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Bovins viande : « Je veux vivre de mon métier »

À Beaufort-en-Anjou dans le Maine-et-Loire, Stéphanie Mocques-Goure a transformé en profondeur son système pour réussir à se dégager un revenu. Pari réussi avec son système bio pâturant.

Il était essentiel pour Stéphanie Mocques-Goure de pouvoir vivre de son métier. Aussi, quand en 2017, cinq ans après son arrivée sur l’exploitation familiale à Beaufort-en-Anjou, les annuités étaient supérieures à l’EBE, elle a totalement repensé son système. Elle a alors choisi de donner la priorité à l’élevage dans un système pâturant, de passer en agriculture biologique et de se pencher sur les charges de mécanisation. « À mon installation en 2012, je sortais d’un parcours de dix ans en pépinière. J’ai dû tout apprendre. À l’époque, on privilégiait les cultures (maïs semences, haricots, fleurs, millet…) et non le cheptel de 25 mères allaitantes. Le départ en retraite de mon père en 2017 a été le déclic », se remémore l’éleveuse.

Les parcelles de maïs semences ont laissé place à de l’herbe ou à de la luzerne. Les cultures encore présentes sont désormais autoconsommées par le troupeau de 65 mères Rouge des prés. La part de la surface fourragère est ainsi passée de 26 % à 90 % en cinq ans.

 

Stéphanie Mocques-Goure a réalisé un gros travail de mise en place de clôtures. Seuls 30 hectares étaient clôturés en 2015, aujourd’hui 100 le sont. Son objectif est d’atteindre 95 % de parcelles clôturées d’ici deux ans. De son parcellaire morcelé, l’éleveuse a réussi à en faire un atout. Chaque îlot dispose de prairies temporaires ou naturelles, de luzerne et d’une parcelle de cultures (triticale, pois ou féverole). Les transferts en bétaillère restent toutefois une contrainte.

Un système pâturant économe

Dans sa quête d’un système pâturant économe, l’éleveuse essaie d’allonger toujours plus la saison de pâturage. « Je préfère de loin sortir mes piquets plutôt que mon tracteur. Les vaches font très bien le travail ! », souligne Stéphanie Mocques-Goure. Les animaux sortent au plus tôt, dès fin février-début mars et rentrent le plus tard possible. « Plus j’avance dans le temps, plus je réduis l’hivernage. J’économise ainsi sur les achats de paille que je suis contrainte de faire chaque année. »

 

 

L’éleveuse privilégie le pâturage pour réduire au maximum les stocks, limiter le travail avec du matériel et atteindre l’autonomie alimentaire. Une seule fauche est réalisée, ensuite ce sont les vaches qui interviennent en pâturage tournant. Même les parcelles de luzerne sont pâturées, entre une et trois fois par an. Une meilleure gestion de l’herbe permet, selon les années climatiques, de passer le trou d’été avec peu ou pas d’apports au champ. En 2019-2020, 2,2 tonnes de matières sèches par UGB ont été récoltées et distribuées contre 1,9 tonne en 2021, toujours dans l’objectif de développer le pâturage.

De nombreuses prairies ont été réimplantées. « Je sème des prairies multiespèces. J’essaie de m’adapter à mes différents sols. Généralement, je pars sur une base fétuque, trèfle blanc, trèfle violet qui fonctionne bien sur l’exploitation. Mon objectif est d’avoir des hectares productifs. »

Des périodes strictes de vêlages

La place en bâtiment étant insuffisante pour accueillir l’ensemble du troupeau, une partie des bêtes est hivernée dehors. La mise en place d’une double période de vêlages vient également répondre à cette problématique. Les vêlages de septembre-octobre profitent du bâtiment durant l’hiver, alors que les femelles gestantes sont hivernées à l’extérieur. Ces dernières bénéficient des bâtiments à la mise à l’herbe précoce des mères et de leur suite. Intervient alors, la seconde période de mises bas, entre mars et avril. Stéphanie Mocques est très stricte sur la durée des deux périodes de vêlages. Elle ne doit pas excéder deux mois. Pour atteindre ce résultat, un gros travail a été réalisé, sachant que cinq ans avant, il n’existait qu’une période de vêlages, s’étalant de septembre à mars.

Si aujourd’hui la sélection génétique n’est pas une priorité pour l’éleveuse, les taureaux présents sur l’exploitation sont toutefois acquis chez un sélectionneur du département. L’exploitation est conduite en 100 % monte naturelle. « J’ai deux taureaux, un pour les vaches et un pour les génisses. Un troisième devrait prochainement rejoindre le cheptel pour les primipares qui remplissent moins bien. » Son choix se porte, historiquement sur des taureaux non porteurs du gène culard pour avoir des vêlages faciles.

Un suivi échographique entre 35 et 40 jours après la mise à la reproduction permet de mettre les réformes à l’engraissement sans perdre de temps. « Je laisse les veaux avec leurs mères. J’en commercialise 10 par an, en vente directe à 6-7 mois. » Tous les animaux sont engraissés et commercialisés pour la grande majorité, en direct (drive, vente directe, magasins de producteurs, collectivités) soit en moyenne une bête par semaine.

Un système alimentaire simple

Les mâles sont engraissés pour faire des bœufs. Les génisses sont pour l’instant toutes gardées pour le renouvellement. Les rations sont simples mais fonctionnent. Avant vêlage, les futures reproductrices disposent de foin de prairies ou d’un peu de foin de luzerne. Après la mise bas, elles ont du foin de prairie et de luzerne, ainsi que de l’enrubannage de luzerne de première coupe. Les meilleures coupes sont gardées pour l’engraissement. Cette catégorie dispose également d’un mélange triticale pois broyé. Les génisses sont à l’enrubannage de luzerne, les veaux femelles d’un an ont de l’enrubannage et du foin d’herbe et un kilo de céréales. Les veaux mâles sont hivernés dehors avec foin et/ou enrubannage suivant les stocks.

Les performances du troupeau ont bien progressé en cinq ans. À titre d’exemple, les bœufs sont actuellement commercialisés huit mois plus jeunes et pèsent 20 kg carcasse de plus. Les bœufs de printemps n’ont pas de concentrés. Ceci est obtenu grâce à l’amélioration des qualités maternelles et à une meilleure gestion du pâturage.

« Des vaches plus rentables que les cultures »

Chiffres clés

65 mères Rouges des prés, système naisseur-engraissement de bœufs

150 ha dont 114 de prairies (41 de prairies permanentes), 16 de triticale-pois-féverole et 20 de luzerne

1 UTH + 1 apprenti

378 jours d’IVV

1 UGB/ha de SFP

30 mois âge au premier vêlage

12 % de mortalité des veaux

40 % de taux de renouvellement

0,94 veau sevré par vêlage

Un seul tracteur de 100 ch sur l’exploitation

Depuis 2017, Stéphanie Mocques-Goure traque les charges de mécanisation. Sur les quatre tracteurs alors présents, deux ont été vendus ainsi que la moissonneuse et les deux charrues. Ces ventes ont permis le renouvellement du vieux matériel de fenaison (faucheuse, faneuse, andaineur). La presse, l’enrubanneuse et l’épandeuse sont en Cuma. Le semoir combiné avec herse rotative a, quant à lui, été conservé. Il y a deux ans, l’éleveuse a revendu son tracteur de 140 ch pour n’en conserver qu’un seul de 100 ch sur l’exploitation. « J’en loue un à la journée pour les travaux nécessitant une puissance plus importante (épandage, cover-crop et semis). Le calcul a été rapide. Je paye 25 euros de l’heure contre 8 000 euros d’annuités précédemment. Je fonctionne très bien avec un seul tracteur. Dételer et atteler, ça ne prend que 5 minutes. » Au final, le coût de la mécanisation s’élève à 117 euros/100 kg vifs et l’EBE est désormais largement supérieur aux annuités.

Avis d’expert

« Un bel exemple de changement de système »

 

Alexis Kupperroth, conseiller viande à Seenovia

 

« Stéphanie Mocques-Goure a su construire en cinq ans, un système bovins viande pâturant économiquement rémunérateur. C’est un bel exemple de réussite. Grâce à des objectifs clairs, elle a su inscrire son exploitation dans un cercle vertueux qui inclut économies sur les charges de mécanisation, pâturage, autonomie et valorisation maximisée de sa production (vente directe, ouverture d’un magasin de producteurs en octobre). Sa présence dans un groupe d’éleveurs bovins viande Seenovia du secteur lui permet de se faire un avis sur certaines pratiques et de les confronter, avant de les mettre en place sur son élevage. Stéphanie est en perpétuelle réflexion pour améliorer son système et le rendre toujours plus résilient tant techniquement qu’économiquement et ceci sans oublier l’environnement. La productivité de son troupeau augmente tous les ans pour atteindre aujourd’hui 377 kilos vifs produits par UGB et il existe encore des pistes d’actions technico-économiques à travailler (pâturage hivernal, bale grazing, choix génétique, contrôle des performances…) »

Un magasin de producteurs pour valoriser le cheptel

 

Le Local des saveurs a ouvert en octobre 2021 et permet à l’éleveuse de maîtriser la découpe et la vente de ses animaux.
 

 

Pour commercialiser ses animaux, Stéphanie Mocques-Goure peut également, depuis octobre 2021, profiter du magasin de producteurs avec atelier de découpe qu’elle a monté avec deux autres associés (une éleveuse de porcs et un charcutier/traiteur). « Le magasin est idéalement situé sur l’axe routier Angers/Saumur. On se trouve sur une petite zone d’activités qui revit. On ne propose que des produits de producteurs locaux dans un rayon de 50 kilomètres (fruits, légumes, produits laitiers, bœuf, porc, volaille, agneau, épicerie). On a également développé une partie traiteur. Cela fonctionne bien, notamment la formule plat du jour. Le tout prêt est apprécié », note l’éleveuse. Outre les trois associés, le magasin compte six salariés. L’éleveuse essaie de passer tous les jours. L’idée du magasin de producteurs est venue en discutant avec l’éleveuse de porcs qui fournissait les mêmes drives que Stéphanie Mocques-Goure.

Maîtriser la chaîne

« J’aime bien tout maîtriser. Le magasin offrait cette opportunité. » Les animaux sont abattus sur Sablé-sur-Sarthe. « Je travaille environ un mi-temps au magasin. L’arrivée sur la ferme d’un apprenti permet de me libérer du temps. Je profite de sa présence pour faire les gros chantiers. »

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