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Les protéagineux trouvent-ils leur prix d’intérêt ?

Avec les évolutions ces dernières années des cours du blé et du tourteau de soja, la question de l’intérêt économique du pois, de la féverole et du lupin dans les rations pour bovins viande mérite d’être reposée.

L'intérêt économique du lupin (ici), de la féverole et du pois peuvent s'approcher par le calcul de prix d'intérêt.
L'intérêt économique du lupin (ici), de la féverole et du pois peuvent s'approcher par le calcul de prix d'intérêt.
© Réussir SA

Est-ce intéressant économiquement d’utiliser des protéagineux pour être plus autonome en protéines en élevage bovins viande ? Lors du webinaire Cap protéines pour les élevages bovins viande en novembre, Benoît Rubin de l’Institut de l’élevage (1) a donné des repères pour répondre à cette question dans une approche analytique.

La hausse des prix du tourteau de soja et du blé et leur forte variabilité caractérisent le marché des matières premières pour l’alimentation des bovins depuis maintenant près de deux ans. « L’autre élément marquant du marché est l’écart entre le prix des tourteaux 'non OGM' et celui des tourteaux conventionnels. Alors que leurs prix sont restés proches jusqu’en 2020, les tourteaux 'non OGM' atteignent, sur le courant de l’année 2022, autour de 340 euros la tonne de plus que les conventionnels », présente Benoît Rubin.

Dans la situation où on ne peut pas produire de protéagineux sur son exploitation, et que se pose la question d’en acheter, on peut se référer à une matrice pour calculer le prix d’intérêt des protéagineux. Elle permet de répondre à la question : à quel prix maximum dois-je acheter les protéagineux pour qu’ils soient moins coûteux que l’achat de céréales et de tourteau de soja. La féverole par exemple y est reconstituée sous forme d’un tiers de tourteau de soja et deux tiers de blé.

Calculer le prix du kilo de PDI

Une deuxième approche consiste à calculer le prix du kilo de PDI, avec une équation simple comparant l’écart de la valeur monétaire entre le tourteau de soja et le blé avec l’écart de la valeur protéique entre ces deux matières. Ceci en considérant que leur valeur UF est assez proche, c’est-à-dire que l’écart de prix entre tourteau de soja et blé est expliqué par l’écart de leur valeur en protéines.

Les protéagineux trouvent-ils leur prix d’intérêt ?

Par exemple avec du tourteau de soja apportant 0,19 PDI à 520 €/t et du blé à 350 €/t avec 0,08 PDI, on obtient (0,52 - 0,35)/(0,19 - 0,08) = 1,54 €/kg de PDI. L’écart de prix entre soja et blé est ici de 170 €/t. Avec un écart de 200 €/t entre le prix du tourteau de soja et le prix du blé, le prix du kilo de PDI est 1,80 €/kg PDI.

Ce prix du kilo de PDI permet de calculer ensuite le prix des UF par déduction. Avec un prix du blé de 350 €/t, le prix de l’UF est de (0,35- (1,54 x 0,08))/1,04 = 0,22 €. Avec ce prix de l’UF de 0,22 € et le prix du kg de PDI de 1,54 €, nous pouvons calculer le prix d’opportunité du pois. Il est de (1,54X0,09) + (1,09 X 0,22) = 0,38 €/ kg.

En "non OGM" un intérêt plus marqué

« En 2022, on a plutôt eu un écart entre prix du blé et prix du tourteau de soja inférieur à 170 euros/t, et donc un prix du kilo de PDI inférieur à 1,50 euro/kg. Les protéagineux étaient plutôt moins intéressants économiquement que le tourteau de soja associé à du blé », analyse Benoît Rubin. Pour les filières non OGM, le coût du kilo de PDI est nettement plus important. Il est de l’ordre de 3 € avec un écart de prix de 200 €/t entre blé et tourteau de soja. Donc l’achat de protéagineux va être plus intéressant économiquement. Dans cette configuration, il s’agit de calculer le coût alimentaire par rapport à la valorisation de la viande bovine.

Avec cette approche purement analytique, on peut conclure que les protéagineux sont plutôt moins intéressants économiquement que le tourteau de soja conventionnel associé à du blé dans la conjoncture actuelle. L’autonomie protéique est plutôt à privilégier par les fourrages.

En non OGM et en bio, la réflexion est forcément différente. Une approche "système" tenant compte des surfaces disponibles, de la valorisation des animaux et des aides mobilisables est toujours à explorer.

(1) Avec Vincent Lecomte de Terres Inovia, Bruno Couilleau de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire et Yannick Carel d’Arvalis Institut du végétal.
(2) 40 qx pour le pois, 35 qx pour la féverole et 25 qx pour le lupin.

Matrice de prix d’intérêt pour la féverole et le lupin

À quel prix maximum dois-je acheter les protéagineux pour qu’ils soient moins coûteux que l’achat de céréales et tourteau de soja ?

Une marge brute à l’hectare favorable au blé

Dans la situation où on peut produire des protéagineux sur son exploitation à la place de cultures de vente, une approche simplifiée consiste à comparer l’écart de marge brute entre un blé et celle d’un protéagineux. En considérant que les charges de mécanisation et les autres charges de structure sont équivalentes entre 1 hectare de protéagineux et 1 hectare de blé, avec des rendements obtenus dans l’Ouest de la France (2), on a des écarts de marge en faveur du blé de l’ordre de 300 à 400 euros par hectare (dans la conjoncture de 2021 et avec un blé à 80 qx). "Même en intégrant dans le calcul l’effet favorable des reliquats azote, il n’y a pas d’intérêt économique de cultiver des protéagineux." Leur intérêt agronomique pour la diversité des cultures est moindre dans les exploitations d’élevage, et il faut prendre en compte aussi la nécessité de technicité pour leur conduite et l’aléa des rendements.

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