Aller au contenu principal

La grande diversité de l'élevage allaitant de l’Outre-mer

Un peu plus de 40 000 vaches allaitantes sont élevées dans les différents départements français d’Outre-mer. Les modes de conduite, les résultats techniques et l’environnement économique de ces exploitations sont bien différents des chiffres métropolitains.

Le cheptel bovin allaitant français ne se résume pas aux quelque 3,8 millions de vaches mères présentes en métropole. Viennent s’y ajouter pratiquement 40 000 autres vaches reproductrices, réparties dans les quatre départements d’Outre-mer. À l’occasion du dernier Sommet de l’élevage, une conférence a permis de faire une présentation synthétique des différents systèmes d’élevage les plus couramment rencontrés en Martinique, Guadeloupe, Guyane et sur l’île de la Réunion.

Dans ces quatre départements, l’élevage bovin ne fait pas partie des principales productions. L’agriculture repose d’abord sur les productions végétales et plus particulièrement sur les fruits frais (bananes…) et les cultures industrielles au premier rang desquelles vient la canne à sucre. Des cheptels bovins de dimension souvent hétérogènes et la plupart du temps nettement plus modestes qu’en métropole sont néanmoins bien présents dans ces quatre départements. Ils sont très majoritairement destinés à la seule production de viande en système spécialisé. Les cheptels laitiers occupent une place nettement moins importante. Ils sont même totalement inexistants en Guadeloupe.

 



Des races zébuines à la Limousine

« Ces départements couvrent une large diversité de contextes humains et pédoclimatiques. Ils expliquent la grande variabilité des conduites, des races bovines employées et des productions », soulignait Arnaud Villaret de l’Institut de l’élevage. Depuis les microtroupeaux guadeloupéens jusqu’aux grandes structures guyanaises.
Différentes races sont utilisées : depuis la Brahman, une race zébuine bien adaptée au climat tropical et largement présente en Martinique et en Guyane jusqu’aux races classiquement rencontrées en métropole en particulier à la Réunion. Le climat tropical fait que les troupeaux reproducteurs sont conduits en plein air. Il en est souvent de même pour l’engraissement, même s’il existe quelques stabulations spécialement consacrées à cette activité, en particulier à la Réunion. Analysées d’un œil métropolitain, les performances techniques sont globalement modestes si on s’en tient à la productivité numérique, aux croissances et aux poids de carcasse. Autant de résultats qu’il convient de nuancer. Dans ces départements au climat tropical ou équatorial, le contexte pédoclimatique bien différent de la métropole doit inciter à analyser les chiffres avec un certain recul. La ressource fourragère repose forcément majoritairement sur des espèces tropicales dont les valeurs alimentaires sont assez différentes de ce qui est classiquement rencontré dans les prairies de métropole. Certes ces plantes poussent vite dans la mesure où la chaleur est le plus souvent associée à l’humidité. Mais ramenées au kilo de matière sèche, leur valeur alimentaire est bien inférieure à la flore d’une prairie normande.
Autre différence notable : la forte pression parasitaire, avec en particulier abondance de tiques auxquels les bovins importés de France ont souvent du mal à résister s’ils ne sont pas très régulièrement traités.

Part modeste de la consommation

De par leurs handicaps liés au climat, à l’éloignement et à l’insularité, ces départements bénéficient de soutiens économiques spécifiques dans le cadre du Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei). Il s’agit d’une adaptation de la PAC aux handicaps géographiques et économiques des Régions ultra-périphériques (RUP) de l’Union européenne. Cela se traduit par un Régime spécifique d’approvisionnement (RSA) qui permet d’alléger le prix des matières premières destinées à l’alimentation du bétail. Les niveaux d’aides peuvent d’ailleurs paraître conséquents si on les observe avec un œil métropolitain. Ramenés à l’UGB, ils se traduisent par des ratios plus importants que les chiffres de la métropole.
Enfin, l’autre particularité des élevages bovins des départements d’Outre-Mer est de n’assurer qu’une part somme toute modeste de la consommation locale de viande bovine. Hormis la Guyane, essentiellement occupée par la forêt amazonienne, ce sont des départements qui ramenés à leur superficie sont densément peuplés. Le nombre d’habitants au kilomètre carré en Guadeloupe est plus de deux fois supérieur à celui de la métropole. Il est plus de trois fois supérieur en Martinique et à la Réunion. Associé à l’importante activité touristique, cela se traduit par des besoins conséquents en viande bovine que la production indigène est loin de pouvoir intégralement satisfaire avec de ce fait, une part variable mais toujours conséquente de viande provenant de métropole… ou d’ailleurs.

Une dominante de Limousines à la Réunion

Sur l’île de la Réunion, les 10 500 vaches allaitantes sont majoritairement des races importées de métropole avec une forte proportion de croisées et de Limousines. En 2014, il y avait d’après les données de la BDNI, 805 détenteurs de vaches allaitantes. Les microcheptels tendent à se raréfier. Les deux tiers du cheptel allaitant étaient cette même année la propriété d’éleveurs possédant plus de 20 vaches. Les systèmes naisseurs sont davantage présents sur les hauteurs où les niveaux de précipitation conséquents associés aux sols volcaniques favorisent une herbe abondante. Les engraisseurs sont plutôt localisés dans les zones basses, en lien avec la culture de la canne, source de fourrage.

La Guadeloupe remet en avant la Créole

L’élevage bovin guadeloupéen est depuis longtemps très lié à la canne à sucre. Bien adaptée au contexte tropical, la race Créole bénéficie d’un regain d’intérêt après avoir failli disparaître.

La plupart des élevages guadeloupéens sont des unités de petite dimension. Leur présence est un lointain héritage de l’histoire de l’île, quand les bovins étaient principalement utilisés pour leur force de traction dans les champs de canne. Ils sont encore très souvent détenus par des agriculteurs produisant de la canne à sucre, une culture qui occupe actuellement 43 % de la SAU de l’île. La canne est également classiquement utilisée comme fourrage d’appoint pour pallier le déficit en herbe au cours de la période sèche dite de Carême qui a lieu, comme son nom l’indique, en début du premier semestre. Les cheptels sont souvent de dimension modeste avec parfois guère plus d’une dizaine d’animaux conduits à l’attache et déplacés tous les jours. C’est une contrainte mais cela permet de valoriser toutes les parcelles en herbe, même de dimension très modeste en incluant les bordures de chemin et les pourtours des champs de canne.

Après avoir été abondamment utilisée en croisement avec les races européennes, principalement Limousine et Blonde d’Aquitaine, la Créole bénéficie d’un regain d’intérêt car elle est bien adaptée aux contraintes locales : chaleur, fourrages tropicaux à faible densité énergétique et abondance des tiques. Après avoir failli disparaître suite à un recours trop généralisé aux croisements, l’objectif est désormais de gérer ce volet un peu à l’image de ce qui est pratiqué avec la Salers ou l’Aubrac en métropole. C’est-à-dire réserver le croisement avec du Blond, du Limousin ou du Charolais aux seules femelles analysées comme les moins intéressantes et conduire en race pure les meilleures vaches et génisses.

Vaches conduites au piquet

Un des cas type décrit par le réseau d’élevage des DOM concerne une exploitation de polyculture élevage : canne et viande bovine. Sur 11 hectares de SAU, dont 5 en herbe, le troupeau se compose de 9 vaches créoles pour partie conduites en croisement et leur descendance. Conduites au piquet, le chargement approche les 4 UGB/ha de SFP. Le taux de gestation est de 70 %. Le taux de renouvellement de 14 %, l’IVV moyen de 450 jours et la production de viande vive de 2 828 kg (JB et génisses de 18 à 24 mois d’un poids moyen respectif de 245 kg et 220 kg de carcasse avec des réformes de 205 kg) pour un prix de vente moyen de 5,10 euros au kilo carcasse en mâle comme en femelle en conjoncture 2017. En incluant la vente de la canne, cela se traduit pour ce type d’exploitation par un produit brut de 40 490 euros (18 % pour les ventes de bovins, 37 % pour la vente de canne et 45 % d’aides). Les charges opérationnelles (7 080 euros) concernent pour plus de la moitié la culture de la canne et, les charges de structure (12 890 euros) sont elles aussi en grande partie liées à la récolte de la canne déléguée à un tiers. Les principaux frais inhérents au cheptel concernent l’achat de concentrés et minéraux (1 640 euros). Il en résulte un EBE de 20 520 euros, soit 51 % du produit brut.

Quelques grandes structures en Guyane

Les élevages de Guyane sont situés le long de la côte Atlantique. La dominante zébu se traduit par des poids carcasse modestes.

Les 5 300 vaches allaitantes de Guyane sont pour la plupart élevées dans une large bande située le long de la zone côtière où est d’ailleurs rassemblé l’essentiel de la population. Le sud de ce département est d’abord occupé par la forêt amazonienne avec une densité de population vraiment réduite pour ne pas dire quasi nulle. Les races bovines utilisées sont pour moitié le zébu Brahman, de par sa bonne adaptation au climat tropical et sa résistance aux nombreux tiques et insectes piqueurs. Les troupeaux guyanais se composent aussi fréquemment d’animaux croisés. Quelques élevages utilisent des races rustiques, principalement Gasconne et Aubrac également utilisées en croisement sur zébus. À signaler la présence de quelque 600 bufflonnes conduites comme des allaitantes. Un total de 323 cheptels étaient comptabilisés en 2017 avec des dimensions très contrastées. Cinq élevages sont de très grande taille (700 têtes ou plus) et totalisent à eux seuls le quart du cheptel guyanais. Les élevages de taille moyenne (51 à 200 têtes) rassemblent 20 % des troupeaux. Les 230 éleveurs de moins de 50 têtes totalisent 80 % des détenteurs et 14 % du cheptel. Ces éleveurs associent alors l’élevage à la polyculture. « En 10 ans, la dimension moyenne des élevages a augmenté de 40 % passant de 44 à 63 têtes (Source : BDNI). Cet agrandissement s’explique par la structuration des grandes exploitations (200 têtes et plus) entraînant la diminution des élevages de taille moindre", explique l’Insee dans une publication. Au début des années 2000, la vache allaitante était parfois analysée comme l’animal « tirelire » similaire à un « livret A sur pattes ».
Les animaux sont finis à l’herbe avec une complémentation. Il existe deux abattoirs, mais les parts de marché de la viande locale sont modestes ramenées au total de la viande consommée. Pour 2018, l’Institut de l’élevage faisait état d’un total de 2 352 tonnes de viande bovine consommée en Guyane dont seulement 23 % avaient été produites localement. La part restante est importée fraîche ou congelée.

Naisseur-engraisseur avec 75 Brahman

Plusieurs cas-types ont été réalisés pour décrire le fonctionnement des élevages guyanais en le couplant à une approche économique. L’un d’entre eux concerne un système naisseur engraisseur avec 75 vaches brahman pour 90 femelles mises à la reproduction chaque année. Il est conduit sur 115 ha de prairies dont 15 implantées, et complété par 100 ha de forêt. Le taux de gestation est de 70 % avec des vêlages centrés sur deux mois et un IVV de 520 jours. Malgré un taux de mortalité de 5 %, le taux de productivité numérique est faible : 68 %. La production de viande vive est de 21 900 kg avec un ratio de 140 kg vif/UGB ou 194 kg vif/ha de SFP. 13,4 tonnes/an d’aliment sont achetées pour finir les animaux avec également une part d’achat de fourrage pour complémenter les broutards fraîchement sevrés. Les mâles sont abattus entre 2 et 3 ans comme jeunes taureaux pour des poids carcasse avoisinant 210 kg de moyenne. En conjoncture 2016, ce type d’exploitation alors en phase de capitalisation (achat de 5 génisses d’élevage prêtes à saillir) affiche un produit brut de 129 180 euros répartis entre 43 % liés à la vente d’animaux et 57 % aux aides compensatoires pour un EBE de 45 620 euros (35 % du produit brut).

Les plus lus

Camion d'abattoir mobile du Boeuf ethique
L’abattoir mobile du Bœuf éthique vendu aux enchères 152 000 euros

Plus d’un an après la liquidation du Bœuf Ethique, premier outil d’abattage mobile en France, son matériel a été mis en vente…

parage fonctionnel des pieds bovins
Boiteries : « Je me suis formé au parage fonctionnel »

Guillaume Sansoit, éleveur de charolaises dans la Nièvre, a suivi avec un de ses salariés une journée de formation sur le…

L’implantation de la cage est à raisonner pour qu’un homme seul puisse y amener ses bovins en sécurité.
Boiteries : choisir une cage de parage adaptée aux vaches allaitantes

La cage de parage devient un équipement incontournable pour les exploitations touchées par la dermatite digitale. Veillez à…

Les prix d'honneur ont été difficiles à départager au concours de Varennes-sur-Allier (Allier), tenu les 15, 16 et 17 mars en race charolaise. « Une série d'une vingtaine de génisses, aux conformation et qualité de viande hors-normes, s'est particulièrement démarquée. Le lot était très homogène, avec des volumes de carcasse qui dépassaient les 650 kg », rapporte Olivier Chaveroche, responsable au concours.
Bovins de boucherie : les concours de Pâques enregistrent de belles ventes

Après une édition 2023 en demi-teinte, les organisateurs des traditionnels concours de Pâques tirent un bilan plutôt positif…

jeunes bovins charolais boiteries morbihan bretagne
Boiteries : « Nous avons dû jouer sur plusieurs fronts pour lutter contre panaris, Mortellaro et fourbure »

Gwendal Marchand a résolu une bonne partie des problèmes de boiteries sur son exploitation grâce à un audit approfondi avec…

Assurance prairies : l’indice Airbus doit encore convaincre

Les interrogations sur la fiabilité de l’indice satellitaire d’Airbus qui mesure la pousse de l’herbe freinent le…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site bovins viande
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière bovins viande
Consultez les revues bovins viande au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière bovins viande