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Origin Green, le développement durable à l'irlandaise

L’Irlande est devenue la championne du développement durable, avec le programme Origin Green. C’est le seul pays à avoir mis en place un programme d’une telle ampleur. De quoi favoriser l'avantage compétitif sur les marchés.

L’objectif d’Origin Green est d’asseoir la renommée d’île verte de l’Irlande. Le programme mesure les performances de durabilité des filières agroalimentaires irlandaises, qui sont certifiées par un organisme indépendant. De plus, des objectifs sont fixés pour chaque élevage ou entreprise dans le but de continuer, année après année, à améliorer ces performances.

Origin Green a été lancé en 2012, en réaction à l’énorme crise économique qui a destructuré le pays dans les années 2007-2008. « Cinq ans plus tard, il est difficile de mesurer ce que la démarche a apporté à l’Irlande en termes de compétitivité sur les marchés. Par contre, nous constatons que les exportations agroalimentaires du pays sont dans leur septième année consécutive de croissance. Sans Origin Green, la situation ne serait probablement pas aussi confortable pour nous », estime Andrew Mullan, responsable développement durable pour Bord Bia, l'organisme qui a initié et porté le programme. « Pour les ouvertures de marché à l’export, Origin Green permet d’accélérer les choses. » Origin Green est le premier message que délivrent les industriels auprès de leurs clients. C’est la clé de leur marketing.

Six critères simples et des améliorations chiffrées en euros

La viande bovine a été la première filière à avoir intégré le programme, suivie par la filière laitière. Pour la viande bovine, Origin Green complète le programme d’assurance qualité qui existe en Irlande depuis plus de vingt ans (aujourd’hui ISO 17025) et elle va se fondre avec lui prochainement. Des bilans carbone étaient déjà réalisés dans les élevages depuis 2011 dans le cadre de ce programme qualité. Origin Green concerne le B to B : les éleveurs sont engagés dans la démarche en tant que fournisseurs des abatteurs. C’est Carbon Trust qui assure la certification indépendante de chaque élevage. Le financement est assuré par des fonds publics du ministère de l’Agriculture et des fonds de Bord Bia, collectés par prélèvement comme en France sur les livraisons d’animaux. En 2016, 49 000 élevages producteurs de viande bovine (naisseurs, naisseurs engraisseurs et engraisseurs) étaient engagés dans le programme, ce qui représente 90 % des exportations de viande bovine irlandaise.

L’outil de diagnostic utilisé est Carbon Navigator. Une bonne partie des informations nécessaires est directement récupérée de l’agence d’identification des animaux et du contrôle des déplacements (AIM) et de la fédération des éleveurs irlandais (ICBF), et un auditeur indépendant vient sur l’élevage récupérer les autres. L’audit dure deux heures à deux heures et demie, et l’éleveur reçoit ses résultats par email dans les deux à trois semaines suivant chaque audit, avec une réévaluation tous les dix-huit mois.

Six critères sont évalués. Il s’agit de l’âge au premier vêlage, du taux de vêlage, des croissances des animaux par jour de vie, de la période des épandages, de la quantité d’azote apportée, et enfin de la durée de la saison de pâturage. Ce dernier critère est à comprendre dans deux sens. Plus la durée de pâturage est longue, moins il y a d’effluents à épandre avec, à la clé, moins de volatilisation. Et aussi, l'herbe pâturée en début et en fin de saison est de meilleure valeur alimentaire, plus digestible, que l'ensilage d'herbe consommé en bâtiment, ce qui conduit à des améliorations de la productivité des animaux ainsi qu'à des réductions de perte alimentaire par le méthane. La séquestration du carbone dans les sols n’est pas prise en compte. Chacun de ces six critères est présenté sous une forme synthétique non chiffrée, grâce à un histogramme qui situe le résultat de l’élevage par rapport à la moyenne et par rapport à un niveau excellent. Des objectifs d’amélioration sont alors proposés à l’éleveur avec pour chacun, à la clé, une amélioration du résultat économique chiffrée en euros. Il n’y a pas d’obligation de résultat pour l’éleveur, qui est simplement incité à travailler sur ces améliorations.

Des différences considérables d’un élevage à l’autre

On commence à peine à observer une baisse de l’empreinte carbone de la filière viande bovine. La moyenne nationale est calculée à 11,59 kilos d’équivalent CO2 (kg eqCO2) par kilo de poids vif (kg PV) en 2016, contre 11,79 kg eqCO2 en 2014. Par contre, les différences d’une ferme à l’autre sont considérables : l’empreinte carbone varie de 5 à 18 kg eqCO2/kg PV. « Ceci prouve qu’une amélioration importante des performances de durabilité est possible. Si une réduction de 5 % des émissions de l’ensemble des élevages certifiés est réalisée, ce sont 340 000 tonnes d’équivalent CO2 qui ne seront pas émises. C'est beaucoup. »  

En aval, les entreprises qui signent la charte Origin Green s'engagent dans trois domaines clés pour produire de manière durable : 
l'approvisionnement des matières premières, les procédés de fabrication et la responsabilité sociétale. La charte permet la première année aux industriels de définir des objectifs mesurables. Un plan d’amélioration sur cinq ans est alors mis en place avec un suivi annuel assuré par Bord Bia. « Toutes filières confondues, la base totale de 589 entreprises adhérant à Origin Green représente actuellement 95 % des exportations totales, accentuant l’engagement soutenu du secteur irlandais envers le développement durable et Origin Green. Les industriels ne veulent pas rater le train qui permet de préserver nos ressources, construire notre réputation, et pratiquer le « winning business » », explique Andrew Mullan. Bord Bia a aussi étendu le champ d’application d’Origin Green en développant une charte durable pour la grande distribution et les opérateurs de la restauration hors foyer en 2016. McDonalds Irlande, Sodexo Irlande et Lidl Irlande, notamment, sont déjà signataires.

(1) Organisme parapublic assurant l’équivalent, par rapport à la France, des missions de l’interprofession et de FranceAgriMer.
En 2016, 49 000 élevages ont été audités soit 90 % des exportations de viande bovine irlandaise

Des atouts certains pour la réussite du programme

L’île est occupée à 80 % par des prairies, et bénéficie d’un climat tempéré grâce à l’effet du Gulf Stream. La pluviométrie est régulière et élevée, avec une moyenne de 800 à 1200 mm par an selon la région. Le rendement moyen national des prairies est de 15tMS/ha.

L’adhésion autour d’Origin Green a aussi été certainement facilitée par la centralisation de l’organisation de la filière viande bovine en Irlande, et par une certaine homogénéité de l’île du point de vue des systèmes agricoles. L’Irlande a une taille équivalente à celle d’une grande région française. Tout ceci fait que les intérêts des uns et des autres ne sont pas bien divergents. Et, historiquement, la relation entre producteurs et industriels a toujours été basée sur le partenariat.

Des objectifs chiffrés en euros

L’outil de diagnostic Carbon Navigator indique systématiquement pour chaque élevage des objectifs techniques qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en améliorant le résultat économique de l'élevage. Ainsi, il est chiffré qu'augmenter de 10 jours la durée de la saison de pâturage permet de réduire de 1,7 % les émissions de gaz à effet de serre et améliore de 25 € par vache allaitante les résultats économiques. Les émissions augmentent de 0,3 % pour chaque mois d'âge au-delà de 24 mois pour le premier vêlage, et réduire l'âge au premier vêlage améliore le résultat de 50 € par vache et par mois d'âge. Augmenter de 5 % le taux de vêlage améliore le résultat de 1 720 € pour un troupeau de 40 vaches allaitantes et réduit les émissions de 4 %. Et gagner 100 g de gain de poids vif par jour de vie améliore le profit de 63 € par génisse ou par bœuf en réduisant les émissions de 1 %. Enfin, une baisse de 10 kg d'azote par hectare réduit les émissions de 1 % et améliore le revenu de 10 € par hectare.

Source : plaquette The Beef Carbon Navigator, Teagasc/Bord Bia.

Des émissions de 12 kg eqCO2 par kilo de viande vive

Rachel et Louis Pentony, à Rathfeigh, à une quarantaine de kilomètres au nord de Dublin, élèvent sur 106 hectares de prairies un troupeau composé principalement d’Angus, avec quelques Hereford. Le programme Origin Green certifie qu’en 2016, le troupeau a émis 12 kg eqCO2/kg PV de viande bovine. Cela situe l’élevage à un très bon niveau par rapport aux naisseurs engraisseurs de leur région, ainsi qu’au niveau national pour lequel la moyenne est de 13 kg eqCO2/kg PV. Un prix leur a été décerné. « C’est grâce à de très bonnes performances animales, ainsi que de bonnes pratiques pour l’épandage des effluents et l’apport d’azote que Rachel et Louis atteignent ce résultat », explique Jo Burke, responsable de la filière viande bovine à Bord Bia.

Les 140 vêlages sont groupés sur six semaines autour du mois de mars, avec un premier vêlage à 24 mois et un intervalle vêlage vêlage de 365 jours. Rachel et Louis Pentony élèvent aussi une centaine de brebis, avec engraissement à l’herbe des agneaux. Ovins et bovins sont conduits en pâturage simultané ou bien successif, selon le niveau des besoins des différents lots. Les animaux tournent sur des paddocks tous les trois à quatre jours, avec un temps de retour de trois semaines. De l’ensilage est récolté sur environ 45 hectares en première coupe, puis sur une vingtaine d’hectares. La seconde coupe est enrubannée. Du foin, destiné aux vaches juste avant vêlage, est récolté sur environ 10 hectares.

En 2016, Rachel et Louis Pentony ont épandu 23 tonnes d’engrais minéral à 27,5 % d’azote, soit 59 unités d’azote de moyenne par hectare d’herbe. Les fumiers et lisiers sont épandus à 100 % dans la période allant de janvier à avril. L’hivernage des animaux dure de novembre à mars en général.

Les bœufs vendus à 22-24 mois et les génisses à 16-19 mois

Les bœufs et génisses ne consomment que très peu de concentrés. Le premier hiver, ils reçoivent 1 kg d’orge par jour et la deuxième année, ils ont droit à 3 kg d’orge par jour pendant le mois qui précède l’abattage. La croissance moyenne par jour de vie des bœufs et génisses est de 0,9 à 1 kg vif.

Environ 10 % des surfaces sont ressemées chaque année en ray-grass et trèfle. Trois taureaux angus et un hereford, de très bon niveau génétique, assurent la reproduction.

« Nous vendons les bœufs entre 20 et 22 mois, à un poids moyen de 310 kg de carcasse. Les génisses partent entre 16 et 19 mois à 290 kg de carcasse », expliquent les éleveurs. Rachel et Louis travaillent avec l’abatteur Kepak. En juillet, les cours étaient de 4,05 euros pour les bœufs et 4,15 pour les génisses. Les éleveurs bénéficient en plus, par rapport aux cotations, d’une prime de 15 centimes pour leur engagement dans un groupement de producteurs de race « premium », d’une prime de 10 centimes car ils livrent plus de 100 animaux, et d’une prime de 12 centimes pour leur engagement dans un programme d’amélioration de la qualité. Rachel et Louis Pentony participent d’autre part à un programme environnemental. Ils ont dans ce cadre posé une dizaine d’abris pour des chauve-souris et clôturé les plans d’eau.

Le meilleur engraisseur du programme Origin Green en 2014

L'élevage de Pat Murray émet près de 40 % de moins de gaz à effet de serre que la référence. En 2014, l'éleveur a ainsi reçu le prix du meilleur producteur bovin Origin Green dans la catégorie des engraisseurs. « Ceci s’explique d’abord par la très bonne qualité de ses animaux. Pat sélectionne rigoureusement les animaux qu’il achète sur leur niveau génétique », explique Jo Burke, responsable de la filière viande bovine à Bord Bia.

Cet éleveur, installé près de Gorey, sur la côte sud-est de l’Irlande, achète chaque année des génisses et des bœufs croisés de races continentales (Blanc Bleu Belge, Charolais, Limousin, Blonde d’Aquitaine) qu’il engraisse. Il dispose à cet effet de 44,5 ha de prairies, et de 42,5 ha de cultures qui se répartissent entre maïs ensilage, betteraves fourragères et orge. En période de pâturage, une centaine d’animaux sont présents et en période hivernale, ils sont environ 200 (soit finalement 275 animaux vendus sur une année dont 60 % de génisses et 40 % de boeufs).

« J’achète les animaux maigres chez trois ou quatre naisseurs, installés dans mon voisinage. Je connais leur statut sanitaire et les traitements qu’ils ont déjà reçu. J’échange avec le naisseur sur les performances des animaux et leur adaptation à mes besoins », explique Pat Murray. À leur arrivée, les animaux ont entre 9 mois et 1 an. Ils ne sont pas réallotés par rapport aux lots chez le naisseur. « Ils démarrent très bien et très vite leur croissance », commente Jo Burke. Leur gain de poids vif par jour de vie est en moyenne de 950 g. Les bœufs et les génisses partent ainsi à l’âge de 22 à 24 mois (alors que la moyenne en Irlande tourne plutôt autour de 28 mois), à des poids de carcasse moyen 420 kg pour les bœufs et 360 kg pour les génisses. 10 % d’entre eux sont classés E, et 75 à 80 % sont conformés U (alors qu’une grande partie de ce type d’animaux se classent en R+ dans les élevages classiques irlandais).

10 % des animaux classés en E et 75 à 80 % en U

Pour assurer ces résultats, rien n’est laissé au hasard. Pat Murray offre une bonne qualité d’herbe, disponible pour les animaux à tout moment. Les lots tournent tous les dix jours. Des analyses pour suivre le niveau de P et K sont faites, et l’azote est apporté au bon moment. L'éleveur a épandu dans l'année 14 t à 27,5 %, soit 86 unités d'azote par hectare de prairie. Selon l’outil de diagnostic Carbon Navigator, en réduisant de 2 t sa consommation d’engrais azoté, Pat Murray pourrait réduire de 1,9 % les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le résultat de 600 €.

L’éleveur récolte un ensilage d’herbe de très bonne qualité en mai, et réalise souvent une coupe à l’automne. Les parcelles sont toutes alternativement récoltées et pâturées. La saison de pâturage s’étend ici, selon la météo de l’année, du 8 mars au 25 octobre. S’il était possible de rallonger d’une semaine au début et d’une semaine à la fin cette période, les émissions de gaz à effet de serre seraient réduites de 0,9 % selon l’outil de diagnostic Carbon Navigator. Les prairies sont ressemées tous les cinq ans environ.  

En période hivernale, les animaux à l'engraissement reçoivent une ration complète mélangée, composée de 8 kg d’ensilage de maïs, 4 kg d’ensilage d’herbe, 0,75 kg de paille, 10 kg de betteraves fourragères, 3 kg d’orge, 0,75 kg de pulpes de betteraves, 1,5 kg de germe de maïs, 0,5 kg de soja, 150 g de minéraux, et 75 g d’une spécialité délivrant de l’azote non protéique. « La croissance tourne alors autour de 1500 g/j de moyenne », précise Jo Burke. Tous les animaux  sont pesés une fois par mois pendant l'hiver. Ils sont vendus à Slaney Foods, à une vingtaine de kilomètres de l’élevage. C’est l’éleveur qui y conduit ses animaux prêts à abattre.

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