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Vêlage à deux ans : une piste d’intérêt en bovins viande

En France, le vêlage à deux ans est très peu pratiqué en élevage allaitant. Pourtant, il permet d’améliorer l’efficience des systèmes d’élevage, et il est possible sur toutes les races.

Génisses ayant vêlées à deux ans - archives. La stratégie « vêlages à deux ans » stricte ne concerne que 1,3 % des troupeaux allaitants.
Génisses ayant vêlées à deux ans - archives. La stratégie « vêlages à deux ans » stricte ne concerne que 1,3 % des troupeaux allaitants.
© S.Bourgeois

 

 

Avancer l’âge au premier vêlage est un levier puissant d’adaptation pour les élevages allaitants. « Faute d’une meilleure valorisation des produits, la recherche de rentabilité s’est en général soldée dans le passé par un accroissement de la dimension économique des élevages bovins allaitants », observait Philippe Dimon de l’Institut de l’élevage lors de la journée Grand angle viande, en novembre 2020. « Plus d’hectares et plus d’UGB ont conduit à une nette augmentation de la charge de travail à main-d’œuvre disponible stable. L’avancement de l’âge au premier vêlage constitue de ce point de vue une alternative. »

Lire aussi : Chez Franck Bézier : "Le vêlage à 2 ans et beaucoup de pâturages"

Mais c’est une alternative dans laquelle jusqu’à présent, très peu d’éleveurs se sont engagés. « Les données issues de Reproscope sur la campagne 2018-2019 montrent que seulement 9,5 % des troupeaux ont un âge moyen de vêlage des génisses inférieur à 33 mois. » La stratégie « vêlages à 2 ans » stricte, définie par au moins 70 % des premiers vêlages entre 18 et 26 mois, ne concerne que 1,3 % des troupeaux allaitants. On rencontre un peu plus fréquemment la stratégie qui mixe vêlage à 24 mois et vêlage à trente mois : 4,4 % des troupeaux ont au moins 85 % des premiers vêlages qui interviennent entre 18 et 32 mois d’âge. Dans le même registre on trouve les élevages qui font du vêlage à 2 ans (entre 18 à 26 mois) sur 35 % des génisses et du vêlage à 3 ans pour les autres génisses. Ceux-ci représentent 2,8 % des troupeaux. La stratégie « vêlage à 30 mois » stricte, définie par au moins 70 % des premiers vêlages entre 27 et 32 mois, est finalement la plus rare, avec seulement 0,8 % des troupeaux concernés.

8 % des troupeaux avec une partie en vêlage à 2 ans

« Au final, même si on rassemble ces différentes organisations, les vêlages précoces concernent une minorité de troupeaux », constate Philippe Dimon. À l’opposé, 22 % des troupeaux ont des premiers vêlages « tardifs », avec 70 % des premiers vêlages entre 39 et 60 mois. À noter aussi que pour 19 % des troupeaux dans Reproscope, il n’a pas été possible de détecter quelle stratégie d’âge au premier vêlage était en place.

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Les vêlages avant un âge moyen de 33 mois se rencontrent un peu plus fréquemment en race limousine et en races rustiques que dans les autres races. « Depuis la campagne 2013-2014, la stratégie « vêlages précoces » avait tendance à gagner légèrement du terrain. Mais cette progression s’est stoppée sur la campagne 2016-2017, probablement en lien avec les problèmes de qualité des fourrages rencontrés cette année-là. »

Sur le plan économique, les simulations sur cas type illustrent bien l’intérêt des vêlages précoces. « Si un système naisseur-engraisseur de jeunes bovins en vêlages d’automne ou de début d’hiver passe au vêlage à 2 ans pour la totalité des génisses, deux options se présentent : soit l’éleveur choisit de conserver le même nombre d’UGB en ayant par ce biais 10 % de vêlages en plus, soit il conserve le même nombre de vêlages et réduit de 10 % le nombre d’UGB », présente Philippe Dimon. Les rythmes de croissance des génisses deviennent plus soutenus, ce qui se traduit dans la modélisation par une consommation de concentrés accrue, avec peu de modifications de la SFP mais davantage de fauches précoces de prairies. Il n’y a pas besoin de nouvel investissement (équipement, bâtiment, matériel).

5 à 7 % d’EBE en plus en augmentant le nombre de vêlages

Si on se place dans la situation où on augmente le nombre de vêlages, la productivité du troupeau est plus efficiente qu’avec des vêlages à 3 ans avec 10 à 12 % en plus de kilos de viande vive produits par UGB. La rémunération du travail de l’exploitant est améliorée de 5 à 7 % de mieux sur l’EBE et sur le revenu disponible. D’après cette simulation, la rémunération du travail de l’exploitant est améliorée de 5 à 7 % pour l’EBE et le revenu disponible. Le système est aussi plus résilient avec une baisse du poids des annuités et des aides dans le produit brut, et une baisse du capital mobilisé par vêlage, ce qui est favorable à la transmissibilité de l’élevage. « Il faut signaler cependant une dépendance accrue aux variabilités du coût des matières premières, avec une augmentation de 140 à 160 kg de concentrés distribués par UGB. »

Sur le plan environnemental, l’effet de ce changement de conduite est positif. « La réduction des émissions brutes de GES est de 4 à 5 % par kilo de viande vive, et l’énergie est utilisée plus efficacement, en lien avec la meilleure productivité du troupeau. Il y a aussi moins d’émissions d’azote ammoniacal », explique Philippe Dimon. Le potentiel nourricier (nombre de personnes nourries par l’exploitation) augmente de 5 % mais va dans le sens d’une plus grande compétition entre alimentation humaine et animale.

« Si on réduit l’âge au premier vêlage en conservant le même nombre de vêlage, on observe une stabilité de l’EBE », poursuit Philippe Dimon. Par contre, les besoins de stocks fourragers sont réduits de 5 à 6 % avec une génération d’animaux présents en moins, ce qui peut participer à l’adaptation au changement climatique. Et l’empreinte carbone est dans ce cas largement améliorée : les émissions brutes de GES baissent de 12 à 14 % car le nombre d’UGB est fort réduit.

Enfin sur le plan humain, il est à noter que la conduite de la phase d’élevage des génisses et – dans le cas où le nombre total de vêlages est augmenté – la surveillance des naissances supplémentaires à main-d’œuvre constante, engage des compétences plus complexes. Cela peut être vécu comme un challenge, et se révéler motivant pour les éleveurs qui l’ont choisi.

Plusieurs outils génétiques pour travailler la précocité sexuelle

Sur le plan génétique, plusieurs outils sont à la disposition des éleveurs pour les aider à avancer l’âge au premier vêlage s’ils le souhaitent.

« Le testage des qualités maternelles en station se pratique actuellement à la station de Moussours en race limousine et à la station de Casteljaloux en race blonde d’Aquitaine, pour sept taureaux chaque année dans chacune de ces deux races », a rappelé Laurent Griffon de l’Institut de l’élevage lors de ce même webinaire en novembre 2020. Les génisses vêlant à 2 ans dans ces stations. L’observation de leurs chaleurs permet de déterminer le pourcentage de génisses en œstrus à l’âge de 15 mois, et on calcule un index de précocité sexuelle PRECqms, dont l’héritabilité varie de 0,05 à 0,15. Il est publié quand au moins 20 filles du taureau sont évaluées.

D’autre part, le programme Preccaval dans Beefalim 2020, qui porte sur la précocité et l’efficience alimentaire, a donné des informations sur 644 génisses de renouvellement charolaises évaluées dans des stations de recherche Inrae. L’âge de leur cyclicité était mesuré par dosage de la progestérone dans le sang. L’héritabilité s’est révélée intéressante, à 0,23 plus ou moins 10 %. Mais une mesure en ferme de l’âge de la puberté de génisses, qui pourrait servir à construire un index génétique, n’est pas faisable.

« Je pense que toutes les races allaitantes peuvent vêler à 2 ans – en adaptant bien sûr leur conduite – car il y a beaucoup de variabilité génétique », estime pourtant Laurent Griffon. Le programme Preccaval a montré en particulier un lien entre poids de naissance et précocité sexuelle. Les génisses nées les plus lourdes sont sensiblement plus tardives. « Il faut continuer à sélectionner les génisses avec le meilleur développement post-sevrage, mais en éliminant celles qui sont nées les plus lourdes, pour essayer de garder de la précocité que ce soit sexuelle ou de développement », résume le spécialiste. Ceci pouvant se faire, d’après les résultats de Preccaval, sans dégrader les aptitudes au vêlage et à l’allaitement. « Et pour le choix du taureau, il faut retenir ceux qui ont un index croissance post-sevrage en ferme CRPSF élevé et un index IFNAIS élevé. »

Pour aller plus loin

Le vêlage précoce : qu’en pensez-vous ?

L’Institut de l’élevage conduit une enquête nationale auprès des éleveurs et des conseillers des deux filières laitière et allaitante sur le vêlage précoce. Quelles sont vos motivations ? Quels sont les freins ? Quels sont vos besoins ? Pour participer, c’est sur le site de l’Institut de l’élevage.

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