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Biosécurité : empêcher les maladies de circuler

Il y a des progrès à faire sur la biosécurité en élevage bovins viande. Sans viser des mesures drastiques, tous les élevages ont intérêt à installer des pratiques préventives pour une meilleure maîtrise de la circulation des virus, bactéries et parasites.

GDS France, la SNGTV et l’Institut de l’élevage ont engagé des actions de sensibilisation à la biosécurité en élevage bovin.
GDS France, la SNGTV et l’Institut de l’élevage ont engagé des actions de sensibilisation à la biosécurité en élevage bovin.
© Farago Sud-Ouest

La notion de biosécurité est relativement méconnue en élevage allaitant. Le mot est rébarbatif. Et le concept semble étranger à des élevages où les bâtiments sont ouverts, les veaux élevés avec des adultes, et le troupeau à l’extérieur une grande partie de l’année donc inévitablement en contact avec la faune sauvage.

La biosécurité n’est pourtant qu’une somme d’habitudes à mettre en place, les plus adaptées à la situation sanitaire et à la réalité propre à l’élevage, à l’aide d’un conseiller (vétérinaire, GDS, technicien…). Ces pratiques apportent une meilleure maîtrise de la santé du troupeau, avec à la clé des soucis en moins et des pertes économiques évitées.

La biosécurité est une approche préventive et globale. Elle comporte trois volets : la gestion des risques liés à l’introduction des maladies dans les élevages (intervenants, introduction d’animaux, gestion du matériel d’élevage, protection des aliments…), la gestion des risques liés à la diffusion des maladies au sein de l’élevage (flux des animaux, hygiène pour les soins…) et la gestion des risques liés aux transmissions en dehors de l’élevage (contacts entre animaux, abreuvement au pré, faune sauvage, gestion des effluents et risques de zoonoses…). L’ensemble des mesures ne rend pas impossible la diffusion des maladies, mais en se combinant, elles en réduisent significativement les risques, voire les conséquences.

Une thématique qui prend de l’importance

« La notion de biosécurité prend de l’importance avec la Loi de santé animale, qui place la santé des animaux sous la responsabilité des éleveurs (mais aussi celle des négociants et transporteurs) », explique Floriane Boucher de GDS France. S’il n’y a pas de changement de la réglementation française « dans les tuyaux » pour les élevages de ruminants pour l’instant sur ce point, GDS France, la SNGTV et l’Institut de l’élevage ont engagé des actions de sensibilisation à la biosécurité.

Le début de cette démarche date d’ailleurs de 2015, dans le cadre du premier plan Ecoantibio. Le plan de relance y dédie un de ses volets avec le pacte biosécurité - bien-être animal sur la période 2021-2023, avec des aides à l’investissement. Et la biosécurité est déjà un axe prioritaire dans le plan de lutte national contre la tuberculose bovine. Les élevages foyers de tuberculose et les cheptels en lien de voisinage doivent désormais suivre une formation « biosécurité tuberculose ».

Avoir de bonnes clôtures fait partie de la biosécurité.

 

« GDS France a construit récemment en lien avec la SNGTV plusieurs outils sur la biosécurité en élevage bovin », présente Floriane Boucher. Une grille d’auto-évaluation est disponible sur le site de GDS France. Elle permet en quelques minutes une première approche de la situation de son élevage, pour voir quels sont les points qui sont maîtrisés et ceux qu’il faut améliorer. « Nous proposons également un "MOOC", (formation en ligne accessible gratuitement à tous), sur la biosécurité en élevage bovin. » D’une durée totale de trois heures, en six chapitres, et à suivre chacun à son rythme, il permet de s’approprier toutes les connaissances techniques sur la biosécurité.

Le suivi de ce Mooc peut constituer la première étape d’une formation plus complète organisée par le GDS en présentiel, favorisant les échanges de bonnes pratiques entre éleveurs. Un guide des bonnes pratiques et une plaquette sont aussi téléchargeables gratuitement.

Beaucoup de progrès à faire

De l’avis de nombreux interlocuteurs, il y a beaucoup de progrès à faire sur la biosécurité en élevage bovins viande. En particulier les flux de personnes, la gestion des cadavres et produits du vêlage, et les introductions d’animaux peuvent constituer des points faibles. « Les mouvements d’animaux ont été trop banalisés, analyse Jocelyn Amiot, vétérinaire du GTV Bourgogne-Franche-Comté. La réglementation a évolué au fil du temps pour plus de fluidité dans les échanges commerciaux. Elle s’est allégée avec des dérogations notamment pour les achats de reproducteurs. Au fil des années, des pratiques qui ne correspondent pas aux recommandations de la biosécurité se sont installées, et il n’est jamais facile de remettre en question ses habitudes. »

Un autre facteur qui a probablement participé à cette situation est la mise aux normes environnementales il y a une vingtaine d’années. Beaucoup de bâtiments ont été construits à cette période sans que la dimension biosécurité n’y soit intégrée. « La plupart des bâtiments n’avaient pas à l’origine de local technique avec un chauffe-eau, ni même un robinet d’eau pour pouvoir se laver les bottes. Et avec beaucoup de stabulation sur litière accumulée, dans le but d’économiser la paille de litière dont le coût est devenu régulièrement limitant, l’hygiène générale peut être insuffisante », explique-t-il aussi. La gestion des nuisibles (rongeurs, mouches, oiseaux…) se perd aussi un peu dans certaines exploitations.

L’augmentation de la taille des cheptels et de la productivité du travail des éleveurs sur ces vingt dernières années joue aussi très certainement. Du fait du manque de main-d’œuvre, certaines tâches pour l’hygiène générale peuvent passer au second plan car il y a toujours des urgences à gérer. Par exemple, c’est le cas avec des vêlages très groupés, en rafales, dans un grand troupeau. « Si de temps en temps, on ne nettoie et désinfecte pas le box entre deux vêlages, ça peut passer. Par contre si cela devient une habitude, le risque de maladie est présent, constate Jocelyn Amiot. Nettoyer la vêleuse après chaque utilisation est vraiment important. »

D’autre part, beaucoup de choses se font en confiance, sur parole, dans le milieu de l’élevage allaitant, et malheureusement les éleveurs ne sont peut-être pas toujours conscients des risques sanitaires qu’ils prennent. « Il règne un certain silence sur les pépins de santé qui tournent dans les élevages », observe Béatrice Mounaix, de l’Institut de l’élevage, qui a mené une enquête et des travaux de groupe avec des éleveurs sur la biosécurité en 2017. Il n’est pas facile de demander aux voisins qui viennent donner un coup de main, ni aux acheteurs qui passent d’une case à l’autre pour voir les animaux de différentes catégories à acheter, si leurs bottes sont vraiment propres. Pas facile non plus de systématiquement lever les pieds d’un animal qu’on achète avant qu’il n’arrive chez soi, pour ne pas introduire la maladie de Mortellaro. « Tous les éleveurs auraient intérêt à partager les informations sanitaires. Mais seuls les vétérinaires sont au courant, et ils sont tenus au secret professionnel », explique Béatrice Mounaix.

« Il manque aussi de l’innovation pour la biosécurité. Par exemple, il n’existe rien de pratique pour avoir un pédiluve toujours opérationnel sans que ce ne soit coûteux et fastidieux à entretenir, constate Béatrice Mounaix. D’autre part, la notion de biosécurité se comprend mieux en élargissant sur l’approche globale de la santé du troupeau, qui inclut tout ce qui influe sur la qualité de l’immunité : l’équilibre de la ration, l’abreuvement en quantité et qualité, l’ambiance dans le bâtiment, le colostrum, la gestion des stress aux différentes étapes de la vie des animaux… » Le projet Depabios (Démarche participative pour améliorer la biosécurité) piloté par l’Institut de l’élevage sur trois ans démarre actuellement. Il rassemble tous les acteurs de terrain autour de la biosécurité pour les ruminants et vise à faciliter le changement de pratiques avec construction d’une boîte à outils adaptée aux besoins des éleveurs.

Adopter le principe de la marche en avant

« La marche en avant permet d’abaisser le niveau de contamination et préserver de bonnes conditions sanitaires », explique GDS France dans son Mooc biosécurité. Cela consiste à organiser ses déplacements en allant du secteur le moins à risques - « le plus propre » - vers le secteur le plus à risques - « le plus sale ». Le premier niveau de la marche en avant est ainsi de commencer par soigner les animaux les plus jeunes, qui sont les plus sensibles, avant d’aller s’occuper des adultes sains, puis d’aller soigner ceux qui sont en quarantaine et enfin ceux qui sont à l’infirmerie. Si l’on doit revenir sur ses pas, il faut laver ses bottes et ses mains.

« La marche en avant, c’est aussi en élevage bovins viande alloter les vaches par date de vêlage, ce qui se fait aussi pour plusieurs autres raisons (repro des mères, suivi des croissances des veaux…) », explique Jocelyn Amiot, vétérinaire du GTV Bourgogne-Franche-Comté. Cet allotement étant à faire au moins six semaines avant la date présumée du vêlage pour ne pas perturber le microbisme des vaches juste avant les naissances. « C’est aussi ne pas utiliser un godet qui a servi à curer pour distribuer les rations sans l’avoir nettoyé, et ne pas marcher dans l’auge en venant de la litière souillée. »

Le plan de biosécurité : un document ressource

Le plan de biosécurité n’est pas obligatoire en élevage bovin. GDS France met à disposition le formulaire dans le cadre de son Mooc et de la formation biosécurité. Il consigne la sectorisation de l’élevage, la gestion des flux (tout ce qui entre et ce qui sort de l’exploitation), et les procédures d’hygiène : plan de nettoyage et désinfection de la zone d’élevage, plan de gestion des sous-produits animaux, lutte contre les nuisibles, protection vis-à-vis de la faune sauvage, nettoyage de la bétaillère, gestion des boxes de vêlage, flux de bovins à l’intérieur du troupeau.

Les plans de biosécurité sont déjà obligatoires pour les filières volaille et porcs, dans le cadre de la lutte contre la grippe et la peste porcine.

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