Des Salers en conduite intensive
Edouard et Georges Viaud sont les lauréats 2017 des Sabots d’or en race Salers. Ils élèvent 125 mères avec une conduite intensive du troupeau pour maximiser la valeur ajoutée.
Edouard et Georges Viaud sont les lauréats 2017 des Sabots d’or en race Salers. Ils élèvent 125 mères avec une conduite intensive du troupeau pour maximiser la valeur ajoutée.
A Bonnes, dans la Vienne, les premières Salers sont arrivées en 2000. « La tempête de 1999 a emporté le bâtiment d’élevage de l’époque. Mon père, qui conduisait un troupeau charolais de 40 mères en zéro pâturage et 100 % IA, a alors souhaité changer de race. Il a ainsi acquis 25 Salers pleines pour atteindre par croît interne 80 vêlages à mon installation en 2012 et également construit une stabulation de 1 000 m2 », explique Edouard Viaud. Le système était alors très extensif, les Salers disposant de 130 hectares d’herbe pour une SAU de 150 hectares. La surface disponible restant inchangée, le choix de l’intensification est alors décidé (augmentation du nombre de vêlages) et, désormais, pour garder un maximum de valeur ajoutée sur l’élevage, les jeunes bovins seront engraissés (80 places). Choix de changement conforté par l’arrivée sur l’exploitation en 2014 de son frère Georges. Leur père, Joël, prend alors sa retraite. Le Gaec de la Salers est créé. La surface en bâtiments a également été multipliée par trois en 2013 pour loger tous les animaux sous le même toit. En 2017, deux bâtiments avec panneaux photovoltaïques ont été construits pour le stockage des fourrages.
Une politique de reproduction intensive
« Entre 2000 et 2012, toutes les femelles ont été gardées pour le renouvellement. Aujourd’hui, on commence à prendre notre rythme de croisière. Le troupeau est conduit essentiellement en monte naturelle. On réalise entre 20 et 30 inséminations par an sur génisses, trois années sur quatre. Avec mon frère, on a voulu profiter de la race pour gagner en productivité », souligne Edouard Viaud. Dans cette optique, les éleveurs ont réduit l’âge de mise à la reproduction. L’âge au premier vêlage est passé de 35 mois en 2013 à 28 mois en 2017. Les génisses sont mises au taureau dès l’atteinte du poids objectif de 500 kilos et ce, quel que soit leur âge.
L’intervalle vêlage-vêlage représente le second point sur lequel les deux frères se sont penchés. Depuis trois ans, la mise à la reproduction après vêlage est rapide et stricte. « Les éleveurs ont ainsi un IVV moyen maîtrisé puisqu’il est de 347 jours en 2016 et 342 jours en 2017 (351 jours pour les primipares et 339 jours pour les multipares). Ce choix de mise à la reproduction précoce permet de gagner un mois d’IVV tous les ans. Le pic des vêlages a été avancé d’août à mai en trois ans. L’année des Sabots d’or, 46 vaches ont vêlé deux fois en un an soit 188 veaux pour 145 vaches présentes. Ainsi, le taux d’improductivité de l’élevage (par rapport à l’objectif d’un vêlage par vache et par an) est de 0 % et le gain de productivité de 10 % tous les ans. En fonctionnant de cette manière, Edouard et Georges Viaud obtiennent un veau supplémentaire sur la carrière de la vache », commente Vincent Vigneau, conseiller Bovins croissance de la Vienne.
Une conduite alimentaire adaptée
Les vêlages sont répartis sur l’année (20 % chaque trimestre) avec un pic (40 %) de mai à juillet. Des échographies sont effectuées entre 30 et 110 jours, « ce qui nous permet d’avoir les dates précises des vêlages et donc de rapprocher les animaux des bâtiments où les mises-bas ont lieu. L’alimentation des animaux a été adaptée. Les vaches sont en état toute l’année. Notre parcellaire étant très morcelé et difficilement pâturable partout, on a tendance à faire du stock avec pour objectif de rester au maximum autonome », notent les éleveurs. Les vaches disposent ainsi d’une alimentation à base d’ensilage d’herbe et de maïs et de foin. La ration des génisses est quant à elle composée d’ensilage d’herbe et de maïs et complétée par du foin de luzerne et des céréales. Les vaches sont vaccinées avant terme contre les diarrhées des veaux. Ces derniers le sont contre la grippe.
Le troupeau reste jeune compte tenu d’un taux de renouvellement élevé (29 %). De plus, la commercialisation des bêtes, en partie en label rouge, impose un âge limite. Rares sont les vaches de plus de 10 ans sur l’exploitation. La moitié des génisses est gardée pour le renouvellement. Elles sont sélectionnées sur index dès l’atteinte du poids objectif de 500 kilos. « L’IVMAT et l’ISEVR doivent être compris entre 100 et 104. On ne descend pas en dessous de 100. La docilité représente également un critère de choix. Les autres sont engraissées et abattues entre 28 et 36 mois. »
Apache, fils de Nestor, un taureau qui a marqué l’élevage
Sept taureaux sont présents en permanence sur la ferme, et chaque année, un taureau est renouvelé. Ils sont sélectionnés sur index comme pour les génisses et sur leur caractère. Pour les génisses, un taureau sans trop de gabarit est utilisé. « On recherche de la viande, sans pour autant dégrader le développement, de la croissance tout en surveillant le lait. Apache (fils de Nestor) est un taureau qui a particulièrement marqué le cheptel à sa création (ISEVR à 112, IVMAT à 105, DMsevr à 111, CRsevr à 112, DSsevr à 129). Il a eu 160 veaux sur sept campagnes. Il est passé par la station d’évaluation. On a gardé un de ses fils, Farouk (ISEVR à 104 et IVMAT à 100). Plus typé viande, ce taureau a eu 60 veaux sur quatre campagnes. Le petit fils d’Apache, Indien, est aujourd’hui en production sur l’exploitation. Ainsi, 60 % des femelles de l’élevage sont issues de cette lignée. »
Label rouge, vente directe, engraissement pour ramener de la valeur ajoutée
Le sevrage des veaux intervient à 7 mois (PAT à 210 jours de 282 kilos). La ration d’engraissement des taurillons est identique à celle de base des génisses de renouvellement. Les mâles sont contractualisés avec SVA-Intermarché. Ils sont abattus en moyenne à 16,5 mois, pour un poids carcasse de 401 kilos.
La vente en label n’autorisant pas les rations d’engraissement à base d’ensilage de maïs, les femelles sont engraissées avec de l’ensilage d’herbe, du foin de luzerne, du tourteau de colza et de la farine de maïs produite sur l’exploitation. Chaque année, 15 vaches et 15 veaux sont vendus en direct soit aux particuliers en colis sur le magasin à la ferme, soit à des cantines scolaires (écoles primaires, collèges). « Cet atelier a été lancé en 2006. C’est notre père qui s’en occupe. Aujourd’hui, il représente 10 % des volumes pour 15 % du chiffre d’affaires », explique Edouard Viaud. En trois ans, le poids carcasse des vaches de boucherie a augmenté de 30 kilos pour atteindre 435 kilos carcasse en 2017 (420 kilos pour les génisses). Le coût de production était en 2016 de 328 €/100 kg de viande vive.
Vincent Vigneau, conseiller Bovins croissance de la Vienne
« Un système d’une grande efficacité »
« Le rythme de croisière de l’exploitation étant tout juste installé, il est encore tôt pour percevoir certaines retombées sur l’élevage de la conduite mise en place par les frères Viaud (poids carcasse, âge à l’abattage, la production de viande vive a peu changé – 366 kilos vifs produits par UGB en 2016). Toutefois, on observe déjà une réduction drastique de l’IVV. Georges et Edouard Viaud ont su mettre à profit tous les indicateurs économiques qui font qu’une exploitation fonctionne. Leur élevage est aujourd’hui très efficace. Ils font confiance aux index. Ils ont mis en place un système le plus autonome possible. Et tout ceci en simplifiant le travail d’un point de vue temps et confort. »