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Trois étapes clés pour bien réussir son projet de méthanisation

Lors de sa semaine de la performance, Eïlyps a organisé une conférence sur les clés de la réussite d’un projet de méthanisation agricole.

Il faut vérifier que la méthanisation s’intègre bien dans le projet global de l’exploitation. C’est une activité supplémentaire. L’atelier élevage reste l’activité principale.
© F. Mechekour

« La méthanisation s’inscrit pleinement dans les énergies renouvelables et le contexte de changement climatique. Elle répond aux enjeux agricoles et en particulier à ceux de compétitivité qui jalonnent l’évolution des exploitations depuis quelques années. Elle apporte de vraies solutions. La méthanisation agricole est à considérer comme un projet à part entière sur une exploitation qui vient dans le prolongement de l’activité. C’est un atelier supplémentaire », souligne Hervé François, directeur du pôle agronomie environnement à Eïlyps, lors d’un webinaire organisé par la même société.

Trois grandes étapes sont à franchir pas à pas. Elles impliquent d’adopter une posture d’approche globale. Différents lots d’expertises et de compétences sont mobilisés au cours d’un tel projet et cela suppose de bien s’entourer pour le mener à bien. C’est un challenge qui se conduit à long terme.

 

Etape 1 : la démarche projet pour lancer un atelier méthanisation

« Comme tout projet, il se construit. Son émergence donne lieu à un certain nombre d’études, avant de se lancer dans une phase de développement au cours de laquelle on met tout en œuvre (demande d’autorisation…) pour démarrer la construction d’une unité de méthanisation et ainsi passer à la phase d’exploitation », commente Marie Thomas, conseillère référente méthanisation Eïlyps. Les questions à se poser dépendent de chaque système d’exploitation.

Elles sont nombreuses, en témoigne Pierrick Cotto, agriculteur à Treffendelle en Ille-et-Vilaine « quelle production choisir, quelle quantité de gaz puis-je produire à partir de ma production d’effluents, faut-il compléter avec des intrants d’origines végétales types CIVE, combien d’hectares dans mon assolement, quels effets sur ma rotation, quels impacts de l’épandage du digestat, à la place des effluents, sur la fertilité des sols, pourrais-je respecter les seuils réglementaires et à combien peut-on chiffrer les économies d’engrais chimiques, quelles conséquences sur la main d’œuvre ? »

Entre les premiers questionnements et la fin de la phase trois, quatre ans peuvent s’écouler. « Nous avons passé beaucoup de temps sur la faisabilité technique. Une fois celle-ci calée, il a fallu s’approprier toutes les autorisations administratives (permis de construire, choix du site d’implantation, vérifier et refaire un dossier administratif autour de l’ICPE, demande d’autorisation d’exploiter et d’agrément sanitaire), réaliser les démarches liées à la vente d’énergie, en s’adressant aux acteurs gestionnaires des réseaux et aux futurs acheteurs de l’énergie et enfin, gérer le financement du projet », poursuit l’éleveur.

 

Lire aussi : « La méthanisation est le point d’équilibre de l’exploitation »

« La méthanisation soutient notre activité d’engraissement »

 

« L’ensemble des démarches pour monter un projet sont identiques que ce soit pour un projet en d’injection de l’électricité ou du biométhane dans les réseaux. Attention à ne pas sous-estimer le temps nécessaire au montage du dossier, à la réflexion ou à la mise en fonctionnement. L’intégration locale du projet et la communication auprès des élus de la commune, des riverains… ne sont pas non plus à négliger Différentes communications peuvent se faire au travers d’informations, de visites, de réunions d’échanges que ce soit en amont lors de la réflexion du projet, au cours des démarches administratives, ou bien du démarrage de l’installation et tout au long de la mise en activité. Il est essentiel de montrer une vraie volonté de dialogue. L’attention qu’apportent les porteurs du projet à établir et à maintenir la confiance conditionne fortement la capacité des parties prenantes à mieux comprendre leur démarche sur le territoire », ajoute Julien Moy, chargé d’affaires à Evalor.

 

Chiffres clés :

En France (chiffres fin août 2020) :

 

 

Etape 2 : l’injection du biogaz dans le réseau, conditions et modalités

« On distingue deux phases dans les modalités pour l’injection de biométhane dans le réseau gaz naturel. La première consiste à évaluer les possibilités de raccordement au réseau. La seconde concerne le raccordement en lui-même », prévient Pascal Garçon, responsable développement gaz verts GRDF.

Pour évaluer les possibilités de raccordement, GRDF propose :

  • une analyse préliminaire gratuite qui permet de donner un ordre d’idée sur la distance au réseau, la capacité d’accueil du réseau et une estimation du coût de raccordement.
  • et une étude détaillée qui permet de réserver une place dans le registre des capacités, de définir très précisément la capacité disponible et les adaptations réseaux nécessaires. Cette étude est engageante, elle donnera donc le montant du raccordement. Elle se chiffre à 10 749,69 € HT.

 

« Lorsque l’on se raccorde véritablement au réseau gaz (coût variable selon le projet), il y a un travail de réfaction pris en compte par GRDF à hauteur de 40 %. Depuis 2020, le Droit à l’injection offre une prise en charge des coûts de renforcement réseau par les opérateurs gaz, en tout ou partie, selon les critères de la zone et le partage des coûts de raccordement quand un réseau bénéficie à plusieurs projets. Ceci permet une optimisation des frais et offre la capacité d’envisager des raccordements sur des distances de l’ordre de la dizaine, quinzaine voire vingtaine de kilomètres dès lors que l’on a plusieurs projets sur un tracé. »

 

Une fois le site en exploitation, les charges se répartissent selon trois coûts essentiels :

  • Une redevance annuelle poste d’injection entre 50 000 et 56 000 €/an selon les cas.
  • Des coûts d’analyses périodiques du biométhane, quatre fois par an la première année puis deux fois par an les années suivantes (environ 3 000 €/analyse).
  • Le timbre d’injection, introduit par le Droit à l’injection, en 2020. C’est une mise à contribution des porteurs de projets sur les zones où des ouvrages ont été financés dans le cadre du Droit à injection, selon trois niveaux (coût précisé lors de la remise de l’étude détaillée).

 

La taille du projet et la possibilité de mutualiser les coûts conditionnent la distance de raccordement pour un projet rentable

« Il n’existe pas vraiment de distance maximum de raccordement pour un projet rentable. C’est la taille du projet et par ricochet l’économie dégagée qui va permettre de financer plus ou moins de distance de réseau. Pour un ‘petit projet’, 4 à 5 km s’intègrent assez facilement dans les Capex. Quand on est sur des gros projets (250 à 300 Nm3/h), le projet individuellement peut supporter entre 15 et 20 km sans impacter sa rentabilité. La taille du projet représente la première notion d’une distance de raccordement plus ou moins importante. Ensuite, la possibilité de mutualiser les coûts de raccordement ouvre des possibilités pour aller encore plus loin. Une étude actuellement de quatre projets avec tracé commun, dans le Morbihan, permet d’aller jusqu’à 40 km. En moyenne, on donne entre 8 et 10 Nm3/h/km », souligne Pascal Garçon, responsable développement gaz verts GRDF.

 

 

Etape 3 : dimensionner un projet durable et responsable

« Chaque porteur de projet a des objectifs différents pouvant impacter le dimensionnement du projet (diversification ou augmentation des revenus de l’exploitation, meilleure valorisation agronomique des effluents d’élevage, amélioration du bilan énergétique et environnemental de l’exploitation…). Il est donc primordial de bien définir ses objectifs au préalable et de coconstruire son projet avec le maître d’ouvrage pour en orienter et valider son dimensionnement », note Julien Moy.

Attention au surdimensionnement du projet dans sa globalité. Il peut être tentant sur le papier pour améliorer la rentabilité (théorique) mais il peut aussi conduire à l’inverse si l’unité manque de matières ou si elle dépend fortement de matières extérieures dont les prix peuvent être très volatils pendant la phase d’exploitation.

Dans l’étude d’un projet de méthanisation performant et durable, on peut recenser cinq points fondamentaux. A commencer par le débouché énergétique. Le choix de l’injection ou de la cogénération va vraiment dépendre de la distance de raccordement à laquelle on va pouvoir répondre sur le territoire mais aussi des maillages possibles en injection. Vient ensuite la sécurisation du gisement. Il est conseillé d’en maîtriser à minima 70 à 80 %. Un approvisionnement et une bonne connaissance de ses intrants conditionnent la performance de l’unité. Et c’est en testant sur plusieurs années que l’on peut choisir les espèces les mieux adaptées à sa situation. La ration du méthanisateur ne s’improvise pas ! Elle doit être réfléchie avec le constructeur, ainsi qu’avec un service biologique, qui va en assurer la bonne marche quotidienne. La question de la disponibilité des matières se pose sur le long terme. Il s’agit d’une stratégie à envisager pour la plupart des projets, tout en vérifiant la pertinence agro-environnementale pour l’exploitation. Le prévisionnel théorique de rentabilité d’un projet de méthanisation s’effectue sur 15 ans ! Pour se faire, il faut maîtriser le foncier. Ce dernier va également avoir un gros impact en termes de retour au sol. Attention donc de ne pas faire un projet trop conséquent, au risque de ne pas être autonome en termes de surfaces au sol pour des unités d’azote ou de phosphore, ce qui peut devenir contre-productif.

L’aspect ressources humaines représente un autre point fondamental à mettre en exergue. « On prend comme critère (1 normaux m3 en injection équivaut à environ 4,5 kilowatts en cogénération) 1 heure de travail environ pour 100 kilowatts (seulement process). L’équilibre financier du projet va être très dépendant des Opex (coûts d’exploitation et de maintenance) et des Capex (coûts de construction et d’infrastructures) de départ du projet mais également du suivi biologique. »

Il faut une pertinence agroenvironnementale sur l’exploitation. Il faut vérifier que la méthanisation s’intègre bien dans le projet global de l’exploitation. C’est une activité supplémentaire. L’atelier élevage reste l’activité principale.

 

Lire aussi : Dialoguer pour éviter les conflits

 

 

Facteur de réussite : la gestion de la biologie :

  • Il faut maintenir l’équilibre de la digestion tout au long de la durée de vie du projet. Pour se faire, un suivi quotidien des paramètres du milieu (pH, température, composition du biogaz et du digestat) reste très important tout comme des analyses régulières sur les matières entrantes et sur le digestat.

  • Il faut être correctement équipé en outils de monitoring pour suivre les performances de son unité. Et ce, même sur une petite installation. Il est recommandé de suivre une formation spécifique au suivi biologique et souscrire un contrat de suivi biologique auprès de son constructeur ou d’un prestataire spécialisé, au moins les premières années.

Le pilotage de l’unité passe par le suivi de la performance.

 

lire aussi : La silphie, une culture fourragère offrant de nombreux atouts pour la méthanisation

 

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