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Réforme de la Pac : sept revendications parfois divergentes des filières agricoles françaises

Dernière ligne droite pour définir le cadre de la réforme de la Pac qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2023. Dans chaque Etat membre, la déclinaison nationale se prépare. En France, le Plan stratégique national va devoir composer entre les revendications de chaque filière. Les attentes des filières animales et végétales semblent divergentes. Agriculture conventionnelle et agriculture biologique demandent des aides. Entre rééquilibrage et arbitrage, le gouvernement finalise son PSN.

© Ylliab Photo / flickr

On est à quelques jours de l’issue des négociations sur la réforme de la Pac pour la mise en place d’une nouvelle politique agricole commune à partir de 2023. Sur la dernière ligne droite, chaque filière enfonce le clou de ses revendications et espère ne pas sortir lésée des arbitrages tant au niveau européen que français avec le PSN, le Plan stratégique national, déclinaison de la Pac dans notre Etat membre. Des arbitrages au niveau français pourraient être définis vers la mi-avril.

Lire aussi « Comprendre les enjeux de la Pac en 6 questions »

. Filière bovins viande : maintien des aides couplées spécifiques pour l’élevage allaitant

Alors qu’ils sont en pleine crise de revenus, l’idée de fusion des enveloppes des aides couplées destinées aux vaches laitières et aux vaches allaitantes est jugée inacceptable par la filière bovins viande.

Lire aussi « Pac : les différentes options sur la table pour les éleveurs bovins viande » et « Pac : une coupe dans l’enveloppe des aides couplées bovins viande est envisagée »

Lors d’une conférence de presse organisée par la FRSEA et JA d’Auvergne le 12 avril, Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes a été relativement rassurant pour les éleveurs de sa région. « Le ministre nous a dit que le scénario sera beaucoup moins catastrophique que redouté par les élevages bovins viande, » a relaté Michel Joux. Les producteurs n’en restent pas moins sur la défensive et rappellent leur revendication principale : une répartition équilibrée des aides entre systèmes d’élevage qui ne mette pas en péril la vache allaitante.

. Filière bovins lait : une ouverture plus large aux éco-régimes

La proposition de couplage des aides avec une entrée à l’UGB (Unité gros bétail), point de contestation des éleveurs allaitants, est en revanche accueillie de façon satisfaisante par les éleveurs laitiers. Ce couplage pourrait par ailleurs contribuer à « désengorger un peu le marché très perturbé des petits veaux de 8 jours en incitant des éleveurs à aller vers l’engraissement », indique Réussir Lait, relatant l’avis de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait). « Les producteurs de lait sont ceux qui ont perdu le plus au niveau de la Pac depuis 15 ans, » estime Thierry Roquefeuil , président de la fédération. « Au vu des premières propositions concernant le Plan stratégique national, » les pouvoirs publics semblent avoir pris cette situation en compte a-t-il estimé lors d’une conférence de presse le 8 avril. Pour enrayer la déprise laitière, un rééquilibrage est indispensable, estiment les représentants de la filière.

Lire aussi « Pac : pour la FNPL, des premières propositions qui vont dans le bon sens pour les éleveurs laitiers mais insuffisantes »

Pour la FNPL, il faut cependant travailler sur les modalités d’accès aux éco-régimes, en faisant reconnaître tous les chantiers ouverts en élevage laitier. Avec les propositions actuelles, la FNPL estime à 60-70 % la proportion d’éleveurs qui vont pouvoir bénéficier de ces aides. « Ce n’est pas suffisant, » estime la fédération. Thierry Roquefeuil propose une « surdotation liée au bien-être animal » et demande aussi « plus de reconnaissance de la polyculture élevage » pour « garder des prairies » et « garder des animaux mangeurs d’herbe ».  

. La filière ovine réclame le maintien de l’aide couplée ovine

La filière ovine veut une aide ovine forte avec des bonus pour les éleveurs en OP, engagés dans la sélection génétique, avec une bonne productivité numérique ou des agneaux labels. Plusieurs éleveurs ont décidé le faire savoir en réalisant des vidéos. Les éleveurs de y expliquent les atouts de l’élevage de brebis pour les territoires et l’importance de l’aide ovine pour leur revenu. Le syndicat demande aussi le maintien de la majoration relative aux nouveaux producteurs à son niveau actuel (environ 6 €/brebis). L’aide ovine constitue le principal levier de progrès pour la filière, estime la FNO (Fédération nationale ovine). Neuf éleveurs ont participé à l’opération de communication pour exprimer leurs revendications. Les vidéos sont diffusées sur les réseaux sociaux.

Lire aussi « Pac : les propositions de la Fédération nationale ovine défendues en vidéos »

. La filière caprine défend son aide couplée et une ICHN spécifique à l’élevage

Les aides publiques représentent aussi une part importante des revenus des éleveurs caprins. La filière défend donc elle aussi le maintien des aides couplées et une ICHN (Indemnité compensatoire de handicaps naturels) réservée à l’élevage. Ce dispositif du second pilier de la Pac, créé en 1976, vise à maintenir une agriculture viable dans les zones fragiles, où les conditions de production sont plus difficiles qu’ailleurs en raison de l’altitude, de la pente, de l’excès de sécheresse ou d’humidité, ou encore de sols de faible qualité.  

Lire aussi « Les enjeux de la réforme de la Pac pour les éleveurs caprins »

. Les céréaliers veulent une Pac plus économique et moins environnementale

Les céréaliers ont aussi fait part de leurs revendications vis-à-vis de la Pac et veulent faire pression sur se déclinaison au travers du PSN. Leurs craintes concernent essentiellement les éco-régimes. Le niveau d’exigence pour toucher les nouvelles aides vertes est jugé excessif et les producteurs craignent de ne pas être éligibles. « On risque d’avoir 50 % des agriculteurs du Grand Bassin parisien qui ne toucheraient pas la dotation à taux plein de ces aides, » craint Stéphane Sanchez, directeur FNSEA du Grand Bassin parisien. Pour les producteurs, les conditions d’entrée dans la Pac sont environnementales et pas économiques, relate Réussir Grandes Cultures, ce qui touche directement les revenus.

Lire aussi « Pac : les céréaliers du Bassin parisien manifestent pour peser sur les négociations »

. Un appel à l’aide en zones intermédiaires

Les zones intermédiaires sont des territoires présentant des caractéristiques agro-pédologiques spécifiques qui ont conduit à la mise en place d’une Maec, mesure agro-environnementale et climatique  « système grandes cultures adapté pour les zones intermédiaires ». Ces zones recouvrant un environnement agricole et socio-économique particulier couvrent en presque totalité 21 départements.

Lire « Régions à potentiel limité : un appel à l’aide en zones intermédiaires »

Ces territoires au potentiel de production limité revendiquent de ne pas être délaissés avec la nouvelle Pac. Dans un contexte de réchauffement climatique, beaucoup d’exploitations de ces zones sont en situation économique difficile. Dans ces zones aux sols souvent caillouteux, « beaucoup de céréaliers n’ont pas d’alternatives au colza, » explique Antoine Carré, le président des Jeunes agriculteurs de Côte-d’Or. Pourtant, dans ces zones, la réussite de l’oléagineux est aléatoire. Attaques d’insectes ravageurs, gels tardifs comme celui connu cette année, peuvent venir compromettre sérieusement les rendements.

Lire « [Pac - manifestation à Dijon] – Antoine Carré, président des Jeunes agriculteurs de Côte-d’Or :  " On m’a mis les menottes dans le dos, comme un délinquant " »

 

. L’agriculture biologique veut un budget adapté aux objectifs de développement

La nouvelle Pac en préparation est aussi l’objet de revendications de la part des producteurs en agriculture biologique. La Fnab (Fédération nationale d’agriculture biologique) réclame plus d’argent pour son secteur. Le budget de la Pac destiné au bio représente actuellement 2 % du total alors que l’objectif de surface est de 20 % à court terme et de 25 % à l’horizon 2030 au niveau européen avec le Green Deal. La filière demande donc une augmentation du budget destiné à l’agriculture biologique.

Lire aussi « Adapter le budget de la Pac 2023 aux objectifs d’augmentation des surfaces bio »

 

Des divisions et un arbitrage final

Tenir compte de toutes les revendications, parfois divergentes, des différentes branches de l’agriculture, s’avère compliqué. Au sein de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, les familles sont « divisées sur la déclinaison nationale, » pouvait-t-on lire dans un article de Réussir Grandes Cultures le 19 janvier 2021. Avec d’un côté des éleveurs qui « veulent donner priorité aux prairies dans les éco-régimes » et de l’autre des filières végétales qui veulent, pour les grandes cultures, « un rééquilibrage des soutiens entre secteurs et régions », l'agriculture vit une période tendue. Le Figaro n'hésite pas à parler de « combat des filières agricoles pour se partager la manne de la PAC ». Le gouvernement va devoir arbitrer et les échéances du Plan national stratégique se rapprochent.

Lire aussi « Réforme de la Pac : les familles de la FNSEA divisées sur la déclinaison nationale »

 

 

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