Concours d'animaux de boucherie : Evron maintient le cap malgré les embûches
Si le Festival de la viande d’Evron souffre, comme les autres concours d'animaux de boucherie, d’une certaine désaffection, son ancrage dans la filière viande et sa popularité auprès de la population locale lui permettent de préserver l’essentiel.
Si le Festival de la viande d’Evron souffre, comme les autres concours d'animaux de boucherie, d’une certaine désaffection, son ancrage dans la filière viande et sa popularité auprès de la population locale lui permettent de préserver l’essentiel.


Le concours d’animaux de boucherie d’Evron, au cœur du Festival de la viande, a eu chaud cette année. Organisée en plein cœur d’une zone particulièrement affectée par la FCO depuis le mois de juin dernier, la compétition a bien failli ne pas avoir lieu. Il a fallu tout l’entregent du maire de la ville, Joël Balandraud – « je suis vétérinaire de profession, mes compétences ont sans doute aidé », estime-t-il- et du président du festival, le chevronné Jean-Yves Renard, pour parvenir à convaincre les autorités de maintenir l’événement et à mettre en place les mesures de précaution adaptées.
Alors qu'il célébrait cette année son 60e anniversaire, le concours, l’un des plus importants de l’année, y a cependant laissé quelques plumes. Pour des raisons sanitaires, les reproducteurs étaient quasiment absents. Globalement, le nombre d’animaux présentés a chuté : 295 présentés, contre 378 l’année dernière et 386 en 2023.
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Mais les raisons sanitaires n’expliquent pas tout, estime Joël Balandraud, très impliqué dans l’organisation. « La baisse du nombre de bovins viande présenté tient surtout à la conjoncture, avec des prix qui sont actuellement favorables à la ferme. L’intérêt économique est moindre pour les éleveurs ». Un diagnostic confirmé par Jean-François Carré, qui a remporté cette année le concours inter-races femelles. « S’il y a une différence de prix sur les premières places (jusqu’à 13€ à 16€ le kilo, Ndlr), elle est nettement moindre sur les bêtes arrivées en 5e ou 6e position, quand on intègre les coûts d’inscriptions et les frais sanitaires », explique le dernier représentant de cette famille d’éleveurs habituée au palmarès.
Pas de morosité et culture de l'excellence

Pour autant, l’ambiance n’était pas à la morosité au bord de l’Evre, loin de là. « Si l’on reste optimiste, c’est qu’il y une véritable culture de l’excellence qui s’est installée ici depuis des décennies, autour du concours mais aussi du Label Rouge Bœuf fermier du Maine et de l’AOP Maine-Anjou », estime Jean-Luc Lemaitre, vice-président du Festival et ancien éleveur. « Des producteurs de tout le bassin allaitant régional -de Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, parfois de l’Orne- viennent présenter leurs animaux et s’étalonner par rapport à leurs confrères », poursuit t-il. « Alors bien sûr on regrette le manque de renouvellement, mais ça reste solide ».
La force du concours d’Evron tient aussi au fait qu’il constitue un événement pour la filière viande tout entière. A proximité des stabulations, les entreprises privées et coopératives (Bigard, Elivia, SVA-Jean Rozé, etc.) tiennent des stands et vont à la rencontre de « leurs » éleveurs. Leur présence à l’achat aux côtés des grandes surfaces et des artisans bouchers - contribuent à maintenir la concurrence et à préserver des prix attractifs pour les éleveurs. « Pour certains industriels et coopératives, acheter des bêtes est clairement un moyen de récompenser certains fournisseurs de leur fidélité », estime un acheteur qui relève que « cette année encore, il n’y a pratiquement pas eu de bêtes invendues (5 au total). »
Enfin, la réussite tient enfin, bien sûr, au caractère populaire du Festival, qui a attiré en 2025 plus de 12000 personnes. « C’est un événement très largement médiatisé où se joue la rentrée politique pour les élus du coin », reprend Jean-Luc Lemaitre, du comité d’organisation. Au lendemain des concours, les manifestations festives se succèdent à un rythme élevé. Concerts, tombola et autre thé dansant alternent avec des événements liés à la filière viande : concours de « l’Entrecôte d’or » qui a vu la participation de dix bouchers et cinq restaurateurs venus de la Mayenne et de la Sarthe, défilé des animaux ou encore record « de la plus grande entrecôte de bœuf au monde » constituée de 400 entrecôtes (soit 132 kilos) installées sur une grille métallique de huit mètres carrés ! « Pour maintenir l’intérêt chaque année, Jean-Yves (Renard) est toujours à l’affut d’idées nouvelles », reconnait Jean-Luc Lemaitre. « C’est ça aussi qui explique le succès ! »
« Un événement économique, mais aussi social »

Pour Francis Fauchère, la visite au Festival d’Evron avait tout d’un retour aux sources. « C’est ici, chez Socopa Evron, que j’ai démarré ma carrière dans le secteur de la viande, au début des années 80 comme chef des ventes puis directeur commercial du site, avant de prendre, pendant dix ans, la direction de l’abattoir de cheville de Socopa au Mans ». Désormais patron -depuis près de 30 ans- de l’une des entreprises de viande en gros les plus réputées du Marché de Rungis -Eurodis-, le dirigeant est revenu avec une délégation de l’Académie de la Viande remettre un prix spécial. Il ne cachait pas son plaisir de voir que les acteurs locaux de la viande « s’impliquaient toujours autant dans le concours et le soutiennent ».
« Il y a un côté économique mais aussi social dans cette participation des entreprises », estime-t-il. « C’est une façon de fidéliser les éleveurs, à une époque où la concurrence est rude pour la matière première de qualité. » « Pour certains éleveurs, c’est presque un loto. Ils pensaient repartir avec 6000 €, et ils touchent le double, parfois de manière assez inattendue, car la demande était là. C’est bien car cela redonne le moral à tout le monde dans une conjoncture parfois difficile ! »
Le commerçant en gros, qui a acheté six animaux rouge des Prés cette année via ses confrères de Bigard, considère cependant que les prix de cette catégorie d’animaux « ne se sont pas envolés », au contraire de certaines viandes premium, notamment d’importation. « Mais ce sont des niveaux de prix qui commencent néanmoins à être compliqués à assumer pour un acheteur », poursuit-il. « Quand on arrive au-delà de 10€ le kilo, cela nécessite pour le boucher de chercher des biftecks partout dans la carcasse et d’être capable de les vendre le double, car il n’y a pas que de la côte et du filet ! Même si une plaque aide incontestablement à la vente, il faut que cela reste économiquement viable pour tout le monde. »