue quasi exclusivement au magasin de producteurs Uniferme, situé à Saint-Andéol-le-Château, à 22 kilomètres ou une demi-heure de voiture de la ferme. « On y regroupe toute notre énergie de vente et on y livre 95 % de nos fromages, explique Édouard Guyot. Le reste est commercialisé par une épicerie du village et quelques pièces pour deux revendeurs sur les marchés. »

Fondé en 1978, Uniferme réunit une vingtaine de producteurs de la région et repose sur un modèle coopératif : les producteurs sont propriétaires du magasin, assurent des permanences, et gèrent ensemble les aléas comme les décisions stratégiques. « C’est un magasin de producteurs sans directeur. Ce sont les associés qui gèrent les plannings, les livraisons ou les commissions techniques », détaillent les deux éleveurs qui se rendent chaque mois à la réunion de conseil d’administration.

Du local accessible à tous

Chaque producteur effectue une permanence d’une demi-journée par semaine. Le magasin étant ouvert sept jours sur sept, il y a aussi des permanences le week-end et les jours fériés selon un roulement. La charte impose aussi des règles de priorité et de qualité : tout produit doit être livré en priorité au magasin, vendu à un prix juste, et être irréprochable en termes de présentation. « On ne veut pas voir nos produits vendus ailleurs, moins chers ou plus beaux à dix kilomètres de là », résume Benoît Chazelle.

Pour rendre le rayon fromage de cette grosse supérette attractif, l'EARL Les Alpines du Lac propose une gamme de 28 références : pur chèvre frais, secs et demi-secs, fromages apéritifs, tomes, bleus, spécialités à l’huile, faisselles, raclettes, lait cru en bouteille, fromages blancs… Cette diversification est aussi une façon de fabriquer des produits à plus forte valeur ajoutée. La fromagerie fermière valorise ainsi son lait autour de 2,80 euros le litre tout en gardant des fromages types picodon à 2,10 euros la pièce. « Nous voulons qu’un client qui fasse ses courses hebdomadaires à Uniferme puisse acheter un bon fromage fermier sans exploser son budget », défendent de concert les deux associés.

Viande de chevreaux à Pâques

L’absence de label bio n’est pas un frein à la vente car le lien direct avec les consommateurs permet d’expliquer les choix agronomiques, alimentaires et environnementaux. « On est très transparents et on est là, en magasin, pour en parler », commente Édouard Guyot. À Pâques, ils peuvent ainsi proposer des chevreaux élevés sous les mères et, toute l’année, de la charcuterie de chèvres (saucisson, saucisse épicée et terrine). Cette proximité alimente la fidélité d’une clientèle qui vient chercher à Uniferme des produits fermiers et locaux.

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