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L’entraide agricole s’organise avec une banque de travail

L’entraide agricole est un cadre légal qui permet de mobiliser régulièrement ou occasionnellement de la main-d’œuvre et du matériel. Son organisation en banque de travail facilite le respect de l’équité entre éleveurs et permet de fixer quelques règles.

<em class="placeholder">Chantier d&#039;ensilage de maïs dans la Manche / ensileuse Krone BigX 800 bec 12 rangs / Récolte du mais avant la pluie / ciel sombre chargé de nuages  / I M G _ 9 6 1 6</em>
L'entraide agricole permet de limiter l’investissement en matériel et donne de la réactivité.
© Réussir SA

Le manque de main-d’œuvre sur les fermes est un frein à leur développement, comme au bien-être et à la santé des exploitants. La main-d’œuvre salariée étant difficilement mobilisable, onéreuse, et pas toujours compétente, il est plus aisé de faire appel à un confrère, expérimenté et équipé. Pour ce faire, il existe une pratique ancestrale et légale, appelée « l’entraide agricole ». L’article L325-1 du Code rural la définit comme « des échanges de services en travail et en moyens d’exploitation, y compris ceux entrant dans le prolongement de l’acte de production ».

Il s’agit donc pour deux agriculteurs de travailler l’un chez l’autre avec ou sans matériel agricole ou de s’échanger du matériel. Contrairement au matériel en copropriété, chaque équipement appartient à une seule ferme, les fermes se le prêtent, ce qui peut atténuer l’investissement. L’entraide peut être occasionnelle, par exemple une fois par an, pour les chantiers d’ensilage, ou régulière, comme alimenter les vaches un week-end sur deux de façon à permettre à deux éleveurs de s’absenter en alternance, quelques jours. Elle peut aussi concerner le prolongement de l’acte de production, comme la transformation de produits, par exemple découper et cuisiner dans son laboratoire le veau d’un confrère ou commercialiser, livrer les produits de son voisin. Attention, cette commercialisation pour autrui se réalise sans achat revente, car l’entraide doit être gratuite.

Les services en travail, autant dire en main-d’œuvre, correspondent à la mise à disposition des bras du chef d’exploitation, comme plus largement de son conjoint collaborateur, son aide familiale, son salarié, son stagiaire. Ce sont en fait deux exploitations agricoles qui s’entraident, personnes morales ou physiques. Les cotisants solidaires, même ceux qui sont retraités, peuvent participer à un échange. Il peut d’ailleurs être intéressant lors d’un départ à la retraite de conserver une parcelle de subsistance pour continuer à donner des coups de main aux confrères.

Un tableau partagé et des règles écrites

La réciprocité est la base fondamentale de l’entraide agricole. Les coups de main entre un agriculteur ou un maçon n’entrent pas dans le cadre régi par le Code rural. Aussi, quand plus de deux fermes collaborent ainsi, on l’appelle communément « banque de travail ».

Le collectif se met d’accord sur une table de conversion en points ou en euros, surtout si certaines heures nécessitent la mise à disposition de matériel spécifique. Les chambres d’agriculture et les fédérations de Cuma publient des références très précises, qui tiennent compte de l’équipement du matériel, de sa puissance… Par exemple, la chambre d’agriculture de l’Indre propose un tel barème.

En pratique, il est difficile d’arriver à un équilibre parfait, soit ce déséquilibre est reporté à l’année suivante, soit il est abandonné ou payé. Prudence : si elle est payée, cette soulte d’entraide constitue une charge non soumise à TVA, déductible pour la ferme qui en est redevable, et un produit agricole pour celle qui le reçoit. « Il est conseillé de remplir, au fur et à mesure, un tableau d’entraide mis en ligne [un fichier partagé] », suggère Noémie Chambefort, animatrice à la fédération des Cuma du Puy-de-Dôme. Les groupes d’entraide sont plus ou moins rigoureux, certains ne notent pas le temps passé, uniquement les frais de matériel engagés, d’autres comptabilisent temps et matériels. Des groupes de messagerie peuvent être mis en place pour une meilleure réactivité des bras.

Selon l’intensité des échanges et les dates de clôture des exploitations, les comptes peuvent être faits tous les trimestres ou tous les ans. « Cette présentation des comptes est l’occasion de se retrouver annuellement autour d’un repas, pour entretenir le lien et s’occuper du matériel », suggère Pierre-Marie Megemont, éleveur à Perpezat (Puy-de-Dôme), qui coordonne une banque de travail d’une quarantaine de fermes.

Il est préférable d’établir par écrit, au préalable, un minimum de règles telles que les périodes auxquelles les personnes doivent se rendre disponibles. Cela peut par exemple être mentionné sous la forme : « Au moins 10 heures par semaine pendant l’ensilage et la fenaison ». Le taux horaire peut être fixé par une formule du type « 5 euros par heure sans matériel ». On peut spécifier les exigences relatives à la saisie du tableau : « tous travaux non saisis après le 31 décembre ne seront pas pris en compte ». Les cas d’exclusion d’un membre sont aussi à indiquer.

Chaque exploitation souscrit une assurance

Si la soulte d’entraide dépassait la valorisation des heures échangées, il ne s’agirait plus d’entraide agricole, mais de prestations de services, activité commerciale qu’une ferme ne peut exercer. Selon l’exemple précité, si Corinne faisait 5 heures chez Christophe qui n’en faisait que 2 heures chez elle, la soulte de 3 heures serait supérieure aux 2 heures ayant été échangées. Il ne s’agirait plus d’entraide.

En cas d’accident, chaque ferme est responsable de ses opérateurs et de son matériel. Le prestataire doit par conséquent contracter une assurance couvrant également les risques entraînés par l’exécution d’un service rendu au titre de l’entraide agricole, en particulier les risques d’accidents du travail de ses ouvriers agricoles.

À retenir

L’entraide agricole se pratique entre exploitations agricoles avec réciprocité et gratuité. Chaque ferme contracte une assurance couvrant les risques entraînés par l’exécution d’un service rendu au titre de l’entraide agricole.

Nicolas Magne de la Cuma du Bassadet (Corrèze)

« Cuma plus entraide, c’est le binôme gagnant »

éleveur limousines prairies

« La Cuma de Bassadet, à Meymac en Corrèze, a associé aux trois tracteurs et deux chaînes complètes de fenaison avec une banque de travail regroupant les dix-sept adhérents. Comme certains adhérents de la Cuma ont leur propre matériel, à la période des foins, nous constituons trois groupes, qui interviennent simultanément en trois secteurs différents du plateau des Millevaches en Corrèze.

Autrefois, notre objectif était de rationaliser le matériel et les trajets, en fauchant tout un secteur avant de passer à un autre. Malheureusement, le changement climatique, avec ses fenêtres météo de plus en plus étroites, nous a fait revoir cette approche. Dorénavant, l’objectif est de faire un peu de foin, regain de qualité chez tout le monde, quitte à faire des kilomètres.

En qualité de président de la Cuma, et donc de coordinateur de la banque de travail, j’établis les plannings, en mobilisant chacun par téléphone. Je connais l’emplacement et la qualité des parcelles de tous les adhérents. Au maximum, la soulte atteint les 2 000 euros. »

Nicolas Magne est éleveur de limousines et président de la Cuma du Bassadet à Meymac (Corrèze) 

 
Rédaction Réussir

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