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Être femme dans la filière bovins viande : professionnalisme et passion

Elles sont négociante, vétérinaire, salariée de remplacement ou encore directrice de ferme expérimentale… : actrices d’une filière majoritairement masculine, elles se sont fait leur place avec professionnalisme et passion. Leurs atouts : calme, patience et parfois, un petit supplément de jugeotte.

 

Laurine Coquillon, commerçante, Fagoo Bestiaux, Saint-Omer (62)

« Avoir moins de force nous incite à réfléchir plus »

 

 
<em class="placeholder">«  J’ai appris mon métier de commerçante en bestiaux sur le tas, mais aujourd’hui, dans la formation spécialisée de Figeac, il y a des filles chaque année ».</em>
« J’ai appris mon métier de commerçante en bestiaux sur le tas. Aujourd’hui, dans la formation spécialisée de Figeac, il y a des filles chaque année », se réjouit Laurine Coquillon. © L. Coquillon

« Femme ou homme, pour ce métier, on a chacun nos qualités et nos défauts », assure Laurine Coquillon, commerçante en bestiaux et vice-présidente de la commission jeunes de la FFCB. « Avec les bovins, on n’a pas le même rapport de force que les hommes, on ne peut pas " jouer les gros bras ", alors, forcément, on travaille différemment. »

Pour Laurine, être une femme conduit à davantage de patience. « Nous, on va prendre le temps de réfléchir sur comment s’y prendre pour qu’un animal se déplace de façon intuitive et assurer notre sécurité. Je crois aussi qu’on s’use moins physiquement. Les petits veaux, les hommes les portent. Nous, on va les pousser. »

Aujourd’hui commerçante en bestiaux à Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, Laurine Coquillon n’a que 32 ans, mais déjà une solide expérience dans le métier : enfant, en Bourgogne, elle arpentait les marchés aux côtés de son père. Alors qu’elle est adolescente, elle a l’opportunité de travailler pour un commerçant italien qui lui apprend le métier « à l’école de la vie ».

« Sur le marché, tout le monde me connaissait, c’était une ambiance formidable. » Depuis quatre ans, elle a changé de région, troquant la Bourgogne pour les Hauts-de-France, et son métier aussi a évolué : « Ici, c’est plus polyvalent. On a des bêtes allaitantes et laitières, du maigre et de la viande, peu d’exports, mais beaucoup de mises en place. On achète surtout en ferme avec transport pour l’abattoir ou pour notre centre de tri. »

Très attentive au travail en sécurité, Laurine n’a pas été déçue lorsqu’elle a découvert le centre d’allotement de Fagoo Bestiaux : « On a un patron très sensible à cette question. Quand je suis arrivée, c’était déjà bien organisé, avec des portes électriques, des systèmes de tourniquet et de la contention. »

Dans son métier-passion, Laurine estime s’être fait à présent « une vraie place ». « La "sensibilité" d’une femme permet de rester toujours proche de nos clients. » Et c’est avec beaucoup de fierté qu’elle réfléchit à l’avenir, au sein de la commission jeunes de la FFCB. « Contraintes sanitaires, bien-être animal, arrivée de l’IA… Notre métier va devenir de plus en plus technique. »

Claire Marget, vétérinaire rurale, Argentonnay (79)

« Les torsions de matrice sont difficiles pour tout le monde ! »

 

 
<em class="placeholder">Claire Marget est praticienne rurale depuis une dizaine d’années.</em>
« On a un peu moins de force que les hommes, mais nous sommes habituées à faire avec les moyens du bord », témoigne Claire Marget, praticienne rurale depuis une dizaine d’années. © C. Marget

La féminisation de la profession de vétérinaire est désormais bien connue : parmi les praticiens ruraux de moins de 40 ans, les femmes représentent 64 % des effectifs (1). « Les éleveurs n’ont pas le choix ! », s’amuse Claire Marget, vétérinaire spécialisée en animaux de rente à Argentonnay, dans les Deux-Sèvres. « Certes, on a un peu moins de force que certains hommes. Mais cela nous incite à réfléchir, à trouver d’autres techniques. Et de toute façon, des interventions comme des torsions de matrice sont difficiles pour tout le monde ! »

Pour Claire, la clé pour intervenir auprès des bovins, c’est de pouvoir bénéficier d’une contention, et le cas échéant, d’une protection : « Nous avons la chance d’avoir des éleveurs plutôt bien équipés : cornadis, cages de contention, marches à accrocher derrière les barrières, carrés transportables au pré… »

« On est aussi habituées à faire avec les moyens du bord », témoigne la jeune praticienne. Parmi les astuces courantes : bloquer les bêtes au cornadis et protéger la vétérinaire des coups de patte en la positionnant dans le godet du tracteur. En cas d’absence de cage de contention, une botte de paille peut caler un animal. Et la bonne vieille planche de bois peut aussi servir pour cacher l’intervenante aux animaux les plus farouches.

« Je n’interviens jamais sans la présence de l’éleveur », précise Claire. Comme la clientèle est plutôt fidèle, elle finit par bien connaître les animaux et les élevages qui sont le plus « à risque ». « On doit rester toujours sur nos gardes, toujours penser à la possibilité d’un accident. »

Finalement, dans la médecine vétérinaire rurale, la féminisation n’est plus un sujet : le véritable enjeu, c’est de préserver un maillage vétérinaire : « Nos clients les plus éloignés sont à une heure et quart de route. » En intervenant dans les écoles vétérinaires (où étudient 76 % de femmes), et en encadrant des stagiaires, Claire témoigne de sa passion pour la médecine vétérinaire rurale et contribue à attirer des jeunes dans ce métier.

(1) Chez les plus de 50 ans, 80 % sont des hommes (source : Atlas démographique de la profession vétérinaire 2024).

Sarah Carrera, salariée de l’association de remplacement du Gers (32)

« Les éleveurs ont saisi que j’étais capable de tout faire »

 

 
<em class="placeholder">Salariée de remplacement, Sarah Carrera ne cache pas son amour pour les vaches.</em>
« Au début, certains éleveurs étaient surpris de me voir arriver pour les remplacer. Aujourd’hui, je me suis fait un nom », explique Sarah Carrera, salariée de remplacement. © SR32

« Au début, certains éleveurs étaient surpris de me voir arriver pour les remplacer. Mais aujourd’hui, je me suis fait un nom : ils ont saisi que j’étais capable de tout faire, conduire des engins comme manipuler les animaux. Je ne connais pas encore tout, mais si on m’explique bien, je peux y arriver ! »

Cela fait deux ans que Sarah Carrera travaille comme salariée de remplacement dans le Gers, structure qu’elle a intégrée après son BTS Acse. La jeune femme intervient dans toutes les productions, vignes, fruits, volailles, lait…, avec une petite préférence pour les bovins viande : c’est auprès des blondes d’Aquitaine qu’elle a passé son enfance, puisque sa maman est éleveuse. Sarah apprécie l’ambiance « familiale » du monde de l’élevage.

« Homme ou femme, on a nos points forts et nos points faibles. Ce qui est difficile pour les femmes, c’est le port de charges lourdes. Mais je trouve toujours des solutions : prendre un bout de bois pour faire levier, utiliser le tracteur… Si j’ai des veaux à porter, soit je les cale sur mon dos, soit je prends une brouette ou le godet du télescopique. »

Sur la relation avec les bêtes, Sarah est persuadée qu’être femme est un avantage. « Je pense qu’on est un peu plus calmes. Je suis à l’aise avec les vaches et elles le sentent, elles savent à qui elles ont affaire ». Autre spécificité : « Nous, les femmes, sommes plus réfléchies, plus organisées. Les hommes travaillent plus "a biste de nas" (1). Nous essayons davantage de nous simplifier la tâche, notamment en cherchant à comprendre le fonctionnement de l’animal. »

Très engagée dans la promotion des métiers agricoles, Sarah n’envisage pas de s’installer dans un avenir proche : son métier actuel, incroyablement varié, lui convient très bien. Si un jour elle saute le pas, ce ne sera peut-être pas avec les races typiquement locales, comme la gasconne, la mirandaise, l’aubrac ou la blonde d’Aquitaine. Car grâce à ses expériences diverses, elle a craqué pour… « la charolaise » ! C’est une vache si calme et si brave ».

(1) De l’occitan, a vista de nas, à vue de nez, approximativement.

Sixtine Fauviot, directrice de la ferme expérimentale des Établières, La Roche-sur-Yon (85)

« Démystifier la difficulté et cultiver la relation avec les animaux »

 

 
<em class="placeholder">Sixtine Fauviot,  directrice de la ferme expérimentale des Etablières (Vendée)</em>
Sixtine Fauviot, directrice de la ferme expérimentale des Établières (Vendée) © Chambre d'agriculture Pays de la Loire

« J’ai été bien accueillie en arrivant à la tête de la ferme expérimentale des Établières, je n’ai pas senti spécialement de réticence. Le monde agricole n’est pas macho, il faut juste faire ses preuves », commente Sixtine Fauviot, qui dirige depuis quatre ans ce lieu de recherche et de formation de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.

« En tant que directrice, je ne suis pas toujours sur le terrain, mais lorsque j’y suis, je ne rencontre pas spécialement de limites physiques : nous avons la chance d’être bien équipés et mécanisés pour travailler de manière confortable et sécurisée. Je pense qu’il faut casser le mythe : ce n’est pas plus difficile de travailler avec des bovins viande qu’avec des bovins lait ou des ovins-caprins. Il faut surtout aimer marcher ! »

En dehors du matériel, les animaux sont l’autre grand levier de facilitation du travail en élevage. « On a la chance d’avoir un troupeau très habitué à des manipulations par des opérateurs différents et qui voit passer beaucoup de visiteurs. Ce sont des animaux curieux et calmes, qui nous suivent facilement. »

Si, selon elle, chacun a sa sensibilité, elle est convaincue que le relationnel avec les animaux est important. « Plus la relation avec les animaux est facile, plus on gagne du temps dans le travail. J’aime bien rappeler aux collaborateurs que Pauline Garcia vaccine ses animaux au champ. Le bien-être animal est intimement lié à celui de l’éleveur. »

Ces aspects très animaliers du métier devraient plaire aux jeunes filles et les attirer vers le métier d’éleveuse. Pourtant, Sixtine observe qu’elles ne sont pas nombreuses dans les classes qui viennent en visite à la ferme. Apparemment, ce n’est pas toujours facile pour elles de trouver leur place et leur légitimité dans les formations agricoles : chez certains ados, les vieux clichés ont la vie dure.

 

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