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La paille, un coproduit convoité et coûteux

Le poste « litière » augmente chaque année. Une étude de chambres d’agriculture France et de l’Idèle retrace l’évolution du poste paille entre 2000 et 2020.

Si l’élevage d’herbivore reste le premier consommateur de la paille produite, de nouveaux usages en font un produit prisé.
Si l’élevage d’herbivore reste le premier consommateur de la paille produite, de nouveaux usages en font un produit prisé.
© J.-C. Gutner

« Le poste paille peut paraître minime, mais il est sans cesse en évolution dans les charges d’exploitation. Ce coproduit, historiquement convoité par les éleveurs, voit en effet sa disponibilité se réduire en raison du développement de nouveaux usages qui tendent à augmenter comme l’enfouissement, l’utilisation pour la méthanisation ou comme isolant bi-sourcé ou encore comme combustible, sans oublier les consommations transfrontalières lors d’épisodes de sécheresses. Par conséquent, des questions d’autonomie et d’accès à cette ressource se posent. C’est pourquoi, une étude a été menée par chambres d’agriculture France et l’Idèle pour le compte de la Confédération nationale de l’élevage, pour mieux faire le point », commente Christelle Pineau, du service économie de l’exploitation à l’Idele, lors d’une conférence organisée au dernier Sommet de l’élevage.

Une autonomie en baisse

Sur la période de 2000 à 2020, les 7 à 8 millions d’hectares de céréales à paille permettraient d’évaluer le gisement national de paille récoltable entre 25 et 31 millions de tonnes (Mt), dont 16 à 17 Mt qui seraient consommés par les bovins (litière ou paille alimentaire) (1).

L’analyse des données Inosys montre un accroissement de la consommation de paille dans les élevages bovins allaitants. Il s’élève à + 61 tonnes par exploitation entre la période 2001-2005 et 2016-2020. « Cette augmentation s’explique par une hausse des UGB par exploitation (+30 UGB/ferme), le passage en aires paillées intégrales et l’utilisation de la paille à vocation alimentaire pour faire face aux sécheresses de ces dernières années. Au final, la consommation à l’UGB reste relativement stable (0,9 à 1,1 tonne/UGB) », souligne Christèle Pineau.

Dans le même temps, le potentiel d’autonomie en paille des exploitations est en légère diminution au fil des années (- 2 % entre la période 2001-2005 et 2016-2020). Cela montre aussi que si les structures grandissent, elles remettent de l’herbe et pas forcément des surfaces en céréales.

Un poste litière en forte hausse

Sur le plan économique, le poste achats de litière a explosé (+ 82 %) entre 2001-2005 et 2016-2020 en lien direct avec l’évolution du prix de la paille achetée. Et cette hausse est accentuée sur la seule période 2016-2020 (+ 24 %). Sur cette phase, il ressort également une disparité plus marquée selon les zones de production plaine ou montagne.

Le coût de la paille s’élève à 60 euros en moyenne sur cette période en plaine contre 91 euros en montagne et ce différentiel est accru depuis la campagne 2010-2011. « La non-existence de cotations empêche la régulation de son prix ! Ainsi, le poids du poste achats de litière dans les charges courantes des ateliers bovins viande est passé de 2,4 à 3,5 % entre les deux périodes. En moyenne, les éleveurs allaitants doivent dépenser 12 euros de plus par UGB pour le poste achats de litière. »

(1) Données de surfaces et de rendements en grains des céréales à paille de la base Agreste.
Chiffres disponibles auprès des fermes Inosys réseaux d’élevages auprès d’Olivier Dupire, coordinateur national réseaux Inosys chez Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Quelle est la valeur de la paille

Des travaux, au niveau des chambres d’agriculture avec le réseau grandes cultures, ont été conduits pour évaluer le prix de la paille. Celui-ci a été fixé en fonction des valeurs fertilisantes de la paille, du prix moyen des engrais, des amendements organiques et de la notion de disponibilité. Ces travaux mettent ainsi en évidence une valeur économique de la paille à 19 euros la tonne brute, en mars 2022. Il faut ajouter à ce montant la perte d’humus liée à l’export de paille et l’épandage de minéraux exportés. Ainsi, la vraie valeur économique de la paille, si on la prélève à un céréalier, est estimée à 30 euros la tonne en 2022 contre 20 en 2019. Ce tarif est un prix plancher permettant de couvrir économiquement les exports.

Pour le calcul des échanges de paille/fumier, une calculette en ligne est mise à disposition par Arvalis.

Des adaptations pour réduire sa dépendance

Différentes simulations à partir de cas type Inosys ont également été faites pour essayer de s’adapter à la hausse des coûts de la paille. Focus sur l’une d’entre elles.

 

La paille, un coproduit convoité et coûteux

 

Dans ce projet, des simulations ont été réalisées pour économiser de la paille. L’une d’entre elles a été présentée dans le contexte Massif central (département en zone de montagne à 95 % d’herbe, cheptel stable, 170 jours d’hivernage, développement des stabulations avec aire paillée avec des frais de fonctionnement élevés, des potentiels agronomiques permettant la réussite des céréales d’automne sur certaines parcelles).

« On a ainsi évalué l’intérêt de réduire le temps de présence en bâtiments et la dépendance de l’exploitation aux achats de paille pour un cas type Inosys aubrac sélection avec estive (1). Pour ce cas type, la réduction de 10 jours d’hivernage en sortant les animaux plus tôt au printemps (passage de 170 à 160 jours d’hivernage) conduit à une économie 1,30 euro/jour/UGB, hors main-d’œuvre et cotisations sociales. Cette économie est permise par une diminution de la consommation de la paille et de concentrés, ainsi que des fourrages stockés et des frais de mécanisation moindre. Cette option est toutefois étroitement liée à l’année climatique et nécessite une gestion rigoureuse de la pâture mais elle peut être mise en place sur une partie du cheptel », observe Yann Bouchard, de la chambre d’agriculture du Cantal.

Cultiver plus de céréales

Le second scénario vise à optimiser l’autonomie en paille en cultivant plus de céréales. Pour évaluer l’impact de l’autonomie en paille et en grains, deux simulations ont été réalisées, l’une en autonomie dégradée (0 hectare de céréale) et l’autre en autonomie optimisée (passage de 8 à 11 hectares de céréales) à chargement en UGB/SFP identique soit une variation d’UGB (199 UGB en système herbager contre 186 pour un système avec plus de céréales).

L’optimisation de l’autonomie amène une économie de 2 100 euros (2) grâce aux moindres achats de paille et de concentrés. « Si la faisabilité de cette option varie selon la présence de terres labourables, la présence d’hectares supplémentaires de céréales apporte une meilleure dynamique fourragère, améliore la lutte contre les campagnols et offre une meilleure résistance aux aléas climatiques. »

(1) Gaec à 2,8 UMO, 120 mères aubracs, 208 ha de SAU dont 8 de céréales, chargement 1,1 UGB/ha de SFP, stabulation libre paillée et étable entravée, 107 tonnes de paille consommée.
(2) Conjoncture 2020.

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