Grandes cultures bio : des exploitations plus impactées que les autres par la crise du bio
La crise du bio a affecté toutes les filières mais les exploitations de grandes cultures figurent parmi les plus durement frappées. En région Rhône-Alpes, leur revenu disponible chute à 749 €/UTH en 2024, quand l’élevage bovin et les fruits et légumes parviennent encore à dégager des résultats positifs.
La crise du bio a affecté toutes les filières mais les exploitations de grandes cultures figurent parmi les plus durement frappées. En région Rhône-Alpes, leur revenu disponible chute à 749 €/UTH en 2024, quand l’élevage bovin et les fruits et légumes parviennent encore à dégager des résultats positifs.

L’agriculture biologique a connu un retournement brutal à partir de 2021, causé par une baisse de la consommation, une chute des prix et une pression accrue sur les charges de production. Le Cerfrance Synergie Sud-Est analyse depuis 2018 les résultats économiques d’un échantillon constant de 493 fermes bio en Rhône-Alpes, sur les cinq filières les plus représentées (hors viticulture) à savoir bovins lait et viande, grandes cultures, arboriculture et maraîchage. Ce suivi a permis d’évaluer les impacts de la crise sur les différents systèmes. Une présentation en a été faite lors du Salon Tech & Bio.
Des exploitations bio moins efficaces économiquement
Premier constat, la valeur ajoutée par UTH de l’ensemble des fermes bio s’améliore jusqu’en 2023 (pic à 29 050 €), malgré le contexte inflationniste. « Les produits ont continué à progresser davantage que les charges (hors main-d’œuvre) », analyse Benoît Mousserin, pilote du groupe études et références Rhône-Alpes au Cerfrance. Mais en 2024, la tendance s’inverse, du fait d’un ralentissement des ventes. Les exploitations bio perdent en efficacité économique : « En 2024, 70 € ont été dépensés pour générer 100 € de chiffre d’affaires, contre 66 € en 2018. »
L’EBE (excédent brut d’exploitation) progresse, lui, jusqu’en 2021, puis rétrograde ensuite pour s’établir en 2024 à un niveau similaire à celui de 2018. Il y a deux façons d’analyser ces résultats estime Benoît Mousserin : « On peut voir le verre à moitié plein en considérant que malgré les crises, les exploitations bio sont arrivées à maintenir leurs résultats, ou le voir à moitié vide en retenant qu’en 8 ans, les résultats ne se sont pas améliorés. »
Les annuités sont, elles, en progression linéaire sur les dernières années (+ 7 000 €/UTH en 8 ans), en raison d’importants investissements réalisés dans un contexte porteur (avant Covid), d’une inflation sur le prix du matériel et des bâtiments, d’une hausse des taux d’intérêt. Ainsi, les annuités qui représentaient 38 % de l’EBE en 2018, sont à 53 % en 2024. Les prélèvements privés moyens se situent au niveau du revenu disponible sur les dernières années, les exploitations n’ont donc pas de marge en trésorerie.
Un revenu disponible proche de zéro en grandes cultures bio
Le revenu disponible par UTH régresse pour l’ensemble des filières, passant en moyenne de 27 910 € (2020) à 20 790 € (2024), du fait de la stagnation de l’EBE et de la hausse des annuités. Mais les différences sont fortes entre filières. Caroline Altare, référente bio Rhône-Alpes au Cerfrance, indique que les exploitations de grandes cultures sont celles, qui en 2024, ont affiché le revenu disponible le plus faible, « proche de zéro », à 749 €. L’écart est considérable avec les autres filières qui affichent des revenus à 26 797 € en bovin lait, 15 081 € en bovin viande, 25 310 € en arboriculture, et 14 800 € en maraîchage.
La filière grandes cultures est celle (avec l’arboriculture) qui subit les fluctuations annuelles de revenu disponible les plus importantes (celui de 2024 est à comparer aux 40 000 €/UTH de 2022). Comme en conventionnel, le revenu est très corrélé au niveau de rendements, qui varient en fonction des conditions climatiques et sanitaires (adventices, maladies, ravageurs). On a donc un produit moins stable, une plus faible maîtrise de la commercialisation et des prix, des investissements parfois lourds (matériel de désherbage mécanique…). Dans un contexte de baisse des prix et de ralentissement des ventes, les exploitations de grandes cultures voient ainsi leur trésorerie s’éroder rapidement, avec des annuités d’investissement qui pèsent de plus en plus.
Les exploitations de grandes cultures plus techniques qui maîtrisent leurs charges s’en sortent mieux
Les disparités sont également grandes au sein de la filière grandes cultures bio avec un revenu disponible/UTH allant, en 2024, de 15 820 € pour le quart supérieur à -14 491 € pour le quart inférieur. Les exploitations qui s’en sortent le mieux sont celles qui ont moins de SAU par UTH, le moins de charges d’approvisionnement, le moins de travaux par entreprise, et le moins d’investissements. Parmi les hypothèses explicatives, une meilleure technicité avec plus de main-d’œuvre pour les travaux, une maîtrise des charges opérationnelles, un meilleur outil de production, de meilleurs prix (via la contractualisation notamment), une maîtrise de la commercialisation et peut-être de meilleurs rendements.
Consolider la trésorerie les bonnes années pour passer les mauvaises
« Dans le contexte actuel, une exploitation bio doit être robuste pour gérer l’incertitude, estime Benoît Mousserin. Cela veut dire rester viable financièrement, grâce à une stabilité de sa production, une diversification des sources de revenus, une optimisation des coûts, la création d’une réserve en trésorerie, ou encore un accès à des marchés stables. » Le contexte actuel de forte fluctuation des coûts de production et l’incertitude sur l’avenir de la bio (évolution des marchés, de la PAC, des tendances de consommation) impliquent de consolider les trésoreries. Il rappelle que les fondamentaux restent les mêmes quelle que soit la filière : connaître ses charges de production, identifier des marges de progression, optimiser son coût de production, adapter son exploitation aux impacts du changement climatique et des aléas plus globalement.
57 % des agriculteurs bio jugent leurs revenus insuffisants
L’Agence Bio a présenté les résultats de son baromètre 2025 sur le moral des agricultrices bio lors du Salon tech & bio. Les producteurs bio restent attachés à leur vocation : 93 % se déclarent fiers d’être en bio et 86 % estiment que cette pratique contribue à leur bien-être. Mais 38 % se disent pessimistes et 57 % jugent leurs revenus insuffisants, malgré une légère amélioration par rapport à 2023. Les attentes des agriculteurs sont claires : 92 % souhaitent une meilleure communication sur le label bio et ses garanties, et 89 % réclament une juste rémunération pour leurs produits et services.