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Pâturage tournant dynamique : bien gérer son calendrier pour ne pas se laisser déborder

Florent Jasserand, basé dans l’Allier, tire profit du pâturage tournant dynamique grâce à l’adoption d’un parcellaire fonctionnel et d’une organisation bien rodée dès la mise à l’herbe.

« La clé du système, c’est de lâcher les animaux assez tôt pour permettre un retour sur les parcelles de départ, avant l’explosion de l’herbe fin avril. Si cette rotation n’est pas bien gérée, on peut vite se laisser déborder et perdre en quantité et en qualité d’herbe pâturée. » Pour Florent Jasserand, à la tête d’un cheptel de 130 vaches charolaises et 430 brebis allaitantes à Saint-Christophe, dans l’Allier, l’une des clés du succès du pâturage tournant dynamique (PTD) réside dans un calendrier bien tenu.

C’est en 2017, au départ à la retraite de son père, que l’exploitant a remis en question ses pratiques. « Pour conserver l’atelier ovin, il fallait que je simplifie mon système et que je m’affranchisse du travail d’astreinte en bergerie », explique-t-il. Pour passer ses brebis en plein air intégral, le PTD est apparu comme la solution la plus pertinente.

Accompagné dans ses débuts par PâtureSens dans le cadre du GIEE Patoudyapa(1), Florent Jasserand a également adapté sa conduite de pâturage pour son troupeau bovin. « Dès 2017, nous avons été confrontés à des épisodes de sécheresse récurrents. J’ai pu rapidement vérifier l’intérêt du PTD même en conditions difficiles », raconte l’éleveur.

Ajuster la rotation suivant les saisons

L’adaptation de ses pratiques au pâturage a conduit, dès la première année, à des économies de stocks fourragers et à une simplification du travail. La recette : anticipation et rigueur. À l’aide du logiciel de cartographie PâtureVision, Florent Jasserand calibre finement son parcellaire avant la mise à l’herbe. Tous les paddocks, dont les surfaces varient de 1 à 1,2 hectare, sont bordés par des clôtures électriques fixes. Les parcelles sont subdivisées, si nécessaire, à l’aide de cordelettes. « Le temps de bureau et de mise en place des clôtures peut s’avérer chronophage au départ, mais il est vite compensé ensuite dans la globalité de la conduite », juge-t-il.

Sur le site principal, une partie des terres est traversée par un cours d’eau, facile d’accès pour les bovins. « Ça m’enlève une épine du pied, évidemment », confie l’éleveur. Mais pour les autres parcelles, pas question de faire l’impasse. Un réseau d’eau a été aménagé sous les barrières pour approvisionner les bacs fixes disposés dans chaque parc. « C’est un des points primordiaux pour gagner en confort de travail, révèle Pierre-Moran Mouchard, de PâtureSens. Une bonne accessibilité à l’eau conforte par ailleurs les performances des animaux, qui vont limiter leurs déplacements. »

Au fil des saisons, le temps de séjour sur les paddocks est ajusté en fonction des sols et de leur capacité de production. Au printemps, à la pousse maximale de l’herbe, un retour sur les premières parcelles est réalisé au bout de 17 à 18 jours. En arrière-saison, la rotation s’allonge pour atteindre 60 à 70 jours avant retour en hiver. « Je suis très attentif au comportement de mes vaches », souligne Florent.

Depuis la mise en place du PTD, le troupeau, qui dispose chaque jour d’herbe fraîche, est moins agité. L’éleveur constate par ailleurs une meilleure répartition des animaux – et donc de leurs déjections – sur les surfaces pâturées, ce qui a une incidence positive sur la pousse de l’herbe et la flore.

Gains en autonomie

Florent Jasserand estime avoir gagné en moyenne 30 tonnes de matière sèche de foin durant la période estivale, et 30 tonnes également sur l’arrière-saison. Lui qui affourageait au champ dès la mi-juillet a pu retarder l’échéance d’un mois. Il laisse désormais toutes ses génisses d’élevage de 2 ans à l’herbe jusqu’à la fin du mois de décembre, économisant ainsi des stocks fourragers supplémentaires.

L’éleveur privilégie par ailleurs le stock sur pied. « Auparavant, je fauchais systématiquement en juin. Au fil des années, j’ai appris à laisser les repousses et à les faire pâturer directement sur pied durant la période sèche. Cette ressource s’avère suffisante pour les besoins d’entretien et ça m’évite de démarrer le tracteur », explique-t-il. Le sol, davantage couvert, retient mieux l’humidité et la montée en graines participe au réensemencement naturel des prairies.

L’exploitant a également stoppé la distribution d’un aliment en extérieur pour ses laitonnes. « Elles avaient vite fait de manger 7 à 8 kilos par jour et devenaient trop grasses », pointe-t-il. Or, depuis l’arrêt de la complémentation au pré, les pesées régulières ne révèlent pas d’écarts de poids significatifs. « Plutôt que de chercher la régularité, je compte sur la capacité d’adaptation de mes génisses à reprendre de l’état après une période de restriction alimentaire », indique Florent. Sur les veaux, l’exploitant observe des progressions de 20 à 30 % sur le GMQ.

(1) Mise en place collective du PAturage TOUrnant DYnamique pour aller vers une plus grande autonomie des exploitations tout en améliorant les pratiques agroenvironnementales.

Chiffres clés

 

  • 300 ha de SAU dont 70 ha de céréales (blé, orge, triticale), 33 ha de prairies temporaires (ray-grass italien, trèfle violet) et le reste en prairies naturelles ;
  • 130 vaches charolaises. Les femelles sont engraissées à 30 mois, une partie des mâles est vendue en maigre à 420 kg durant l’été et l’autre est engraissée en bâtiment en taurillons ;
  • 430 brebis allaitantes Wairere Romney ;
  • 2,5 UTH (1 salarié à temps plein et une aide d’un groupement d’employeurs agricoles).

 

Conforter ses pratiques grâce à l’expérimentation collective

Rassemblés au sein d’un GIEE(1) fondé en 2017 et porté par la coopérative Feder Élevage, six éleveurs de l’Allier ont choisi d’adopter progressivement le pâturage tournant dynamique. « C’est toujours plus rassurant quand on se lance à plusieurs », estime Florent Jasserand. Le cabinet de conseil PâtureSens a accompagné leurs premiers pas, à travers un parcours de formation et un suivi les deux premières années. Depuis, le groupe d’éleveurs, qui entretient une bonne entente, perdure. « Le GIEE a permis de structurer un projet commun, et d’avoir un temps d’animation qui provoque des rencontres régulières », appuie Camille Sonet, ancienne animatrice du groupe. La dynamique apportée par le collectif pousse également les membres – désormais treize – à s’intéresser à d’autres thématiques telles que la gestion du parasitisme ou encore la fertilité des sols.

(1) Groupement d’intérêt économique et environnement.

Des coûts de clôture réduits avec le pâturage mixte bovin-ovin

Chaque année, de début mai à fin juin, 65 vaches et leur suite empruntent les chemins pour rejoindre un îlot consacré aux ovins, situé à 5 kilomètres du siège d’exploitation. Sur un parcellaire d’un seul tenant découpé en 40 paddocks de 1,10 hectare, les bovins pâturent derrière les ovins. Les animaux ne restent jamais plus d’un jour sur la même parcelle, afin que les vaches puissent effectuer deux passages sur 40 jours de pâturage. « On ne se laisse ainsi pas déborder par la hauteur d’herbe », relève Florent Jasserand, avant d’ajouter : « Sans le pâturage par les bovins, j’aurais dû prévoir des parcelles deux fois plus petites, ce qui aurait engendré des frais de clôture bien supérieurs. »

Le pâturage tournant dynamique testé pour engraisser des veaux croisés 100 % à l’herbe

Dès la mi-avril, Florent Jasserand accueillera une soixantaine de veaux croisés en contrat avec Bigard. L’éleveur mise sur une conduite en pâturage tournant dynamique pour engraisser le lot exclusivement à l’herbe.

Florent Jasserand, qui a pu reprendre des terres à proximité de l’exploitation, a choisi de mettre en place une bande de veaux croisés Angus/hereford sur Holstein. Dans le cadre de sa démarche filière "Herbopack", le groupe Bigard s’engage à fournir à l’éleveur des mâles (castrés) et femelles âgés de 4 mois et issus d’ateliers de sevrage. L’arrivée des 60 premiers pensionnaires était prévue pour la mi-avril. Les jeunes animaux seront d’abord logés en bâtiment pour assurer une transition alimentaire, avec un accès libre en extérieur afin qu’ils s’habituent au fil électrique. Sur le site dédié, des couloirs en longueur, en clôture fixe, ont été aménagés. Les veaux, divisés en deux lots, seront conduits en pâturage tournant dynamique et avanceront sur des parcelles de 1,5 hectare, encadrées par un fil avant et un fil arrière. La surface totale sera ajustée en fonction de la pousse de l'herbe. « Le tout est de bien respecter l’écartement entre les piquets pour obtenir des largeurs de couloir identiques sur toutes les parcelles », souligne l’exploitant. Un tuyau d’eau a été enterré sur toute la longueur, avec des sorties à clips tous les 30 mètres. Les achats liés au montage du réseau d’eau sont estimés à 7 000 euros, et à 4 000 euros pour les clôtures, fils et isolateurs inclus.

Un prix de référence garanti

Cet investissement devrait être rentabilisé rapidement par la valorisation des veaux engraissés exclusivement à l’herbe. Le contrat prévoit un prix plancher de référence à 5 euros le kilo de carcasse, et une plus-value de 20 centimes par kilo si les conditions fixées par le cahier des charges sont remplies. Les animaux doivent être abattus avant 30 mois, pour un poids de carcasse allant de 260 à 350 kilos. Le classement minimum est fixé à P+, pour une note d’état de 3. Si les objectifs sont atteints, Florent Jasserand projette de mettre en place 60 veaux chaque année en rythme de croisière. À l’échelle du département, deux autres éleveurs de bovins allaitants, en agriculture biologique, se sont lancés.

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