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Groupement des éleveurs girondins
Le pari des circuits courts

En Gironde, pour permettre à la production de viande bovine de perdurer dans la région, le GEG a capté la valeur ajoutée sur son marché de proximité, via ses quatre boucheries et une identification de la viande au territoire.

" Les producteurs de Gironde ont fait de la viande quelque chose d’aussi abouti et passionnant que le vin, et obtenu la reconnaissance des consommateurs. » Philippe Nompeix, directeur du groupement des éleveurs girondins (GEG), résume ainsi le parcours de cette poignée d’éleveurs bovins (120 adhérents). Il y a vingt ans, l’élevage était en perdition dans ce département davantage réputé pour sa viticulture. Aujourd’hui, ils valorisent 60 % de leurs animaux gras dans leurs quatre boucheries, avec une plus-value de 50 à 80 centimes d’euro par kilo de carcasse par rapport au marché standard, et se préparent à lancer la construction de leur propre abattoir. Ils ont également développé une activité de traiteur - 16 000 repas par an - dans des foires aux vins et autres manifestations, qui est leur principal vecteur de communication.

Le déclic est venu après la première crise de la vache folle, en 1996, qui a sonné la disparition de nombreux petits élevages « brouteurs d’herbe », souvent des viticulteurs qui valorisaient avec des vaches des surfaces inaptes à la vigne. Seuls les passionnés sont restés et se sont professionnalisés. « On faisait un peu de tout et on ne pesait sur rien, se souvient le directeur du GEG. Pour pérenniser l’élevage en Gironde, il fallait apporter de la valeur ajoutée, donc engraisser et se structurer pour le marché local, gros consommateur de viande et à fort pouvoir d’achat. »

Le succès « extraordinaire » des boucheries

Ce fut d’abord une marque certifiée, « Signature bœuf éleveurs girondins ». Mais, une fois passée la crise de l’ESB, peu de magasins s’y sont intéressés. En 2000, le groupement se déclare abatteur et, deux ans plus tard, loue et fait agréer une ancienne boucherie pour l’enlèvement des MRS. Et tente de la vente en caissettes. Mais les clients ont très vite demandé du détail. La première boucherie a ainsi ouvert dans un petit village de l’Entre-Deux-Mer. « Elle a démarré de façon extraordinaire. Les clients venaient de tous les départements. C’est là que nous avons perçu l’attente », se souvient Philippe Nompeix. Le mouvement était lancé. En 2003, le groupement ouvre une seconde boucherie dans le Médoc. L’année suivante, un troisième magasin voit le jour dans le sud du département (à Toulenne), en location comme les précédents. Mais, vu le succès, ces locaux se sont avérés trop petits.

« Depuis 2010, nous avons investi 2,7 millions d’euros »

À partir de 2010, le groupement passe à une nouvelle dimension, en construisant ou aménageant ses propres magasins. À Toulenne, il achète le terrain, réalise une opération immobilière avec plusieurs partenaires et crée une nouvelle boucherie de 280 mètes carrés. « Nous avions fait une prévision de croissance de 5 % par an. Au bout de la première année, nous avions doublé le chiffre d’affaires. Nous avons pu proposer des plats cuisinés, des charcuteries et d’autres viandes, tels que du porc et des volailles achetés à des fournisseurs locaux. »

En 2012, les éleveurs ouvrent une quatrième boucherie dans la métropole bordelaise (Mérignac), sur le même concept. Mais des difficultés d’accès (bouchons, parking insuffisant) ont un peu limité son succès. En 2014, c’est au tour de la boucherie du Médoc de déménager pour un espace de 300 mètres carrés et de tripler son chiffre d’affaires. Celle de l’Entre-Deux-Mer va aménager prochainement dans de nouveaux locaux. « Depuis 2010, nous avons investi 2,7 millions d’euros, principalement dans les boucheries », détaille le directeur. Les quatre boucheries, y compris l’activité traiteur, réalisent un chiffre d’affaires de 4,9 millions d’euros. Elles emploient une trentaine de bouchers. Un cinquième magasin devrait voir le jour dans le bassin d’Arcachon dans les années à venir. Un drive est en cours d’installation dans les boucheries et le projet d’abattoir va se doubler d’une salle de découpe et d’un drive, pour fournir les professionnels et les particuliers.

« Notre vrai identifiant, c’est 'Éleveurs girondins' »

Le groupement des éleveurs girondins commercialise 4 000 bêtes par an, dont mille bovins finis. Parmi ces derniers, 600 bêtes sont valorisées dans les quatre boucheries et 300 via un partenariat avec SVA Jean Rozé pour approvisionner les magasins Intermarché du département, en jouant la proximité. Même si les animaux sont abattus à Vitré ! « Mais notre objectif est de valoriser 80 % de nos animaux de boucherie en vente directe, indique le directeur. Nous attendons des ouvertures de la salle de découpe, du drive de l’abattoir et de la nouvelle boucherie de l’Entre-Deux-Mer la valorisation de quatre à cinq carcasses supplémentaires par semaine. »

Le GEG commercialise également 400 veaux par an de type sous la mère, uniquement dans ses boucheries. Ils sont payés 8 à 9 euros par kilo de carcasse. Mais, manquant de volume, il doit compléter par des achats. Il dispose d’une marque d’entreprise : « le Veau des éleveurs girondins » et réfléchit à créer son propre label. « De la fourche à la fourchette, nous maîtrisons tout, y compris nos démarches de qualité », affirme Philippe Nompeix. Le GEG gère la marque certifiée pour le bœuf et le label rouge Agneau de Pauillac. Mais, plus que les labels et les marques, « notre vrai identifiant, c’est 'Éleveurs girondins' ».

Un noyau d’éleveurs très motivés

Le GEG regroupe 120 producteurs de bovins, 60 % en Blonde d’Aquitaine, 40 % en Limousine et quelques éleveurs de Bazadaises. Beaucoup sont aussi viticulteurs. Mais un noyau d’une douzaine de naisseurs engraisseurs et engraisseurs spécialisés fournissent la moitié des animaux de boucherie. Gérard Saint-Jean fait partie de ceux-là. Il a monté un cheptel de 100 mères blondes d’Aquitaine en moins de vingt ans. Il travaille également 24 hectares de vigne, mais ne vinifie plus son raisin depuis qu’il a développé l’élevage. Il engraisse 25 vaches de réforme par an (carcasses de 480 kg en moyenne, valorisées entre 5 et 5,20 €/kg), des génisses et une vingtaine de vaches que le groupement replace chez lui. Pour inciter les éleveurs à finir le maximum de femelles, le groupement finance des avances de trésorerie, notamment pour garder des broutardes. Il les achète au sevrage et les revend à l’éleveur avec délai de paiement à la sortie de l’animal, plus des frais de 4 %. La coopérative a engagé 500 000 euros d’encours pour ces avances de trésorerie. « S’il n’y avait pas cette valorisation en circuit court, je n’aurais pas de vaches. J’aurais eu l’opportunité de faire plus de vigne. Ne pas être tributaire du marché courant, c’est motivant, et c’est satisfaisant de savoir que notre viande est consommée localement. On est privilégiés par rapport aux zones d’élevage spécialisées. »

Le groupement construit son propre abattoir

Contre vents et marées, le GEG va construire un abattoir dont il estime le seuil de rentabilité à 650 tonnes par an. Le maillon qui manquait à son projet d’entreprise.

Depuis la fermeture de l’abattoir de Bordeaux, le groupement des éleveurs girondins fait abattre ses animaux à Bergerac, en Dordogne, à 100 kilomètres de la métropole régionale. Mais, à partir de l’automne 2017, il aura son propre abattoir, dans la banlieue bordelaise. Un projet qui a subi de nombreux vents contraires et de fortes pressions politiques et financières. Farouchement attachés à leur indépendance et soucieux de la maîtrise de leur projet, les producteurs n’ont pas voulu rejoindre l’abattoir public de Bazas, dans le sud du département, malgré sa récente mise aux normes. « Notre abattoir est un maillon essentiel de notre projet d’entreprise et un outil de développement au cœur d’une zone de consommation où nous pourrons servir des clients intéressés par un produit de proximité », justifie Philippe Nompeix. Le coût de l’investissement est évalué à 3,5 millions d’euros. Il bénéficiera d’aides publiques (Europe, Bordeaux métropole, conseil régional) à hauteur de 1,27 million. La BPI (Banque publique d’investissement) participe au financement bancaire (50 %) aux côtés du CIC.

Une chambre de maturation avec atmosphère contrôlée

L’équilibre financier, par rapport au coût actuel de revient de l’abattage (0,60 €/kg carcasse sans le transport), est prévu pour 650 tonnes par an. Un volume qui devrait être atteint avec le développement attendu. Il fera aussi des prestations de service pour de petits opérateurs locaux. L’outil pourra traiter jusqu’à 1 000 tonnes avec les mêmes installations. Il sera doté d’une salle de découpe et d’un drive.

L’abattoir du GEG se veut « exemplaire », aussi bien sur le plan économique qu’au niveau de son process. Le hall d’abattage sera équipé de caméras de surveillance. Une attention particulière sera portée à la contention des animaux dans le piège d’abattage, et au traitement des carcasses. Plus innovant sans doute, l’abattoir sera équipé d’une chambre froide de maturation avec contrôle de température et d’hygrométrie pour faire des maturations longues sur os (30 à 60 jours) des arrières et proposer des gammes différenciées. « Au niveau d’un groupement de notre taille, un schéma d’abattoir où, au-delà des aides, nous sommes les seuls financeurs, c’est sans doute unique en France », affirme Serge Chiappa, président du groupement.

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