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Trois races basculent dans l’indexation génomique

Charolaise, Limousine et Blonde d’Aquitaine sont en piste pour l’indexation génomique officielle avec des approches assez différentes en terme d’animaux éligibles et de services.

« À partir de janvier, la publication des index génomiques entrera en phase de routine », ont annoncé les ingénieurs de l’Institut de l’élevage, lors du dernier Sommet de l’élevage. Après un an de rodage, les trois principales races vont disposer d’index génomiques officiels (Iboval), publiés dans le système d’information génétique des bovins (SIG) et dans différents valorisés (BGTA...). Ces index (GEBV), issus du programme de recherche Gembal, combinent les index Iboval classiques et la valeur génomique directe de l’animal (DGV) obtenue par génotypage et comparaison à une population de référence. Cette indexation génomique porte pour l’instant sur 13 caractères, à savoir l’ensemble des composants des index de synthèse jusqu’au sevrage (ISEVR, IVMAT) et des index relatifs à la production de jeunes bovins en ferme (voir ci-contre).

Comme les index Iboval classiques auxquels ils peuvent être comparés, ils sont accompagnés d’un CD (compris entre 0 et 1) qui indique leur niveau de précision. Concernant les mâles, pour chaque index, une précision minimale est requise pour qu’il puisse être publié. La prise en compte du CD est très importante car, plus il est bas, plus le risque de se tromper sur la vraie valeur génétique de l’animal est grand. Pour les valeurs maternelles, les CD sont encore faibles. Le degré de précision va augmenter au fur et à mesure que les populations de référence s’étofferont.

« Travailler autant sur la voie femelle que sur la voie mâle »

Néanmoins, l’information génomique donnera à l’éleveur des moyens supplémentaires pour choisir taureaux et génisses de renouvellement. La précision sera meilleure qu’avec les informations polygéniques (performances, généalogies) dont il disposait auparavant  et il pourra prendre en compte des caractères dont la valeur n’étaient connue que très tardivement dans la vie de l’animal (AVel, ALait). « Désormais, nous avons les mêmes CD en femelles et en mâles, explique Marc Gambarotto, directeur de France Limousin Sélection. Nous allons pouvoir travailler autant sur la voie femelle que sur la voie mâle. »

Aura-t-on intérêt à génotyper tous les animaux ? « Pas nécessairement, estime Philippe Boulesteix, de l’Institut de l’élevage. Pour le quart supérieur des meilleures femelles, une information supplémentaire n’est pas indispensable. Pour les plus mauvaises non plus. Mais pour les 50 % de génisses difficiles à trier, l’indexation génomique sécuriser les choix. Pour les mâles, compte tenu du nombre de produits qu’ils engendrent, il vaut mieux prendre le maximum de garanties. Des éleveurs qui vendent des reproducteurs en font déjà un argument commercial. »

Populations cibles et différés raciaux

L’indexation génomique officielle est effectuée par les organismes habituels et mise en œuvre par l’intermédiaire de sociétés d’exploitation, qui commercialisent le service. En race Charolaise, trois entreprises se partagent le marché : Herd Book Charolais, Charolais Univers, Gènes Diffusion. Nous avons présenté leur offre dans le numéro de juillet-août dernier. En races Limousine et Blonde d’Aquitaine, une seule société propose le service. Leurs offres respectives sont développées ci-contre.

Dans chaque race, l’organisme de sélection a défini les animaux qui peuvent prétendre à cette indexation génomique (populations cibles) et, pour les mâles, des âges à partir desquels la publication des index est autorisée (différé racial). Les approches sont différentes selon les races. « Pour la Limousine et la Blonde, il y a une volonté de conforter d’abord l’approvisionnement des outils de sélection pour y concentrer les animaux les plus prometteurs, puis, dans un deuxième temps permettre, à tous les éleveurs de bénéficier de la technique », explique Philippe Boulesteix. En race Charolaise, à l’inverse, en ce qui concerne les mâles, il n’y a pas de contrainte d’âge mais pas d’accès possible hors adhésion au Herd Book. L’indexation génomique est moins orientée sur les programmes de sélection. Plusieurs initiatives ont pu ainsi se développer.

Augmenter les populations de référence

« La phase actuelle est cruciale, poursuit Philippe Boulesteix. Soit les organismes concernés et les éleveurs estimeront que c’est une méthode d’avenir et s’investiront fortement. On entrera alors dans un cercle vertueux qui permettra d’augmenter les populations de références et par conséquent la fiabilité des index et l’efficacité de la méthode. Soit, à l’inverse, l’indexation génomique ne sera utilisée que par un cercle restreint et son intérêt restera assez limité. » Les chercheurs continuent à améliorer la méthode pour augmenter la précision des index et prévoient de l’ouvrir, d’ici deux à trois ans, aux autres races en train d’étoffer leurs populations de référence. À terme, l’indexation génomique intègrera d’autres caractères, actuellement évalués de manière classique, et de nouveaux caractères (efficacité alimentaire, aspects sanitaires...).

Les 13 caractères de l’indexation génomique Iboval

Production de viande jusqu’au sevrage

IFNAIS : Facilité de naissance
CRsev : Potentiel de croissance au sevrage
DMsev : Développement musculaire au sevrage
DSsev : Développement squelettique au sevrage
FOSsev : Finesse d’os au sevrage
ISEVR : Index de synthèse production de viande au sevrage

Qualités maternelles

AVel : Aptitude au vêlage
ALait : Aptitude à l’allaitement
MERPsev : Incidence de la mère sur le poids au sevrage
IVMAT :  Index de synthèse valeur maternelle

Production de jeunes bovins

ICRCjbf : Croissance carcasse
CONFjbf : Conformation carcasse
IABjbf : Index de synthèse aptitudes bouchères

Pour les mâles les CD minimaux à atteindre sont de 0,5 pour les index de synthèse (IFNAIS, ISEVR) et IABjbf et de 0,3 pour tous les autres. Mais, hors aspects naissance-vêlage, aucun des index n’est publiable tant que l’ISEVR n’atteint pas le seuil minimal de CD de 0,50

La Limousine fournit les scores génomiques et les index Iboval

France Limousin Sélection a délégué l’indexation génomique à la société Ingenomix, émanation de l’organisme de sélection et du Herd-Book Limousin. Pour les mâles, l’indexation génomique Iboval est réservée aux seuls reproducteurs certifiables au livre généalogique et soumis au contrôle de performance (VA4), à partir de neuf mois.  En revanche, à partir du moment où l’élevage est adhérent à la certification de parenté bovine (CPB), toutes les femelles auront accès à l’indexation génomique. Le service comprend aussi la recherche systématique du gène culard et, en option, celle du gène sans corne. Les élevages hors CPB peuvent tout de même bénéficier des scores génomiques (DGV) non officiels.

La race Limousine a fait le choix de fournir, d’une part, les index génomiques officiels sur 12 caractères, d’autre part, les scores génomiques sur sept d’entre eux. « Nous continuons à donner les DGV pour que les 90 % d’éleveurs Limousins, qui ne sont pas dans la base de sélection puissent avoir un outil objectif pour choisir leurs animaux », explique Marc Gambarotto, directeur de France Limousin Sélection et d’Ingenomix.

Tri précoce, à moindre coût

Les femelles pourront être génotypées dès la naissance. Pour les adhérents CPB, tant que les performances n’auront pas été collectées, seuls seront fournis les DGV sous forme d’étoiles (de 1 à 5). Ingenomix propose également, pour les femelles, un service d’évaluation de deux ou trois caractères, EvaLIM Modulo. L’éleveur pourra ainsi faire un tri précoce de ses génisses de renouvellement, à moindre coût, sur les caractères correspondants à ses objectifs de sélection. Il pourra ensuite demander l’évaluation complète sur les génisses qu’il aura conservées.

Pour les mâles, entre 9 et 24 mois, les index génomiques Iboval ne seront remis aux éleveurs que sous forme symbolique (--/++). La publication des index sous forme numérique n’interviendra qu’à partir de 24 mois (différé racial). Pour les mâles passés en station de contrôle, les valeurs numériques seront diffusables dès leur entrée.

Pour les mâles, l’évaluation génomique est facturée 199 euros par animal et 89 euros pour les femelles. Pour celles-ci, l’évaluation sur deux caractères coûte 55 euros et 8 euros pour un caractère supplémentaire. L’option recherche du gène sans corne est à 10 euros. « Dans les mois qui viennent, l’offre va s’enrichir avec de nouveaux caractères », indique Marc Gambarotto.

Blonde : la population cible la plus large

L’OS France Blonde d’Aquitaine Sélection et l’entreprise de sélection Auriva ont créé la société Gen&Blond pour déployer la génomique. Les mâles soumis à la certification de parenté bovine (CPB) et  toutes les femelles peuvent prétendre à l’évaluation génomique. C’est la population cible la plus large. « Les instances de la race ont voulu impliquer l’ensemble des éleveurs et leur donner accès aux outils de génotypage avec un degré de précision de l’information qui dépend de leur implication dans les outils de sélection », affirme Ludovic Izard, responsable du pôle génétique viande à Auriva. Pour les élevages hors CPB, l’indexation des femelles sera faite par les organismes Iboval, avec la méthode Gembal, mais sans diffusion officielle dans le SIG (système d’information génétique). Elle sera basée exclusivement sur les DGV et publiée sous forme d’étoiles (de 1 à 5). Outre l’indexation des caractères Gembal, l’offre de génotypage intègre la filiation (VCG) et des tests sur les gènes d’intérêt concernant des anomalies (translocation robertsonienne 1/29 dont la recherche est obligatoire pour la confirmation des animaux au Herd-Book, axonopathie) ou des mutations (muscularité, coloration de robe, sans corne).

Différé racial de 18 mois pour les mâles

Pour les mâles, la publication des index génomiques est soumis à un différé racial de 18 mois sauf pour les veaux entrant en station. La population de référence étant moindre que dans les deux autres races, les organismes de sélection ont préféré jouer la prudence par rapport aux CD. « Le différé racial est un gage de qualité de l’information, justifie Ludovic Izard. Il permettra d’avoir des valeurs chiffrées parce que les niveaux minima de CD seront atteints. »

La tarification de l’offre a été étudiée pour valoriser la participation des éleveurs au contrôle de performances (phénotypage). Pour les mâles, le kit de génotypage BlondoTyp, qui comprend la VCG et l’ensemble des tests, est facturé 90 euros. L’indexation Iboval est proposée en option, à partir de 18 mois, au tarif de 160 euros. Une réduction de 40 euros est consentie aux éleveurs en VA4. Sur un jeune mâle, on peut obtenir des DGV à tout âge, puis demander l’indexation à 18 mois. Pour les femelles, VCG, tests et index sont disponibles sans contrainte d’âge au tarif de 90 euros (réduction de 20 € pour les VA4).

Trois questions à Philippe Boulesteix, Institut de l’élevage

« L’intérêt réside aussi dans les services complémentaires »

Alors que se met en place l’indexation génomique Iboval, quel est l’intérêt des scores ou index purement génomiques, non accompagnés d’un CD, proposés en parallèle par certaines sociétés d’exploitation ?
Philippe Boulesteix - Pour les caractères déjà évalués dans l’indexation officielle, il a été démontré qu’une sélection basée sur l’index Iboval consolidé des informations du génome (GEBV) est plus efficace que celle basée seulement sur la valeur classique ou la seule valeur génomique (DGV). Ceci, aussi bien sur la valeur prédite que sur sa précision. Les autres initiatives présentent des différences voire certaines limites. Les calculs s’effectuent sur la base de populations de référence plus étroites, quantitativement, que la population raciale analysée au travers de l’indexation Iboval et potentiellement moins informatives et représentatives de la diversité raciale. La fiabilité des prédictions est plus faible. A terme, ce problème de positionnement ne devrait plus se poser parce que l’intérêt de ces valeurs privées est de pouvoir se différencier commercialement en travaillant sur des caractères non indexés par Iboval.
Le prix actuel du génotypage n’est-il pas un frein à sa démocratisation ?
P. B. - Certes, ce n’est pas donné. Mais, l’intérêt réside aussi dans les services complémentaires à l’indexation qui seront proposés pour un même coût. Le génotypage permet d’avoir des résultats sur de nombreuses analyses (gène mh, gène sans corne...). Le service inclut également la filiation. Par ailleurs, les programmes de sélection imposent parfois certaines obligations pour l’inscription des animaux, comme la recherche de la translocation en Blonde d’Aquitaine. Cela à un coût. C’est la proposition d’un ensemble de services, incluant l’indexation, qui rendront compétitifs le génotypage.
Les populations cibles et le différé racial, pour les mâles, ne sont-il pas des freins également ?
P. B. - Oui, mais, nous sommes dans une période de mise en place et les choses devraient évoluer. Les organismes raciaux avancent avec précaution. Ils privilégient, dans un premier temps, les éleveurs qui ont investi collectivement dans cet outil. Mais, on peut imaginer que, progressivement, ces populations s’ouvriront.

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