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Bruno Dufayet, Président de la Fédération Nationale Bovine
« Nous ne voulons plus travailler à perte »

La contractualisation est « le » sujet du moment pour la production de viande bovine. Il cristallise bien des discussions sur le terrain. Le point avec Bruno Dufayet, Président de la Fédération Nationale Bovine.

Nous aussi avons des entreprises à faire tourner.
© S. Chatenet

Quel est l’objectif des nombreuses réunions organisées sur le terrain par la Fédération Nationale Bovine ces dernières semaines ?

Il s’agit de rencontrer le plus possible d’éleveurs pour leur expliquer la philosophie de la loi Egalim 2 et son corollaire lié à l’obligation de contractualisation. On met à disposition des participants les indicateurs de marché, les différents indicateurs de couts de production produits par l’interprofession pour les différentes catégories de bovins afin qu’ils puissent remplir leur contrat. Ce travail est nouveau donc forcément un peu fastidieux.

Pourquoi des exemples fictifs de contrats préremplis n’ont pas été diffusés par votre réseau pour aider les éleveurs à réaliser le leur ?

La loi sur la concurrence nous l’interdit car cela pourrait être considéré comme une entente sur les prix. C’est pour cela que l’on se contente de mettre à disposition des éleveurs tous les éléments et c’est ensuite à eux de faire des propositions de contrat à leur(s) premier(s) acheteur(s). Au cours de la première quinzaine de janvier, des éleveurs ont envoyé les premiers contrats et leurs acheteurs ont un mois pour leur répondre. Il faut que cela se mette progressivement en place. Les mesures coercitives ne seront pas mises en place tout de suite, mais il ne faut pas trainer pour autant.

A qui les éleveurs peuvent s’adresser pour se faire aider ?

Nos réunions sont ouvertes à tous les éleveurs, syndiqués ou non et quel que soit leur syndicat. Pour tous les éleveurs l’enjeu est le même. Plusieurs chambres d’agriculture proposent un accompagnement. Idem pour les OPNC (Elvea). Aujourd’hui la plupart des éleveurs savent qu’ils ont ce contrat à remplir et à proposer à leurs premiers acheteurs et sont donc plus réceptifs aux réunions. A terme, plus personne ne pourra acheter de gros bovins sans un contrat. En revanche, foires et marchés, concours d’animaux de boucherie et animaux reproducteurs en sont exemptés. L’éleveur a la liberté de signer son contrat avec qui il veut. Il peut signer plusieurs contrats pour la même catégorie d’animaux avec plusieurs acheteurs. Autrefois le prix se décidait au moment de la vente. Maintenant le prix se fait en amont quand on lance la production de façon à donner de la lisibilité au producteur.

Certains éleveurs et acheteurs (privés comme coopératifs) renâclent face à cette obligation. Que leur répondez-vous ?

Lors de ces réunions de terrain nous expliquons d’abord pourquoi nous avons besoin de cette loi. Je démarre toujours sur cinq grands chiffres qui traduisent l’urgence de conforter nos prix de vente et la nécessité de les faire évoluer pour prendre compte l’évolution de nos coûts de production. Premièrement la décapitalisation du cheptel avec un recul de recul de 330 000 vaches allaitantes et 250 000 vaches laitières au cours de ces quatre dernières années. Deuxièmement la baisse de 31% du nombre de détenteurs de vaches allaitantes entre les RGA 2010 et 2020. Troisièmement le revenu moyen annuel de 8 600 € en 2020 pour un éleveur allaitant. Quatrièmement le fait que 50% des vaches allaitantes françaises sont actuellement détenues par des éleveurs de plus de 55 ans. Et enfin cinquièmement la concurrence du végétal liée à la progression du prix des céréales et oléagineux ces derniers mois. Dans les zones où c’est encore possible c’est une incitation supplémentaire pour réduire encore davantage le nombre de bovins et accroitre la part des cultures de vente dans les assolements. Le fonctionnement actuel de la filière doit changer. Si on a l’ambition de continuer à avoir des vaches et de la viande bovine française dans ce pays, il est impératif que tous les acteurs de l’aval changent leur fusil d’épaule. C’est d’ailleurs ce qui a motivé le ministre pour faire passer cette loi et être stricte dans les semaines et mois à venir pour veiller à sa bonne application. Nous espérons qu’elle responsabilisera les acteurs de l’aval pour redonner de vraies perspectives aux éleveurs et surtout aux futurs éleveurs pour enrayer la spirale baissière évoquée plus haut.

Quand on voit ces chiffres ils devraient interpeller n’importe quelle coopérative ou négociant. Nous aussi en tant qu’éleveurs nous avons des entreprises à faire tourner et pérenniser. Nous ne voulons plus travailler à perte !

Pour le maigre bien des opérateurs soulignent la difficulté à contractualiser avec des opérateurs étrangers ….

Quant au dernier Sommet de l’élevage j’ai entendu certains d’entre eux m’expliquer que le contexte était tendu en Italie et que le commerce allait être compliqué pour le broutard l’automne dernier et cet hiver, cela avait un côté révoltant. On a plus le droit de dire des choses pareils avec la décapitalisation que l’on constate sur le terrain et surtout quand on connait les prix du JB italien cet hiver. On a plus le droit d’être dans le déni et le mensonge. En ce début d’hiver, le prix du JB italien atteint des sommets avec des niveaux de prix quasi historiques. Et il y a quelques mois certains acheteurs annonçaient dans les cours de ferme que la situation était très tendue pour négocier les prix des broutards à la baisse. Compte tenu du contexte, ce genre de comportement me révolte.

 

 

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