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Un suivi de repro pour diminuer les IVV

Dans le Tarn, des éleveurs ont opté pour des suivis de reproduction proposés par leur vétérinaire. Il leur permet de réduire les IVV moyens du troupeau en passant parfois sous le seuil des 365 jours.

« Glaires propres, col ouvert, follicule à gauche… » En ce matin d’avril, dans la stabulation du Gaec de Rustan à Valderiès, dans le Tarn, les limousines sont sagement bloquées au cornadis. Échographe sur le front et bras droit plongé dans le vagin puis le rectum, Gilles de Crémoux annonce à haute voix le résultat de ses observations. Dans le couloir de distribution, Damien Cabot, un des trois associés du Gaec, est chargé de les rentrer sur l’écran de la tablette tactile que lui a confié le vétérinaire. Après avoir consulté les données du listing puis jeté un coup d’œil aux boucles, il désigne ensuite à Gilles de Crémoux la prochaine vache à examiner.

Logiquement je dois la trouver pleine

Et justement, la prochaine à examiner a vêlé depuis 94 jours. Elle est en compagnie d’un taureau depuis déjà quelques semaines. « Elle était propre lors du dernier examen. Logiquement je dois la trouver pleine », explique Gilles de Crémoux tandis que Damien Cabot attend le verdict un brin inquiet. « Pleine de 40 jours et oui pour les battements de cœur de l’embryon. Pas de jumeaux. Celle-là, c’est bon. On a plus à la regarder jusqu’à son prochain vêlage. »

Depuis cinq ans, cette exploitation en production de veau d’Aveyron a opté pour le suivi de gestation proposé par son cabinet vétérinaire. « Il y a cinq ans, quand on a démarré ce suivi, on était entre 390 et 400 jours d’IVV. On a une centaine de vêlages par an, répartis tout au long de l’année pour étaler les ventes, avec mise en place récente du vêlage à deux ans. Selon les années, on est entre 13 et 15 % de renouvellement. Notre objectif est d’abord de vendre le plus de veaux possible à partir du cheptel existant. On complète cet atelier par des volailles en vente directe », précise Damien Cabot, associé avec sa mère Marie-Françoise et son frère Jérémie. Une partie du cheptel est inséminé et en particulier les génisses. Deux taureaux assurent le reste des mises à la reproduction.

Examen à trois périodes clés

« Dans notre cabinet, les suivis de gestations ont démarré dans les cheptels laitiers, puis ce service a été élargi aux allaitants pour lesquels il concerne actuellement 21 exploitations », explique Gilles de Crémoux. Ce suivi repose sur un examen à trois périodes clés dans les semaines qui suivent le vêlage et ce jusqu’à ce que la vache soit confirmée pleine ou réformée. Sur le plan pratique, quelques jours avant le passage du vétérinaire, l’éleveur lui fournit les événements relatifs au suivi du troupeau : dates et si possible conditions de vêlage, chaleurs et saillies observées, IA réalisées, ainsi que toute observation relative à la détection d’éventuels écoulements vaginaux anormaux.

« Sur les vaches entre 21 et 50 jours après vêlage on procède au dépistage des endométrites cliniques par inspection des glaires vaginales suivi si besoin de leur traitement. » Simultanément, cela permet, par palpation du col utérin, et des parois vaginales la mise en évidence d’éventuelles lésions ou l’observation de signes de chaleurs. Cette observation est suivie dans la foulée par l’examen manuel puis échographique de l’appareil génital par voie rectale. Palper l’utérus donne des informations sur son involution et la dissymétrie entre les deux cornes utérines. Pour ces vaches entre 21 et 50 jours après vêlage, le dernier examen concerne les ovaires. « Il est indispensable. L’existence d’un corps jaune permet de s’assurer de la reprise de cyclicité. Son absence autorise le diagnostic d’anoestrus si aucun signe de chaleur n’est observé. »

Le second groupe de vaches examiné correspond à celles non vues en chaleur plus de 50 jours après vêlage. Une palpation transrectale suivie d’une échographie de l’utérus et des ovaires les classe en trois catégories : les non cyclées, les cyclées qui présentent un corps jaune, et les gestantes après les images de l’échographie.

Enfin, le troisième et dernier groupe concerne les vaches pour lesquelles une saillie a pu être observée ou une IA pratiquée au minimum trente jours avant la visite. Le diagnostic de gestation sera confirmé uniquement si le fœtus peut être visualisé et s’il est possible d’observer ses battements cardiaques attestant que la vache a franchi le cap du trentième jour de gestation. Si la gestation est un peu plus avancée, cela permet également d’évaluer l’âge de l’embryon. C’est tout particulièrement intéressant pour les cheptels conduits en monte naturelle car cela donne une estimation assez précise du terme de la gestation, importante pour l’allotement puis le suivi de l’alimentation. Réalisé à plus de 30 jours ce diagnostic permet aussi de détecter des gestations gémellaires.

« On veut savoir assez précisément quand les vaches seront à terme. Chez nous, les femelles en fin de gestation sont sur un autre site. Il faudrait idéalement qu’elles puissent être ramenées 3 semaines avant vêlages de façon à pourvoir bénéficier de la ration des vaches suitées avant le vêlage », souligne Damien Cadot. Sur des exploitations comme celle-ci avec des vêlages volontairement étalés tout au long de l’année, le vétérinaire passe en moyenne onze fois par an avec un délai de quatre semaines entre chaque séance. Les animaux à examiner sont à chaque fois scindés en trois sous-groupes. Pour un troupeau d’une centaine de vêlages, il faut une petite demi-journée.

L’après travaux pratiques

Après les travaux pratiques dans la stabulation, le binôme vétérinaire éleveur prend un petit moment pour faire un premier bilan des résultats. « On en profite pour discuter de certains aspects techniques et en particulier l’alimentation. » Le manque d’état ou la perte d’état au moment de la mise à la reproduction est à même d’expliquer les mauvais résultats constatés dans bien des élevages. « Toute augmentation de la fréquence des anoestrus ou l’allongement de leur durée doit donc interroger l’éleveur sur sa conduite alimentaire. » Hors problème pathologique conséquence d’un vêlage difficile, le déficit énergétique en fin de gestation puis en début de lactation est une des principales causes de retard de reprise de cyclicité. « Mais attention aussi que le fautif ne soit pas tout simplement le taureau ! Sur des Limousines comme on en a sur cette exploitation, il ne faudrait pas descendre à moins de 12 UF/jour en période de mise à la reproduction et au cours des deux ou trois semaines précédent le vêlage. Cela suppose une complémentation de la ration en fourrage si la qualité de ces derniers ne permet pas d’y arriver. »

Un tel suivi n’est évidemment pas gratuit. Il est facturé 22 € par femelle suivie et ce chiffre n’inclut pas quelques inévitables produits de traitement. La somme investie est ensuite à mettre en parallèle avec l’amélioration des résultats. Le Gaec de Rustan a gagné en quelques années pratiquement 30 jours sur l’IVV moyen du troupeau. Sur un an, cela représente pratiquement neuf veaux.

F. A.

Une majorité de producteurs de veaux d’Aveyron

La plupart des éleveurs qui ont opté pour ce suivi sont des producteurs de veaux lourds, non encore sevrés quand ils quittent l’exploitation, type veau d’Aveyron. Quand les vaches sont à l’herbe, elles rentrent matin et soir pour faire téter leurs veaux. Le fait de les avoir — comme des laitières — deux fois par jour sous la main facilite ce suivi de la reproduction. Il serait plus délicat pour des vêlages très synchronisés sur une courte période, surtout s’ils ont lieu en fin d’hiver avec une mise à la reproduction à compter de la mise à l’herbe.

Objectif : moins de 365 jours d’IVV

« Réduire la durée de l’IVV est l’une des clés de l’amélioration de la rentabilité en élevage allaitant », martèle Gilles de Crémoux. À l’occasion de ces suivis, il détecte régulièrement des animaux cyclés dès le 21e jour après le vêlage. Autant d’animaux susceptibles d’être fécondés très tôt et qui peuvent de ce fait avoir des IVV un peu « hors-norme ». Sur les exploitations suivies, quelques vaches ont un IVV inférieur à 320 jours et des IVV voisins de 350 jours c’est banal. Cela signifie que la saillie fécondante a eu lieu respectivement moins de 30 jours et moins de 60 jours après le vêlage, soit au cours du premier ou du second cycle ovarien. « Pour moi, à l’échelle de l’ensemble du troupeau, un IVV moyen de 380 jours est un mauvais résultat. Mon objectif est que les élevages en suivi puissent atteindre le seuil des 365 jours classiquement mis en avant. Et si c’est moins c’est encore mieux ! J’ai en suivi un élevage qui, sur 147 vaches mises à la reproduction, a un IVV moyen de 353 jours. Les 25 % meilleures ont un IVV de 335 jours et vêlent tous les onze mois soit pratiquement 1,1 vêlage par vache et par an."

Au Gaec de Rustan, l’IVV moyen est actuellement de 376 jours et les 25 % meilleures vaches sont à 342 jours. Si on pousse un peu plus loin l’analyse du bilan donné à la famille Cabot, l’IVV est de 357 jours pour les quelques vaches de plus de 12 ans. Chiffre cohérent dans la mesure ou si ces vaches ont été conservées jusqu’à cet âge, c’est aussi parce qu’elles avaient de bonnes performances de reproduction avec un temps de présence sur l’exploitation correctement amorti.

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