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La prévention des omphalites est complexe

Les facteurs de risque d’apparition de l’omphalite sont probablement très nombreux et varient d’un élevage à l’autre. © V. Herry
Les facteurs de risque d’apparition de l’omphalite sont probablement très nombreux et varient d’un élevage à l’autre.
© V. Herry

On manque sérieusement de données scientifiques sur les facteurs favorisant l’infection du nombril des veaux. Cependant trois axes se dessinent pour prévenir cette maladie : l’hygiène au vêlage et l’hygiène du lieu de vie, la désinfection du nombril, et l’amélioration de la vitalité du veau à la naissance.

Un article publié dans le bulletin des GTV (Groupements techniques vétérinaires) en décembre 2019 fait le point sur l’infection du nombril des veaux laitiers et allaitants. « Les omphalites font partie des infections néonatales les moins étudiées. De nombreuses incertitudes persistent sur les facteurs de risque de cette maladie. Très peu de mesures de prévention ont été validées scientifiquement, et aucun consensus d’opinion n’existe », observe Dr Vincent Herry, auteur principal de cet article (1). Ceci peut se comprendre du fait que les facteurs de risque d’apparition de l’omphalite sont probablement très nombreux et qu’ils varient d’un élevage à l’autre. Leur mise en évidence statistique est complexe. Les omphalites sont pourtant la troisième cause de morbidité des veaux derrière les pathologies digestives et respiratoires. « La prévalence est en moyenne de 10 %, elle varie selon les études de 2 à 30 %. La bibliographie montre aussi qu’une infection du nombril multiplie par 2,5 le risque de mortalité précoce des veaux. »

L’importance de l’hygiène autour de la naissance du veau est évidente pour prévenir cette maladie, mais des épidémies se déclarent parfois dans des élevages très bien tenus. Ce qui ne manque pas de laisser les éleveurs qui y sont confrontés assez démunis. « Ce qu’on peut avancer, c’est que la désinfection du nombril seule ne permet pas d’éviter l’apparition d’omphalites, considère Dr Vincent Herry. Une des clés de la prévention se situe à mon avis autour du temps que le veau passe couché durant les premiers jours de vie. Plus il reste longtemps couché tant que le nombril n’est pas sec, plus le risque d’infection par contact avec l’environnement est élevé. Et ce temps passé en position couchée dépend de la vitalité du veau à sa naissance, qui est elle-même liée aux conditions de vêlage et à l’alimentation de la vache avant vêlage, notamment en oligoéléments et vitamines (en particulier vitamine E, vitamine A, sélénium et iode) ». Des observations en élevage incitent Vincent Herry et ses coauteurs à penser que le risque d’omphalite peut être, pour certains veaux ou dans certains élevages, associé au syndrome du « veau mou ».

Un lien entre omphalite et assistance au vêlage

La bibliographie met en évidence pour l’instant un lien entre l’assistance au vêlage et la déclaration d’omphalites. « Une seule étude, menée en 2014 en Argentine sur 92 veaux, a montré ce lien. Il faudrait confirmer ceci par d’autres études. Mais en médecine humaine, dans les pays peu développés, l’assistance à la naissance avec des mains non désinfectées est l’un des facteurs de risque favorisant l’infection du nombril », rapporte Dr Vincent Herry. Dans un élevage avec une prévalence élevée d’omphalites, le vétérinaire estime en conséquence très utile de limiter les interventions obstétricales au strict nécessaire, de rincer la vulve contaminée par les matières fécales avant le vêlage, de porter des gants de vêlage à usage unique et d’utiliser un lubrifiant spécifique.

L’hygiène du box de vêlage est une priorité. Elle est à penser en fonction de la dynamique de l’apparition de cas d’omphalites. « Tant que les veaux nouveau-nés sont en bonne santé, on peut conserver ses pratiques ; mais dès qu’un ou deux nombrils se déclarent, il faut revoir complètement sa façon d’utiliser le box de vêlage, et même penser à l’ensemble du bâtiment », explique Dr Vincent Herry. Les recommandations habituelles pour prévenir les maladies néonatales s’appliquent ici faute de connaissances plus spécifiques pour les omphalites. Le paillage abondant est important. Les Anglo-saxons ont défini des notes de 1 à 3 de nesting score (score de nidification) du veau dans la litière pour se repérer. Pour le parc de vêlage et le parc des veaux de moins d’une semaine, on vise ici le niveau 3 : les membres du veau disparaissent complètement sous la paille quand il est couché. « Le temps passé dans le box de vêlage avec sa mère ne devrait pas aller au-delà de deux jours », ajoute le Dr Vincent Herry. Il faut éviter que le veau risque d’y tomber malade de façon à ne pas contaminer le box de vêlage pour protéger les veaux suivants.

Hygiène parfaite pour faire les soins du nombril

On ne sait pas si chasser le sang du cordon est utile. A priori, c’est plutôt une bonne idée car le sang peut constituer un milieu de culture. Mais si cela est réalisé, ce doit l’être avec des gants propres à usage unique. Si cela est fait à mains nues, autant éviter. Pour la désinfection du nombril à la naissance, une seule étude a montré que le nombre d’omphalites était 3,5 fois plus élevé chez les veaux dont le nombril n’avait pas été désinfecté. « Si on désinfecte le nombril, le faire avec des gants neufs à usage unique ou a minima des mains lavées au savon est très important, et idéalement le plus tôt possible, si possible dans la demi-heure qui suit la naissance », poursuit le Dr Vincent Herry. Il estime d’après son expérience que ce geste serait à répéter une à deux fois par jour pendant trois à cinq jours pour les veaux mous à la naissance, ou si le cordon est coupé trop court (moins de cinq centimètres), ou si le milieu est contaminé par des veaux atteints précédemment d’omphalite. Si le veau est vif, qu’il est né sans assistance, désinfecter une seule fois à la naissance semble raisonnable et possiblement suffisant. Même s’il faudrait faire des études pour pouvoir trancher ce point. « On pense que l’application d’un spray, qui n’atteint pas toujours l’ensemble des tissus, pourrait marcher moins bien que le trempage. À condition pour le trempage, de laver et désinfecter la cupule à chaque usage avec du savon ou du produit vaisselle qui, sinon, peut devenir une redoutable source de contamination. On fait alors pire que mieux. »

Il existe de nombreux produits pouvant être utilisés pour désinfecter les nombrils des veaux nouveau-nés, dont la teinture d’iode à 5 % (celle à 7 % pouvant être irritante sur la peau du ventre) et la chlorhexidine. La chlorhexidine a plusieurs avantages : large spectre, durée d’action relativement longue, efficacité en présence de sang. « La forme diluée de 2 à 4 %, que les vétérinaires utilisent en clinique pour désinfecter les instruments chirurgicaux, est celle dont l’efficacité pour prévenir les infections du nombril est la plus documentée en médecine humaine et sur les poulains », observe le Dr Vincent Herry. En France, deux produits revendiquent une indication pour la désinfection du nombril. « Les preuves d’efficacité de ces produits ne sont pas accessibles, ni publiées. D’autres antiseptiques plus généraux sont aussi utilisés mais leur efficacité pour prévenir les omphalites n’est pas non plus documentée, et il est donc difficile de les comparer. »

Les asséchants de litière ne sont pas sur le principe dépourvus d’intérêt, mais eux non plus n’ont pas fait l’objet d’études scientifiques quant à leur effet sur la prévention des omphalites, ni celle des autres maladies néonatales. « Ils ne remplaceront pas une bonne ventilation du bâtiment qui chasse l’humidité et la désinfection du sol », remarque le vétérinaire.

Des études récentes ont montré que le lien entre risque d’omphalite et défaut d’immunité passive du veau acquise par le colostrum n’est pas évident. « Par contre, il n’est pas exclu que le degré de gravité de l’omphalite (qui peut évoluer en péritonite, arthrite, septicémie…) soit associé à un défaut de transfert colostral », précise le vétérinaire. Le colostrum toujours !

(1) Prévention des omphalites chez les veaux laitiers et allaitants : connaissances actuelles et recommandations par Vincent Herry, Nicolas Masset, Guillaume Belbis et Nicolas Herman. Bulletin GTV décembre 2019.

Le saviez-vous ?

L’ombilic du veau est composé au moment de la naissance de quatre structures : le cordon ombilical, les artères ombilicales, la veine ombilicale et le canal de l’ouraque. Après la rupture du cordon, l’ouraque et les vaisseaux sanguins se rétractent immédiatement à l’intérieur de l’abdomen. Le canal de l’ouraque disparaît complètement et devient non-fonctionnel. Les artères se contractent et se ferment. Elles deviennent après régression les ligaments latéraux de la vessie (vers une semaine d’âge). Les veines se rejoignent et évoluent pour devenir le ligament qui relie le foie à la paroi de l’abdomen (ligament falciforme) quelques semaines après la naissance.

Sur les veaux sains, le cordon ombilical sèche en trois à cinq jours et il tombe deux à trois semaines après la naissance.

Très souvent plusieurs pathogènes sont en cause

D’après les études qui ont été publiées, ce sont des bactéries environnementales (E. coli, pasteurelles, staphylocoques, streptocoques…) qui sont identifiées dans les tissus touchés par l’infection du nombril. Et dans 80 % des cas, plusieurs bactéries sont isolées lors de l’analyse bactériologique du nombril. On considère que la contamination s’effectue très majoritairement par contact avec la litière ou le sol, probablement dans l’intervalle entre la naissance et quelques heures ou quelques jours. L’infection du nombril au cours de la mise bas par contamination de la filière pelvienne avec des matières fécales (mains sales, vulve non rincée) est également possible. « L’infection in utero avant la naissance apparaît hautement improbable ou ne concerne certainement qu’une proportion très marginale des infections du nombril. »

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