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Poussif, le marché des bovins reproducteurs s’adapte aux nouvelles technologies

Entre confinement, plongée des cours des différentes catégories de bovins mâles, sécheresse et décapitalisation, on a connu contexte plus riant pour le commerce des bêtes d’élevage ! Vendeurs et acheteurs s’adaptent à un usage accru d’internet.

L'annulation de la plupart des salons et concours aura indéniablement marqué cette triste année 2020, et a forcément perturbé le commerce des animaux reproducteurs... habituel lieu de rencontres, discussions,  d'échanges d'adresses et de numéros de téléphones. © F. d'Alteroche/Archives
L'annulation de la plupart des salons et concours aura indéniablement marqué cette triste année 2020, et a forcément perturbé le commerce des animaux reproducteurs... habituel lieu de rencontres, discussions, d'échanges d'adresses et de numéros de téléphones.
© F. d'Alteroche/Archives

« Le meilleur des baromètres pour le débouché de la repro, c’est celui de la viande. Et compte tenu du prix des JB et des broutards cet automne, c’est forcément difficile », résume Jean-Pierre Poujaud, technico-commercial en charge de la partie reproducteur pour l’OP Celmar à La Souterraine dans la Creuse. Face aux difficultés, une partie des éleveurs reportent leurs achats, et cherchent à conserver une année supplémentaire certains taureaux encore en forme qu’ils avaient initialement prévu de réformer. Ce cas de figure serait cependant limité. Les taureaux doivent forcément être régulièrement renouvelés pour limiter tous risques de défaillance.

Pour les éleveurs ne faisant pas partie de la base de sélection, l’année en cours n’aurait fait que confirmer la tendance déjà bien ancrée de l’achat de taureaux « prêts à l’emploi », aptes à « faire du boulot » dès leur acquisition. « Hormis quelques sélectionneurs qui choisissent encore des veaux sous les mères ou autour du sevrage, la demande se recentre sur des taureaux de 16 à 20 mois. Ce n’est pas pour s’économiser la durée de leur hivernage, c’est davantage pour se simplifier le travail », ajoute Jean-Pierre Poujaud. Cette tendance se retrouve sur la zone Aubrac. « La demande en taureaux de saillie est devenue assez aléatoire. Beaucoup d’éleveurs n’anticipent guère leurs achats et s’en préoccupent le plus souvent peu avant la période de mise à la reproduction », indique Francis Nolorgues, commercial en animaux d’élevage pour le groupe Celia. « Mais les éleveurs pointus dans la conduite de leur cheptel sont loin de baisser les bras. Ils maintiennent leurs exigences pour trouver de bons animaux, bien conscients de l’importance du volet génétique pour préparer l’avenir », souligne Christian Simonnet, en charge des reproducteurs charolais pour le groupe Feder.

L’absence de concours casse l’ambiance

En plus de l’effet conjoncture, le confinement, la sécheresse et l’annulation de la plupart des salons et concours ont contribué à casser l’ambiance. Tous les acteurs de la génétique regrettent évidemment le manque de convivialité et de chaleur humaine qui aura caractérisé cette triste année 2020. « L’annulation de la plupart des concours a été clairement pénalisante pour les vendeurs d’animaux reproducteurs. Ils ont été privés de tout le côté relationnel associé aux nombreuses prises de contact qui ont habituellement lieu sur ces manifestations. Lesquelles se traduisent par la suite souvent par des ventes », indique Christian Simonnet. Les visites en ferme et les différentes portes ouvertes en élevage organisées dans les semaines précédant le second confinement ont aussi été pénalisées par les restrictions de déplacement. « La crainte du Covid fait que certains éleveurs sont devenus frileux à l’idée de se déplacer », estime Simon Perrot, dirigeant de la société Simon Génétic. Dans ce contexte, les rassemblements d’animaux et ventes groupées organisées en début d’automne juste avant le second confinement ont été appréciés dans la mesure où ils ont évité aux éleveurs d’avoir à se déplacer de ferme en ferme pour choisir leur futur taureau.

Les réseaux sociaux comme vitrine

L’arrivée du coronavirus et ses restrictions auront également favorisé le recours aux annonces en ligne et surtout aux réseaux sociaux pour mettre en avant son élevage et ses animaux grâce à quelques photos et commentaires bien choisis. Largement utilisé, Facebook permet de réaliser une bonne vitrine de son élevage à moindres frais. Sans forcément se traduire par des transactions sur de simples photos ou vidéos, cela favorise au moins les premières prises de contact. Si cet outil manque clairement de convivialité, il s’avère cependant efficace.

Côté tarifs, il n’existe aucune cotation « officielle » pour les taureaux allaitants destinés à la monte naturelle. Difficile cependant d’occulter une légère érosion des prix. « Chaque année depuis 22 ans, nous organisons fin octobre une vente de jeunes taureaux sur l’exploitation du lycée agricole de Montluçon-Larequille dans l’Allier. Le prix moyen a été cette année en recul d’environ 100 à 150 euros par tête, mais avec des ventes globalement assez actives », indique Christian Simonnet.

Si la demande en jeunes mâles est forcément entretenue par la nécessité de remplacer ceux qui partent à la réforme, le marché de la génisse d’élevage serait lui nettement plus compliqué. Il est clairement pénalisé par des trésoreries parfois très tendues dans les départements les plus touchés par la canicule et le manque de précipitations cet été, sans occulter évidemment le découragement de certains éleveurs. « On sent clairement l’effet de la sécheresse et des stocks de fourrage trop limités. Dans ce contexte, ce n’est pas vraiment le moment d’accroitre le nombre de bouches à nourrir », indique Christian Simonet. La demande en femelles destinées à la reproduction est aussi forcément pénalisée par le recul des effectifs sur le plan national. Le cheptel allaitant français a perdu quelque 250 000 vaches mères en quatre ans. Ce recul concerne tout particulièrement la Charolaise et la Blonde d’Aquitaine et a forcément un impact sur la demande en animaux reproducteurs. « Le marché des femelles d’élevage est difficile en Salers. Il y a un peu plus de demande en Aubrac, même si cela reste très compliqué. Mais il est surtout très délicat de donner des chiffres sur le niveau des prix auquel se vendent actuellement les animaux », rapporte Francis Nolorgues.

L’urgence d’aller prospecter sur le terrain

Les différents acteurs du commerce des animaux d’élevage attentent désormais tous avec impatience la possibilité de se déplacer sans contraintes pour aller sur le terrain afin de trouver de nouveaux débouchés, que ce soit en France et surtout en dehors de nos frontières. « Je n’ai pas effectué de déplacement à l’étranger depuis janvier 2020 », regrette Giuseppe Pantaléoni, gérant de la société KBS génétic. « Pour nous l’urgence est à la fois de redémarrer les prospections en dehors de nos frontières et de pouvoir à nouveau recevoir nos clients étrangers dans de bonnes conditions. »

 

Besoin annuel d’au moins 15 000 taureaux limousins

D’après l’OS France Limousin sélection, au cours de la campagne de naissance comprise entre le premier août 2018 et le 31 juillet 2019, il y a eu d’après les chiffres de la BDNI très exactement 55 024 taureaux limousins (inscrits et non inscrits) pères de veaux limousins (donc de race pure). L’OS ne dispose pas de données sur les taureaux limousins utilisés en croisement sur des allaitantes d’autres races, déjà croisées, ou de races laitières. Le taux de renouvellement de ces taureaux est estimé à 30 % soit un besoin annuel en jeunes taureaux d’au moins 15 000 têtes/an. Ce total est seulement pour partie le fait de taureaux préalablement évalués en station. Au cours de la campagne 2019/2020, il y a eu 744 taureaux évalués dans les quatre stations de Lanaud, Gevial, Gelioc et ABL et, qui plus est, une partie de ces jeunes taureaux ont été vendus en dehors de nos frontières.

Format sans excès, sans cornes et vaccinés

Au moins pour la Limousine, la demande de bien des éleveurs hors base de sélection serait axée sur de jeunes taureaux exprimant bien les fondamentaux de la race avec la volonté d’avoir des animaux certes productifs mais qui sont d’abord faciles à conduire.

« La tendance est à se recentrer sur la finesse, les facilités de naissance, le lait et la précocité, souligne Jean-Pierre Poujaud. Cela va d’ailleurs dans le sens de ce que nous demande l’aval. » « Il faut s’adapter à l’évolution de la demande des marchés. La tendance est aux animaux mixtes à mixte viande et non aux grands formats très élevage », confirme Giuseppe Pantaleoni. Cette logique se retrouve pour le maigre destiné à l’Italie où le bétail avec beaucoup de taille et très charpenté est loin d’être le plus prisé.

Vaccinés dans les bons délais

Autre tendance du moment, au moins en Charolais et Limousin : l’attrait pour la génétique sans cornes de la part d’éleveurs — français comme étrangers — qui ont vite compris les atouts de ces animaux pour simplifier la conduite des élevages et limiter le nombre d’interventions. « Ce n’est pas une nouveauté mais cela se confirme d’années en années. D’ailleurs le prix record de la vente en ligne de jeunes taureaux que nous avons organisé cet automne est allé à un homozygote né au Gaec Benoit dans l’Indre. Il est issu de souches qui le rendent facile à utiliser tout en étant exceptionnel dans sa morphologie et ses aptitudes. » Il suscitait les convoitises de bien des étrangers mais a été acheté 22 300 euros par le GIE Polled Excellence, un groupe d’éleveurs français qui ont uni leurs moyens pour accéder ensemble à des reproducteurs de bon niveau pour accélérer la diffusion de ce gène dans leurs élevages. Autre constat, la nécessité d’avoir des animaux vaccinés dans les bons délais. « Compte tenu de l’atonie actuelle du débouché français c’est indispensable si on veut pouvoir les orienter vers l’export. » Le message peine encore à passer. « Ce n’est pourtant pas faute de le rabâcher. »

Recours croissant aux enchères sur internet

Le confinement a obligé les entreprises spécialisées dans la vente de reproducteurs à mettre en place des enchères via internet. Leurs clients s’y sont bien habitués.

Qui aurait dit voici seulement un an qu’acheter ou vendre un taureau aux enchères sur internet deviendrait banal ? Pour faire perdurer leurs activités, les entreprises spécialisées dans la vente d’animaux reproducteurs ont mis en place en quelques semaines des outils numériques. Ils leur permettent d’organiser des ventes aux enchères à distance et non en présentiel. « L’enjeu était tout simplement de pérenniser mon entreprise », indique Simon Perrot, à la tête de Simon Génétic, spécialisée dans la commercialisation de reproducteurs, semences et embryons Charolais.

Jusqu’à l’an dernier, cette jeune entreprise organisait à l’automne quatre ventes aux enchères de reproducteurs à l’occasion des concours d’Agrimax à Metz (Moselle), de Cercy-la-Tour (Nièvre), La Roche-sur-Yon (Vendée) et Saint-Amand-Montrond (Cher). Toutes étaient organisées très classiquement avec les acheteurs réunis autour d’un ring dans lequel défilaient un à un les différents animaux. « Cette année en fin de printemps j’avais réalisé un pré-tri de 175 animaux après plusieurs tournées en élevages. Le concept retenu pour les vendre a, dans les grandes lignes, été décidé un soir à l’occasion d’un dîner avec mon frère informaticien et ma belle-sœur qui travaille dans le marketing », explique Simon Perrot. Une fois le concept décidé, le site a été retravaillé pour permettre ces enchères à distance. Les 166 lots retenus ont été répartis en quatre sous-groupes selon la proximité de l’élevage naisseur avec le lieu habituel des quatre ventes aux enchères. Puis de fin octobre à fin novembre, tous les acheteurs intéressés pouvaient proposer un montant pour l’animal convoité sachant que même si leur enchère leur permettait de prendre la main, elle pouvait être couverte par un autre acheteur plus généreux et ce jusqu’à la clôture de la vente au plus offrant. Le système a remporté un vif succès. 150 des 166 lots proposés ont été vendus à une moyenne de 5525,33 euros, dont quatre à plus de 20 000 euros et un record à 37 000 euros pour un veau de l’année qui a fait craquer un acheteur écossais.

Lanaud en « live vidéo »

Pour la Limousine, Interlim, a opté pour sa vente de fin novembre pour le « live vidéo ». Les animaux ont successivement défilé un à un dans le ring de Lanaud comme lors d’une vente en présentiel. Une caméra captait les images et les retransmettait en direct sur les supports numériques (ordinateurs, tablettes et smartphones) de tous les intéressés. « Notre objectif était de s’approcher au plus près d’une vente physique réelle dans le ring », explique Olivier Rambert responsable commercial d’Interlim. Les éleveurs se sont bien adaptés : depuis le jeune fraîchement installé jusqu’au préretraité. « Le mot d’ordre donné à nos informaticiens avait été de concevoir quelque chose de très simple à utiliser." Le bilan commercial est extrêmement positif. 99 % des taureaux qualifiés RJ ont trouvé preneur (soit 69 taureaux) à une moyenne de 5 294 euros. Pour les qualifiés Espoirs, le prix moyen est de 3 377 euros avec dans les deux cas des moyennes en nette progression comparativement aux ventes précédentes. « Pour les ventes de mi-janvier, on restera sur ce même principe. » Début décembre, rien n’était encore défini pour les ventes ultérieures. Quand la France sera durablement « déconfinée », pouvoir à nouveau se réunir autour du ring de Lanaud est attendu avec impatience. Le côté convivial de l’après-vente commence à manquer. Pour autant, maintenir la possibilité de participer à la vente via internet intéresse tout particulièrement les éleveurs « hors zone » et les étrangers. « L’idéal serait de pouvoir associer les deux possibilités. Une de nos difficultés est actuellement liée à un décalage de quelques secondes entre ce qui se passe à l’instant t sur le ring et ce qui est vu sur les écrans chez les éleveurs. Pour des adjudications aux enchères c’est un problème qui doit être résolu. Notre service informatique est au travail. » Ce logiciel a été proposé aux différentes autres stations limousines (Gelioc, Gevial, ABL) pour qu’elles puissent elles aussi l’utiliser.

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