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Reproduction : des enjeux accentués par les effets climatiques pour les bovins viande

Les performances de reproduction sont l’un des principaux leviers pour améliorer la rentabilité en élevage allaitant. Elles ont tendance à se dégrader depuis quelques années à cause des effets climatiques et des changements de structures.

 © S. Bourgeois
© S. Bourgeois

Au sommaire de ce dossier

Y a-t-il un intérêt à limiter l’accès des veaux à leurs mères ?

« Mes veaux sont plus dociles et homogènes avec la limitation des tétées »

Une approche globale pour une reproduction au top

 

 

« On constate une rentabilité en berne dans les élevages bovins allaitants depuis plusieurs années. À côté de l’effet conjoncture, l’un des principaux leviers pour l’améliorer réside dans l’amélioration de la productivité du troupeau », a expliqué Philippe Dimon de l’Institut de l’élevage, lors d’un webinaire en octobre 2020.

Ceci représente un sacré défi dans le contexte d’augmentation de la taille des cheptels, avec une moindre disponibilité de la main-d’œuvre, en particulier bénévole, qui œuvre souvent pour le suivi de la reproduction justement. Et à ceci s’ajoute le fait que les troupeaux allaitants sont confrontés aux effets du changement climatique. "C’était le cas pour la campagne fourragère de 2016, et cela a perturbé la reproduction au cours du printemps 2017. Cela s’était traduit par une baisse du nombre des vêlages fin 2017, et tout au long de 2018, par un effectif de vaches vides plus élevé ou encore un décalage des vêlages", rappelle Philippe Dimon.

De fortes chaleurs durant des périodes clés de la reproduction peuvent affecter la réussite des vaches, et parfois aussi celle des taureaux de monte naturelle. Et globalement, le changement climatique se traduit par une bien plus forte variabilité de la qualité des fourrages distribués qu’il y a quelques années. Parfois les printemps sont pluvieux, le creux estival est beaucoup plus long. Enfin il ne faut pas négliger la problématique sanitaire qui impacte la réussite de la reproduction, avec des passages de virus à bas bruit, comme celui de la FCO notamment.

« D’après le référentiel 2019 des élevages suivis par Bovins Croissance (environ 8 500 élevages toutes races allaitantes confondues), on observe une augmentation de la taille des troupeaux avec un ou deux vêlages de plus par an entre 2010 et 2017 », observe Philippe Dimon. Depuis 2017, les troupeaux semblent avoir atteint un palier en race Charolaise, Limousine et Blonde, tandis que la croissance continuait en races rustiques jusqu’en 2019.

Moins de vêlages par vaches présentes

Ce référentiel montre que si les performances de reproduction évoluent différemment en fonction de la race, il est souvent constaté une diminution du nombre de vêlages par vaches présentes. « Ceci est dû principalement à l’augmentation du nombre de femelles improductives dans les troupeaux, et s’explique par des conditions séchantes désormais récurrentes, ou bien par une moins bonne maîtrise technique, liée à l’augmentation de la taille des troupeaux avec une main-d’œuvre disponible qui n’a pas changé. Le nombre de vaches improductives traduit aussi comme on a pu le constater cette année avec la crise du coronavirus que les départs de vaches à l’engrais sont retardés. Les éleveurs sont dans ce cas tributaires des marchés", analyse Philippe Dimon. Les performances s’améliorent par contre pour la croissance des veaux, grâce notamment à une plus forte complémentation entre quatre et sept mois d’âge — justement pour cause de manque de fourrages, pour compenser la difficulté des mères à avoir de bonnes lactations faute d’herbe.

 

taux de vêlages moyen par race reproscope 2018-2019

 

Aurélie Blachon de la chambre d’agriculture de Haute-Garonne livre son analyse en s’appuyant sur des données de Reproscope, l’observatoire de la reproduction de l’ensemble des élevages de bovins en France qui rassemble les données d’un peu plus de 70 000 élevages. « Sur la campagne 2018-2019, pour l’intervalle vêlage vêlage moyen des troupeaux, les différences sont assez marquées d’une race à l’autre », constate Aurélie Blachon. Certains sont vraiment loin de l’objectif. Si ces chiffres traduisent des différences de pratiques qui ont leur logique, ils reflètent quand même de grandes variations. Il y a bien sûr beaucoup plus de variabilité entre élevages d’une race donnée qu’entre les moyennes de chaque race. "On observe aussi des fluctuations assez importantes d’une année à l’autre. Mais au final, on constate qu’il n’y a pas d’amélioration sur ce critère depuis un certain nombre d’années."

La productivité globale – le nombre de veaux sevrés par vaches présentes et entretenues sur l’année – est un indicateur synthétique intéressant. Elle a pu être analysée à partir de la base de données de Bovins Croissance. "Sur dix campagnes consécutives de 2010 à 2019, la productivité globale est quasi stable en race Aubrac. Pour toutes les autres races, elle est en diminution, de jusqu’à 5 points, et cette tendance s’accélère à partir de la crise climatique depuis 2015", constate Aurélie Blachon.

 

graph productivité globale par race réseaux d'élevage

« Nous avons aussi regardé plus en détail le taux de vêlages – pourcentage de vêlages par vaches présentes – qui traduit un certain taux d’improductivité. Ce taux d’improductivité a tendance à augmenter dans toutes les races depuis deux ans de façon assez marquée. » L’âge au premier vêlage, l’âge moyen du troupeau, et le taux de renouvellement sont pour leur part relativement stables. La mortalité des veaux est en progression sensible pour la race Limousine, elle baisse clairement en race Charolaise et en race Blonde d’Aquitaine, et elle reste stable pour les races rustiques.

 

 

Une évolution de la saisonnalité des vêlages

« En race Charolaise, on constate que la progression des vêlages d’automne au détriment des vêlages d’hiver est remise en question sur les deux dernières campagnes, sans doute en lien avec les événements climatiques, montre aussi Aurélie Blachon. Ceci se fait plutôt au profit des vêlages de printemps, à cause sans doute d’un décalage d’une partie des vaches. » La même tendance se retrouve en race Limousine. En race Blonde d’Aquitaine, on reste sur 75 % de vêlages étalés sur l’année, et la saisonnalité reste très marquée sur des vêlages d’hiver en races rustiques. La double période reste marginale. Dans cette base de données, seulement 3 % des troupeaux ont été identifiés comme suivant cette pratique. Mais ce chiffre est sans doute sous-estimé ici, car la base de données ne permet pas de repérer tous ceux qui essaient de mettre en place la double période de vêlages.

Beaucoup de variabilité pour les performances de reproduction

tab reproscope races à viande

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Des performances de reproduction dégradées dans le Grand Est après trois années de sécheresse

Optival a évalué l’impact de trois années successives de sécheresse, de 2017 à 2019, sur les performances des élevages allaitants du secteur Meurthe-et-Moselle, Vosges et Meuse à partir des données de reproduction et de pesée des veaux du contrôle de performances.

« D’après nos données, l’effectif de vaches a augmenté de 15 à 20 % en moyenne par rapport à la période des trois campagnes précédentes, mais le nombre de veaux est resté le même », analysait Rémy Valette, technicien bovins croissance pour Optival (groupe Seenorest) lors d’un webinaire organisé suite à l’annulation du Salon de l’Herbe 2020.

« On constate un taux important de vaches vides, bien souvent lié à des avortements causés par les fortes chaleurs. Une partie des vaches ont aussi eu des difficultés à remplir. Pendant la canicule, l’expression des chaleurs est mauvaise et aussi, quelquefois, les taureaux ont du mal à saillir. Ce taux de vaches vides est aussi certainement en rapport avec des carences en oligoéléments et minéraux durant la période estivale et/ou la période hivernale. » D’après ces données, l’IVV s’est allongé en moyenne de 14 jours pour les primipares et de 25 jours pour les multipares toutes races confondues.

Un impact économique très important

« Nous avons mis en évidence aussi une baisse de croissance des veaux, certainement liée à une moindre production de lait de leurs mères qui recevaient une alimentation un peu moins soutenue, ajoute Rémy Valette. Cette baisse de poids était de 5 kilos en moyenne sur les mâles et les femelles toutes races confondues. » Les pâtures se sont beaucoup dégradées sous l’effet des sécheresses répétées, notamment les vielles prairies naturelles. La complémentation des veaux était parfois tardive ou insuffisante, à cause de problèmes de trésorerie. Ceci est aussi une conséquence du manque de stock, les vaches étant souvent à la paille.

Optival a calculé l’impact économique des performances de reproduction sur un troupeau moyen de 60 vaches allaitantes : 20 % de vaches vides représentent 12 vaches improductives à nourrir l’hiver, à raison de 500 euros par vache, cela représente une facture de 6 000 euros.

« Faire un diagnostic de gestation des vaches rentrées, veiller à ne pas sous doser en période hivernale comme en période estivale l’apport de minéraux et d’oligoéléments, et faire un flushing avant la mise à la reproduction permet de limiter la casse », conseille Rémy Valette.

 

La piste de la génétique pour progresser sur la reproduction

Les outils de monitoring destinés en première intention à détecter les chaleurs des vaches ouvrent des possibilités pour collecter des données sur la reproduction dans un but de sélection.

En race Limousine, France Limousin sélection et IngenomiX préparent un index génomique sur l’intervalle entre le vêlage et la première chaleur (IVPC) post-partum, mesuré entre autres grâce à des capteurs Heatime. "Nous avons mesuré une héritabilité de 10 % pour ce caractère, avec une précision satisfaisante. Ces résultats sont en accord avec les données disponibles dans la littérature scientifique, annonce Vincent Prieur, ingénieur projet R & D chez France Limousin sélection. Désormais nous consolidons nos résultats et évaluons sa corrélation avec les autres caractères." La Limousine dispose aussi de données sur la durée de gestation qui pourraient être valorisées en sélection et collecte des données sur la précocité sexuelle.

En race Charolaise, Gènes Diffusion lance cette année un index génomique qui traduit la faculté de reproduction des femelles : Repro g. « La variabilité observée dans l’expression des chaleurs traduit un effet génétique qu’il est possible de traduire dans un index », explique Sébastien Landemaine de Gènes Diffusion. L’index Repro g se compose de 40 % d’expression des chaleurs, 10 % de RIAP (réussite en IA première) des génisses et 50 % de RIAP des vaches. Les taureaux charolais du catalogue Gènes Diffusion ont désormais une indexation génomique sur la faculté des femelles à se reproduire pour maintenir des intervalles vêlage-vêlage optimisés. Les femelles génotypées GDscan disposent également de ce nouvel index. "Il est construit sur un modèle de reproduction en IA, mais logiquement, il apporte des informations intéressantes en monte naturelle."

 

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