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Agrivoltaïsme : menace ou opportunité pour les éleveurs

L’agrivoltaïsme fait beaucoup parler de lui tant il divise. Engouement de la part de certains, opposition farouche des autres, il se situe au cœur de deux enjeux majeurs, celui de la souveraineté alimentaire et celui de la souveraineté énergétique.

agrivoltaïsme TSE
La canopée fait partie des technologies développées qui pourront accueillir des bovins en dessous.
© TSE

Si le photovoltaïsme (PV) a, depuis de nombreuses années, trouvé sa place sur les toitures ou les zones non agricoles telles que les friches industrielles, il cherche désormais sa place au sol. La programmation pluriannuelle énergétique (PPE) de 2018 a en effet fixé des objectifs très élevés de production d’énergie issue du photovoltaïsme. Il s’agit de la multiplier par cinq en dix ans. Dans cette perspective et compte tenu du potentiel très limité des toitures et autres zones non agricoles pas toujours disponibles, il a été décidé d’étendre les possibilités de centrales PV sur les zones agricoles.

D’où l’apparition des concepts d’agrivoltaïsme ou d’agrisolaire. Pour faire simple, il s’agit d’associer la présence de panneaux PV à des productions agricoles. Si les éleveurs ovins ont été les premiers à être sollicités pour implanter des parcs photovoltaïques au sol, les sociétés spécialisées ont aussi développé des systèmes compatibles (haies solaires, trackers, ombrières, canopées…) avec d’autres productions agricoles. Ils incluent des panneaux plus en hauteur ou disposés verticalement pour le passage des outils ou des bovins. Sur le terrain, les projets individuels ou collectifs émergent.

Des interrogations techniques

Or, ces nouvelles installations ne sont pas sans interroger la profession agricole. Cette dernière reste assez partagée, malgré le feu vert donné par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023 au projet de loi d’accélération des énergies renouvelables (AER) qui introduit la définition de l’agrivoltaïsme proposée par l’Ademe (voir encadré). Ce texte, issu d’un compromis trouvé en Commission mixte paritaire le 24 janvier dernier a été définitivement adopté au Sénat le 7 février. L’encadrement de cette technique est avant tout en place pour éviter les excès et les mauvaises pratiques.

« Un certain nombre de craintes sont exprimées, notamment vis-à-vis du risque de détournement du foncier agricole, de spéculations (qui pourrait entraîner des stratégies de rétention du foncier à la fin des baux), de son artificialisation, de substitution des productions agricoles par celle de l’énergie, mais également en matière d’impacts sur les animaux, les sols, la biodiversité, l’herbe, le travail… », souligne Jérôme Pavie, en charge du dossier à l’Institut de l’élevage. Il est donc nécessaire d’examiner toutes ces interrogations techniques, économiques et sociales avec précision. « Des sites pilotes sont en cours de montage pour essayer de répondre à ces questions », souligne Cyrille Bouhier de l’Ecluse de la société Photosol.

L’enjeu est donc d’arriver à maintenir une activité agricole sous les centrales PV alors que la rente énergie proposée par certaines entreprises peut être disproportionnée par rapport à la rémunération de l’activité agricole. L’écrasement du bail rural par la signature d’un bail emphytéotique suscite également quelques appréhensions.

La réversibilité des structures pose également question. Il faut éviter les pieds en béton et privilégier les pieds battus. Il y a aussi toujours un peu de travaux d’enfouissement. N’oublions pas l’impact paysager.

L’effet bénéfique des PV prôné par les développeurs face au réchauffement climatique est à prendre avec des pincettes car les projets ne concernent qu’une petite partie de l’exploitation.

Pour réussir le couplage entre les activités, il faut bien prendre en compte la future présence des animaux dans les centrales. « On travaille au cas par cas. Chaque projet bénéficie d’une étude spécifique », remarque Philippe Rollet du groupe Qair.

Un projet voltaïque doit être mûrement réfléchi

Il y a aussi un grand nombre d’entreprises actives sur ce secteur (plusieurs dizaines), parfois très nouvellement investies sur le photovoltaïsme et aux modèles économiques très variables. « Il est préférable d’aller vers celles qui ont le plus d’expérience et d’antériorité mais aussi leur propre volet de R & D pouvant assurer un suivi et un conseil agricole », prévient Jérôme Pavie.

Toutefois, « pour atteindre les objectifs de la PPE, il s’agirait de mobiliser entre 20 000 et 40 000 hectares de terres agricoles pour la production d’énergie solaire, ce qui reviendrait à consacrer moins de 1 % des terres agricoles françaises à la production photovoltaïque. La surface que pourraient prendre les parcs photovoltaïques au sol reste donc relativement limitée comparativement à d’autres usages du sol », rassure Jérôme Pavie.

« La rentabilité économique du projet dépend de sa dimension et de la distance de la centrale au poste source pour relarguer l’énergie. En France, la capacité des réseaux à accueillir des énergies supplémentaires a tendance à être restreinte et les postes sources ne sont parfois pas assez nombreux (+ de 100 000 euros le kilomètre de raccordement) », observe Vincent Vignon, de la société GLHD. La rémunération de l’éleveur dépendra donc de ce critère. Enfin, « si l’altitude n’est pas une contrainte, la pente si. Il est difficile d’implanter une centrale au-delà d’une pente de 10 à 15 % », note Aubin Prud’Homme, de Neoen France.

Pour les professionnels agricoles, la question est de savoir si cette diversification possible doit être considérée comme une chance, une opportunité de développement ou bien comme une menace sur la destination des sols et la pérennité des productions agricoles.

L’agrivoltaïsme bénéficie d’un cadre juridique

Par définition (1), une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien d’une production agricole.

Pour être considérée comme tel, une installation doit apporter directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif une production agricole significative et un revenu en étant issu :

- l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques,

- l’adaptation au changement climatique,

- la protection contre les aléas ou encore l’amélioration du bien-être animal.

Ne peut être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porterait « une atteinte substantielle » à l’un des services évoqués ci-dessus ou « une atteinte limitée à deux de ces services ». Également, une installation qui ne permet pas à la production agricole d’être activité principale à la parcelle agricole et/ou n’est pas réversible sort également de ce champ d’application.

(1) Extrait de la définition inscrite au Code de l’énergie, par l’article 11 décies du projet de loi de production d’énergies renouvelables.

La filière se structure avec le lancement d’associations

L’association France agrivoltaïsme, créée en juin 2021, est la première dédiée à l’agrivoltaïsme en France pour défendre et promouvoir cette nouvelle filière et tous ses acteurs. « Notre rôle est de diffuser un agrivoltaïsme éthique et durable, accessible à tous », souligne Ronald Knocke, de l’association.

La Fédération française des producteurs agrivoltaïques, créée en décembre 2021, est une initiative composée de dix associations d’agriculteurs, porteuses de projets agrivoltaïques à la recherche de réponses. « Depuis, d’autres exploitants, énergéticiens et développeurs du secteur ont déjà témoigné leur volonté de rejoindre la FFPA pour soutenir les agriculteurs dans la réalisation de leurs projets et favoriser le développement de l’agrivoltaïsme en France », explique Quentin Hans, de l’association.

Un observatoire national de l’agrivoltaïsme

« Pour appuyer son développement, nous sommes en train de monter un observatoire national de l’agrivoltaïsme avec l’Ademe, l’Inrae et l’Institut de l’élevage. L’objectif est de cadrer l’acquisition de références, de manière à mutualiser les expériences, les observations, à consolider les connaissances et avoir des protocoles de suivis homogènes », présente Martin Gerber, chambres d’agriculture France (CAF). Par ailleurs, une doctrine commune FNSEA APCA JA a été rédigée. Son ambition : éviter les projets « alibis » de photovoltaïques sur terres agricoles, contre lequel le CAF se positionne fermement.

Le saviez-vous

L’Institut de l’élevage a répondu, dès 2019, à des sollicitations d’entreprises qui cherchaient à réussir au mieux ce couplage entre agriculture et énergie. En décembre 2021, un guide sur l’agrivoltaïsme appliqué à l’élevage des ruminants a été édité. Disponible gratuitement sur le site de l’Idele (www.idele.fr), il présente toutes les recommandations et bonnes pratiques en détail. Une nouvelle version devrait être publiée prochainement.

La plateforme verte a également fait un guide des bonnes pratiques sur le sujet. L’Ademe propose également son propre livret.

 

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