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« Avec un chargement conséquent, on s’interroge sur notre système fourrager »

Conduites avec un niveau de chargement important, les 200 limousines du Gaec Benoît dans l’Indre ont une ration largement basée sur l’ensilage d’herbe récolté précocement. Fétuque, méteil, luzerne et trèfle violet sont incontournables pour constituer le stock fourrager.

À Palluau-sur-Indre, les prairies tendent à céder la place aux cultures. Au Gaec Benoît, c’est loin d’être le cas. Les 200 mères limousines sont la production phare d’une exploitation qui trouve son équilibre dans la polyculture associée à l’élevage. Leur sélection est certes une passion mais elle est bien valorisée dans la mesure où elle permet de vendre la moitié des mâles et la même proportion de génisses pour la reproduction : autour d’un an pour les mâles et 30 mois pour les génisses.

Le niveau de chargement est conséquent. Il avoisine les 2,2 UGB/ha SFP. En ce début de printemps, la hausse des intrants est forcément suivie de très près. Pas question pour autant -du moins pour l’instant- de remettre en question dans l’urgence les conduites bien calées tant de l’élevage que du système fourrager.

« Le prix des engrais azotés pourrait nous inciter à en mettre moins, mais cela se traduirait par un recul des tonnages récoltés, une date de fauche probablement plus tardive et donc une baisse de la valeur alimentaire des fourrages », analyse Vincent Benoît en Gaec avec Rikke son épouse. Le risque serait également de reculer la date de semis du maïs derrière les méteils et donc de le pénaliser puisqu’il n’est pas irrigué.

Dans ces conditions, cela se traduirait davantage comme une fausse économie susceptible d’être payée cher quelques mois plus tard. Comme pour tous les agriculteurs, le nouveau contexte agricole amène forcément les associés à se poser de nombreuses questions. Mais ils se gardent bien de prendre des décisions hâtives.

Tréfle violet pour la finition

Qu’ils soient ensilés, enrubannés ou fanés, les stocks fourragers reposent d’abord sur la fétuque élevée, la luzerne, le trèfle violet, le méteil et l’ensilage de maïs. Pratiquement toutes les surfaces en herbe sont fauchées au moins une fois par an.

Les prairies sont principalement des temporaires. Elles sont pour la plupart composées de fétuque. « Après avoir un peu tout essayé c’est l’espèce la mieux adaptée à nos sols avec une bonne tenue lors des étés secs. L’important est de l’utiliser au bon stade. On la sème en pur. Jusqu’à présent les prairies bénéficiaient de 250 kg d’ammonitrate apportés en deux passages en fin d’hiver puis 150 kg après la première coupe et 100 kg après la seconde. »

Autre fourrage important : une association luzerne + fétuque sur 15 hectares. « C’est une bonne solution pour faire de la protéine avec un niveau de production appréciable même en période sèche. Sur le silo on la dispose en couche comme pour un sandwich. Je n’entends pas lui consacrer davantage de surfaces car ce n’est pas l’idéal pour la pâture. » La première coupe est ensilée. Les deux suivantes sont généralement fanées. La dernière est pâturée en septembre octobre par des vaches récemment vêlées tant que la portance n’est pas facteur limitant. Ces prairies restent cinq à six ans avant d’être retournées.

Autre légumineuse clé : 7 ha consacrés au trèfle violet toujours semé en pur, jamais pâturé. Excellente tête de rotation, il est semé sur des parcelles jamais pâturées où il reste deux ans. Les trois coupes sont enrubannées (fin mai, début juillet et début septembre) et presque exclusivement utilisées pour la finition des vaches. « C’est très appétent. On le distribue à volonté avec une dérouleuse. C’est pratique car une forte proportion des vaches sont finies en cours d’été. » Associé à de l’orge aplati (4 à 5 kg/tête) et un peu de complémentaire les dernières semaines avant abattage, cet enrubannage évite d’ouvrir un silo et donc d’avoir une ration qui chauffe en été.

128 hectares ensilés en première coupe

Enfin depuis quatre ans, un méteil est systématiquement semé fin septembre début octobre sur les parcelles précédemment occupées par une céréale ou une prairie qui seront semées avec du maïs au printemps suivant. « On utilise une association seigle fourrager (45 kg) + triticale (60 kg) + vesce velue (25 kg). »

Le principe est de semer tôt pour récolter tôt et ne pas pénaliser le maïs qui suivra. La qualité et la valeur alimentaire sont prioritaires par rapport aux tonnages d’autant que cet ensilage de fétuque et méteil récolté en première coupe réparti dans deux silos est le pivot du système fourrager. « L’an dernier, on a ensilé 128 hectares de prairie, méteil et association luzerne + fétuque. » La première coupe a été réalisée le 7 avril et les suivantes en fin de mois avant que la pluie ne revienne. « C’est la première fois que l’on ensilait aussi tôt. Cette année, la première coupe a eu lieu le 14 avril. » L’herbe est récoltée avec une autochargeuse de 56 m3 en principe deux à trois jours après la fauche.

« Cela dépend de la météo et du temps plus ou moins séchant. Si on fauche un lundi, on andaine le mardi et on passe l’autochargeuse le mercredi. » Le maïs est semé dans la foulée après un travail du sol superficiel. Il occupera 10 ha cette année. « J’ai également semé 1,5 hectare de fétuque et 1 hectare de luzerne sous couvert d’un méteil pour 'essayer'. Les résultats me semblent bons. » Un peu de sursemis a également été réalisé à l’automne dans une prairie permanente sur sol filtrant. La flore avait été dégradée par les deux sécheresses de 2019 et 2020.

Fertilisation et gestion du pâturage

Pour compléter les stocks et dans le cadre des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) des dérobées sont semées derrière les céréales. « C’est avec le sorgo fourrager que nous avons jusqu’à présent obtenu les meilleurs résultats. J’ai déjà fait du moha + trèfle et du teff grass. J’ai été déçu avec ce dernier. »

Avec ce sorgho, l’objectif est de faire une coupe d’enrubannée pour conforter les stocks destinés à la cinquantaine de génisses de 2 ans hivernées en plein air avec enrubannage en libre-service. Une cinquantaine d’hectares de foin sont réalisés chaque année essentiellement en seconde coupe.

Les réflexions du moment portent sur une baisse de la fertilisation azotée et sur une évolution de la gestion du pâturage. « Réduire la fertilisation signifie forcément diminuer le chargement. Ma volonté n’est pas de tout révolutionner. Il faut voir comment cela fonctionne dans le nouveau contexte avant de tout remettre en question. » La dimension de l’élevage se traduit également par la production d’importantes quantités de fumier. « On met chaque année 12 tonnes par hectare en fin d’été sur l’ensemble de nos parcelles en herbe et sur une bonne partie des surfaces en culture. C’est un atout pour diminuer le coût de la fertilisation. »

Chiffres clés

200 vaches limousines

289 ha de SAU dont 120 de cultures (blé, orge, colza, tournesol et maïs), 149 de prairies temporaires et 20 de prairies naturelles

3 UTH dont un salarié

Mises à l’herbe tardives

Une bonne partie des différents lots ne sont mis à l’herbe qu’en mai. Une partie des veaux sont alors déjà sevrés.

Compte tenu du fort chargement la mise à l’herbe est tardive. Une grosse partie des vaches ne sortent que début mai et seulement une partie d’entre elles sont accompagnées de leur veau. Dans la mesure où la quasi-totalité des prairies sont ensilées en avril, les lots passent pour la plupart directement sur des secondes coupes avec pratiquement aucun risque lié à un défaut de portance des sols. Les lots sont en pâturage tournant avec changement de parcelles tous les cinq à six jours. Une fois tous les veaux sevrés, les vaches taries sont réallotées par lots d’une quarantaine selon les dates prévisibles de vêlages. « C’est du travail mais par la suite cela simplifie réellement la surveillance des vêlages. »

Les vaches suitées rentrent début novembre. À l’automne les dernières repousses sont utilisées par le lot de génisses de renouvellement et les quelques vaches en vêlage tardif. Une fois en bâtiment, l’outil de base pour distribuer les rations est une mélangeuse de 30 m3. « En données brutes, la ration se compose pour une vache de 3 kg de paille, 1 kg de foin, 22 kg d’ensilage d’herbe à 40 % de MS et 10 kg d’ensilage de maïs à 35 % de MS." Au fur et à mesure que l’hivernage avance et que la mise à l’herbe se rapproche, la part du maïs diminue et il est remplacé par autant de paille. En hiver à côté du bon foin de fétuque de seconde coupe en libre-service, les veaux sont complémentés mais rationnés. Triées selon leur sexe dans les cases, les femelles ont 800 g/tête d’un mélange orge + maïs grain aplati et les mâles 2,6 kg du même mélange associé à un complémentaire.

Conduite d’élevage rondement menée

Les vêlages démarrent mi-août et fin octobre 90 % des veaux sont nés. De mi-juillet à début septembre, l’herbe pousse peu et explique aussi ce choix du vêlage de début d’automne pour faire coïncider ces faibles disponibilités en herbe avec les besoins alimentaires plus modestes de vaches en fin de gestation. Une grosse partie des vaches sont inséminées par l’éleveur avec tout un travail d’introgression du gène sans cornes démarré voici 20 ans. La cinquantaine de génisses de 2 ans destinées au renouvellement du cheptel sont en monte naturelle car hivernées en plein air. Les mâles non retenus pour la reproduction partent en broutards alourdis à 9-10 mois autour de 450 kg.

Jean-Baptiste Quillet, conseiller spécialisé bovin viande à la chambre d’agriculture de l’Indre

« Avec un chargement conséquent, on s’interroge sur notre système fourrager »

"Réaliser des projections économiques précises"

« Ramené à l’hectare, le niveau des charges (fertilisation et mécanisation) est important mais le nombre de kilos produits est conséquent et ils sont bien valorisés compte tenu du niveau qualitatif du cheptel. Ce système demeure donc cohérent. Il a jusqu’à présent permis d’obtenir de bons résultats économiques. Actuellement Vincent s’interroge pour mettre en place du pâturage tournant dynamique. Il ne pourra concerner qu’un nombre de lots limités compte tenu de l’importance du cheptel. Pour les années à venir, les interrogations portent également sur le possible intérêt de « désintensifier » un système gourmand en main-d’œuvre, forcément fragilisé par la forte hausse des intrants. Passer de 2,2 à 1,6 ou même 1,8 UGB/ha de SFP nécessitera de réaliser des projections économiques précises. »

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