Maïs : une panoplie d’outils pour désherber avec précision
La chambre régionale d’agriculture de Bretagne promeut un désherbage durable du maïs, en valorisant les technologies de précision disponibles en chimique, comme en mécanique.
« Face au développement des adventices résistantes, à la réduction des produits phytos disponibles et à la problématique de la qualité de l’eau, l’itinéraire traditionnel de désherbage chimique du maïs ne suffit plus, constate David Bouvier, conseiller à la chambre régionale d’agriculture de Bretagne (Crab). L’enjeu est d’agir sur un maximum de leviers pour réduire la pression adventices. » À l’occasion d’une des journées techniques organisées en juin dans les différents départements bretons, le spécialiste a ainsi rappelé l’importance de bien caractériser la flore adventice des parcelles et d’engager de bonnes pratiques agronomiques : rotations des cultures, travail du sol, dates de semis… Vient ensuite la stratégie de désherbage à définir selon le contexte et à ajuster en cours de campagne. « Que ce soit en termes de pulvérisation ou de désherbage mécanique, les agriculteurs ont désormais accès à des solutions de plus en plus précises. Nous avons ainsi mis en place cette année cinq plateformes de désherbage alternatif, dont une dédiée au 100 % mécanique et les quatre autres mixant chimique et mécanique. »
Moins de phytos avec un passage mécanique à l’aveugle
L’une d’entre elles a été mise en œuvre à Jugon-les-Lacs, dans les Côtes-d’Armor, en collaboration avec la Cuma L’Avenir. Cette dernière est équipée d’une bineuse autoguidée par palpeur depuis 2010 et d’une roto-étrille depuis 2019. « Trois quarts de la surface en maïs sont désherbés en mixte. La roto-étrille est passée à l’aveugle entre quatre et dix jours après le semis. On réalise ensuite un rattrapage chimique à 2-3 feuilles et on finit par un binage », détaille Jérémie Rehel, salarié de la Cuma. « Sur cet essai, le passage de roto-étrille n’a pas réduit significativement le nombre d’adventices, mais il a ralenti leur développement. Au total, par rapport à une intervention uniquement chimique, il occasionne un surcoût de 34 euros par hectare et 15 minutes de temps de travail supplémentaire. Si l’IFT n’est pas diminué, la QSA est en revanche réduite de 50 % », argumente David Bouvier, qui tient à rappeler que les résultats obtenus sont très dépendants du contexte. « Sur d’autres plateformes, le passage de la roto-étrille a permis de diminuer de 65 % le nombre d’adventices dans une parcelle très sale (400 adventices/m²) et de 85 % dans une autre beaucoup moins infestée (30 adventices/m²). »
La pulvérisation ciblée à la buse ou au tronçon
Toujours dans le cadre de l’essai réalisé avec la Cuma, les adventices ont été cartographiées par un vol de drone trois semaines après le semis. « À partir de ces cartes, nous avons pu évaluer la surface à traiter en pulvérisation ciblée. Avec un pulvé équipé d’une coupure buse à buse, en considérant un spectre de 75 cm par buse, il aurait été possible de ne traiter que 12 % de la surface. Cela occasionnerait une économie de 20 euros par hectare, en tenant compte du surcoût de 25 €/ha lié au vol de drone. En revanche, un appareil équipé d’une coupure par tronçons de 3 mètres comme celui de la Cuma, aurait imposé de pulvériser 90 % de la surface. » La coupure de tronçons ne peut donc s’envisager que si le salissement est limité ou si l’on discrimine certaines adventices. « En ciblant les ronds de chardons sur cette parcelle, la coupure de tronçons permettrait de réduire de deux tiers la surface traitée », complète David Bouvier.
En parallèle du désherbage ciblé, la Crab teste également la pulvérisation localisée, qui consiste à ne traiter que le rang de maïs, soit à l’implantation (30 % de la surface) avec un semoir équipé de buses sur les éléments, soit en post-levée (50 % de la surface) à l’aide d’un pulvérisateur aménagé au niveau des buses. Une technique qui n’a en revanche pas convaincu dans le passé en étant associée à la bineuse.
La pulvérisation ciblée par caméra en test
L’ETA bretonne Hamon a équipé son pulvérisateur automoteur Amazone d’un dispositif de caméras Carbon Bee monté sur la rampe. Celui-ci détecte les adventices et les cible par un pilotage en temps réel de l’ouverture et de la fermeture de chaque buse. « Après deux saisons de tests, nous estimons que cette technologie permet d’économiser jusqu’à 70 % de désherbant en maïs, lorsque les parcelles ne sont pas trop sales et que le maïs n’est pas trop développé. Les premières observations laissent aussi espérer un gain de rendement de 5 % par la réduction de la phytotoxicité sur le maïs, indique Loïk Nebout, animateur du réseau Cléo. Autre avantage : les passages en pulvé ciblée vont permettre de cartographier les zones de pression adventice, à partir desquelles il sera possible de créer des cartes de modulation pour les produits racinaires. » L’ETA ne se prononce pas encore sur le tarif de cette nouvelle prestation qu’elle n’a pas encore commercialisée.
Bineuse autoguidée et robot de binage
L’efficacité d’un binage est notamment dépendante de la surface de l’interrang réellement travaillée par les éléments de la bineuse. « L’idéal est de pouvoir s’approcher à 5 cm des pieds de maïs », indique David Bouvier. Pour y arriver, la bineuse doit être équipée d’une interface de guidage utilisant une caméra pour détecter les rangs de maïs sur les premiers stades. Lorsque la plante est suffisamment développée, les palpeurs sont plus efficaces pour identifier la base des pieds. L’utilisation d’un autoguidage RTK au semis et au binage constitue aussi une alternative. En solution ultime, le robot de binage promet d’être plus précis et moins gourmand en main-d’œuvre, mais aussi en énergie. La start-up Cyclair présentait ainsi son automate entièrement électrique. Prévu pour être commercialisé dans une version de 7 mètres de large (6 à 9 rangs) au printemps 2026, celui-ci réalise un premier binage en s’approchant à 2 cm des pieds de maïs. Il travaille aussi bien l’interrang que l’espace entre chaque pied sur le rang. Lorsque la plante est plus développée, il réalise un second passage moins rapproché en utilisant des doigts Kress sur le rang. Enfin, il embarque des éléments pour butter le rang lors du dernier passage. Avec un débit annoncé d’un hectare par heure, ce robot pourra biner entre 900 et 1 000 hectares par an. Cyclair estime le coût d’un passage entre 45 à 55 euros par hectare.