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Le choix du plein air pour des blondes d’Aquitaine

Sur les terres portantes du nord Deux-Sèvres, Cédric Pelletier hiverne depuis vingt ans ses blondes d’Aquitaine en plein air. Au fil des années, l’éleveur a affiné son système avec des aménagements et une organisation lui assurant sérénité et rentabilité.

On marche sur les terres de Cédric Pelletier comme sur la lande irlandaise. Le tapis de schiste de Bressuire, commune bocagère du nord des Deux-Sèvres, a façonné l’orientation de l’exploitation. L’éleveur a décidé de conduire son troupeau de 55 blondes d’Aquitaine en plein air intégral. « Mon père avait développé une orientation très herbagère sur ces terres portantes, se souvient Cédric. Le système a été abouti avec le passage en bio en 2000, lors de mon installation. »

Cédric Pelletier et Jean-Marie Guéret. Cédric fait partie depuis 2010 du réseau d’élevage Inosys de l’Institut de l’élevage.

À l’heure de l’obligation réglementaire de la mise aux normes, il a fallu prendre une décision pour les animaux logés en étable entravée. « La question de la construction d’un bâtiment s’est posée, mais je ne souhaitais pas m’engager dans des travaux. Connaissant les qualités du parcellaire, j’ai fait le choix de l’hivernage en plein air pour les génisses et les allaitantes. L’engraissement est réalisé en bâtiment. »

L’éleveur ne revendique pas son système comme un modèle, mais comme un choix cohérent pour exploiter son capital parcellaire, en alliant ses objectifs d’éleveur et son organisation du travail.

Des abris naturels

Les 100 hectares de prairies, composantes majoritaires du parcellaire, sont répartis en quatre pôles aux alentours du site d’exploitation. Le chemin qui part de la cour de la ferme, réalisé en granit concassé, mène à un ensemble de 50 hectares de pâtures attenantes. Au loin dans la parcelle, vaches et veaux sont groupés dans le renfoncement d’un bois, autour de râteliers. Profitant d’îlots forestiers à proximité, Cédric a créé deux clairières d’environ 300 m² chacune, de façon à réaliser des abris naturels aménagés pour son troupeau.

Il a défriché, décapé la terre, puis empierré sur 40 cm avec du granit friable. « L’objectif est de créer une surface stable, filtrante, qui reste propre malgré le piétinement des animaux », indique l’éleveur. Orientées à l’est pour protéger les animaux de la pluie et du soleil, à la manière d’un bâtiment, les clairières sont paillées de 3 à 7 fois par semaine, selon la saison et le temps. Ces abris servent à l’alimentation et au couchage des animaux. En fin d’hiver, les clairières sont curées. Le fumier est destiné aux surfaces en cultures.

Complémenter la ration hivernale

Situées pour l’une au pied de l’exploitation, pour l’autre à 600 mètres, les clairières desservent respectivement un parcellaire prairial de 15 et 40 ha. « J’ai fait le choix de centraliser ma conduite hivernale autour de ces deux pôles. » Cédric exclut de fait le pâturage tournant de novembre à mars. « Je limite à 5 hectares la superficie disponible pour la quinzaine de vaches et leur suite. Je perds au niveau de l’exploitation de l’herbe, mais c’est un choix pour l’organisation de travail et le confort des animaux. »

En hiver, la ration s’appuie donc peu sur les stocks sur pied. Les allaitantes suitées reçoivent chacune 20 kg de foin de prairies naturelles et 3 kg de choux, d’octobre à fin mars. Le gaspillage de fourrage est supérieur à une distribution en bâtiment, et les besoins d’entretien des animaux sont supérieurs. Le foin est réparti quotidiennement dans deux râteliers par clairière, ce qui atténue la compétition à l’auge : « je trouve qu’il y a moins de bagarres et de risque de blessures qu’en bâtiment », juge l’éleveur.

Une mise à l’herbe en douceur

Début mars, la repousse de l’herbe prend le relais de la ration hivernale. La mise à l’herbe se passe en douceur. « La facilité de transition alimentaire et physique est à mon avis un des principaux avantages de l’hivernage en plein air, surtout avec des blondes d’Aquitaine, résume Cédric. Il ne faut pas s’inquiéter d’avoir des animaux qui ont perdu un peu d’état en fin d’hiver, car ils vont se reprendre rapidement. » Cédric maintient l’apport de foin, pour adoucir la transition alimentaire.

En fonction de la gestion des parcelles à l’automne, il compose avec la pousse de l’herbe. « L’idéal est d’avoir libéré les parcelles en novembre, pour permettre une bonne reprise de végétation, sous réserve de conditions météo favorables au printemps. Si les vaches ont occupé la parcelle tard dans la saison et que le printemps est sec, je ne serai pas débordé par la production d’herbe », plaisante l’éleveur. C’est aussi une manière de décaler le pic d’herbe à une période plus favorable pour les foins.

 

 

La mise à l’herbe précoce est aussi favorisée par la présence de 17 km de haies, abris naturels que Cédric renforce : « 300 mètres de haies bocagères ont été plantées cet hiver sur une grande parcelle, pour couper le vent de nord-est de fin d’hiver ». Au printemps, les animaux ont accès à l’ensemble du parcellaire : vaches, veaux et génisses tournent tous les 15-20 jours, à raison de 4 UGB/ha. « En mars-avril, je décide du foin à faire, en fonction de ce qui a été pâturé. »

Gérer les interventions sur les animaux

L’éleveur visite ses animaux deux fois par jour, secondé par son père, retraité toujours aux aguets. « Le matin, après l’alimentation des animaux en bâtiment, nous distribuons le foin dans les deux clairières, et par beau temps, les choux, étalés sur la litière ». Il faut également porter l’eau, car une seule clairière est équipée d’un bassin à niveau constant raccordé au forage. Le paillage est fait en fonction de la météo, le plus tard possible dans la journée s’il pleut.

 

 

Les visites et surveillances régulières dans la journée maintiennent le contact avec les animaux. « Nous les manipulons aussi régulièrement et facilement, grâce aux parcs de contention qui équipent chacun des quatre îlots. » Toutes les interventions se passent en extérieur. Les génisses, qui sont toutes inséminées, sont rentrées dans le parc sur constat des chaleurs. Les vêlages ont également lieu à l’extérieur, avec une intervention minimum. « C’est vrai que quand on doit aller vêler une vache la nuit en extérieur, ça ne fait pas plaisir, reconnaît Cédric. C’est la contrepartie du plein air ! » Peu de complications font suite aux vêlages à l’extérieur. Cédric souhaite tout de même ajuster sa conduite de reproduction : « j’ai actuellement deux périodes de vêlages aux effectifs équivalents, au printemps et en fin d’été. Mon objectif est de ramener le maximum de naissances au printemps, pour renforcer la cohérence de mon système et exploiter au mieux l’herbe. »

Construire une stabulation n’est pas à l’ordre du jour chez l’éleveur bressuirais : « ce serait pour le confort de l’éleveur et non pour celui des animaux ! ». En revanche, Cédric réfléchit à un hangar de stockage des fourrages, pour conserver la qualité des foins et de la paille.

 

Chiffres clés

114 ha de SAU dont 100 de d’herbe, 4 de cultures fourragères et 10 de grandes cultures

55 vêlages par an

0,9 UGB/ha de surface fourragère totale

1 UMO

L’engraissement en bâtiment

Le bâtiment de 510 m², construit en 2016, abrite les bêtes à l’engraissement : « une douzaine de broutards de 6-7 mois sont rentrés à la mi-novembre, avec leurs mères ». Ils reçoivent du foin de trèfle violet et RGH, et 2 kg de mélange fermier (féverole, pois, triticale, avoine, orge, blé). L’effectif est complété par quelques veaux élevés sous la mère, destinés à la vente directe, et par les vaches en finition. En plus du foin de qualité et de 4 kg de mélange fermier, elles sont complémentées avec 2 kg de MS de choux et betteraves fourragères. Ils stimulent l’ingestion et maintiennent l’appétit tout l’hiver. « Dans un système comme le mien, je considère qu’il faut disposer d’un bâtiment permettant de loger environ un tiers des effectifs pour hiverner les animaux les plus fragiles et engraisser efficacement, surtout en blonde d’Aquitaine. »

Investir comme pour un bâtiment

Parcs de contention, chemins d’accès, clôtures, Cédric Pelletier a optimisé sa conduite de plein air avec des aménagements qui lui simplifient le quotidien. « C’est le point central de la réussite du système », assure son conseiller Jean-Marie Guéret. Chaque îlot est équipé d’un parc de contention. Fabriqués en tubulaires ou ferraille de récupération, ils assurent des interventions rapides et sécurisées sur les animaux. Pour un parc à partir de matériaux neufs, il faut compter 3 000 à 5 000 euros, selon le technicien. Les points d’alimentation et d’eau sont desservis par des chemins empierrés : « un investissement fait en 2016, sur lequel je ne reviendrais pas », assure Cédric. Une partie des parcelles sont dédiées à cette utilisation, ce qui permet un accès toute l’année et évite la dégradation des abords. Les prairies sont bordées avec 17 km de haies, et clôturées majoritairement en barbelés. « Les barbelés sont un investissement pérenne, à comparer à un aménagement de bâtiment, selon Jean-Marie Guéret. Ils permettent d’alléger le travail de surveillance par rapport aux clôtures électriques, et facilitent la taille des haies que Cédric entretient et préserve. » C’est aussi un avantage pour la surveillance : « quand les vaches sont bien gardées, l’éleveur dort tranquille », sourit le technicien.

Jean-Marie Guéret, conseiller bovins viande, chambre d’Agriculture des Deux-Sèvres

"L’élevage met en valeur les terrains"

« Cédric a le souhait de maintenir un système à taille humaine, sur une structure où l’élevage met en valeur les terrains à potentiel limité. Malgré tout, la précocité du printemps est bien optimisée pour exploiter l’herbe. Les cultures de choux et de betteraves complètent cet équilibre en apportant de la valeur alimentaire dans les rations de finition des vaches de réforme et évitent les achats de concentrés en système bio (en dehors du minéral). Les résultats de reproduction pourraient être légèrement améliorés (IVV de 414 jours) mais le taux de mortalité des veaux est bas (moins de 2%). Les veaux sont plus robustes et peu exposés à la pression sanitaire d’un bâtiment. Sur un plan économique, bien que dépendant de la météo pour les fourrages, les charges sont maîtrisées et permettent de rémunérer le travail, avec une moyenne de 1,9 Smic/UMO au cours des trois dernières campagnes. »

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