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Agriculture de conservation des sols : « Son caractère positif doit être affirmé pour déclencher une prise de conscience du monde agricole »

Dans un rapport datant de février 2025 mais rendu public le 3 novembre dernier, le CGAAER formule des propositions en vue de favoriser le développement de l’agriculture de conservation des sols. Il préconise en particulier d'affirmer le caractère patrimonial du sol et les effets positifs de l'ACS.

terre retournée aves un lombric
Le rapport préconise en particulier d'affirmer le caractère patrimonial du sol et les effets positifs de l'agriculture de conservation des sols.
© Christian Gloria

En préambule de son rapport intitulé « L’agriculture de conservation des sols… n’est-il pas temps de s’y mettre ? » datant de février 2025 et rendu public le 3 novembre dernier, le CGAAER rappelle que la définition de l’agriculture de conservation des sols (ACS) de la FAO repose sur trois piliers : pas de perturbation mécanique des sols (arrêt du labour notamment), couverture organique permanente des sols et diversité des espèces cultivées avec allongement des rotations

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Un essor modeste de l'agriculture de conservation des sols en France

Si l'ACS s'est beaucoup développée dans certains pays, en particulier sur le continent américain, elle ne connaît en Europe, et singulièrement en France, qu'un essor encore modeste. C'est pour cette raison que le ministère de l'Agriculture a demandé au CGAAER d'identifier les freins expliquant cette stagnation et de proposer des mesures pour s’en affranchir.

« L’agriculture de conservation des sols ne doit pas être une recette toute faite et reproductible de manière scolaire d'un agriculteur à l'autre »

Après avoir interrogé de multiples acteurs, le CGAAER observe que l'ACS part de la base : « elle est d'abord et avant tout une affaire d'agriculteurs et de techniciens, souvent pionniers sur leurs territoires, qui cherchent à améliorer la gestion des sols, à les préserver, à comprendre leur fonctionnement complexe, à créer les conditions pour que le vivant s'y développe et joue son rôle de régulateur naturel ». Le CGAAER estime que la pratique de l'ACS doit s'adapter à chaque territoire, à chaque condition pédoclimatique, à chaque exploitation. Il souligne : « Elle ne doit pas être vue comme un dogme, une recette toute faite et reproductible de manière scolaire d'un agriculteur à l'autre »

Selon le rapport, le succès d'une transition vers l'ACS repose au contraire sur un certain pragmatisme dans l'application des trois piliers et sur le fait qu'il convient d'implanter les couverts et de diversifier les cultures avant de commencer à réduire le travail du sol.

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L'agriculture de conservation des sols est « techniquement difficile »

Le  CGAAER admet que l'agriculture de conservation des sols est « quelque chose de techniquement difficile », qui parce qu’elle s’adresse à la complexité du vivant doit s'adapter aux imprévus et nécessite de s'investir dans de nouvelles cultures, de comprendre le fonctionnement des couverts. S'il reconnaît que l’agriculteur doit « accepter de tâtonner, de connaître des échecs, de réapprendre certains aspects de l'agronomie » le rapport estime qu'il doit impérativement être accompagné par des conseillers compétents.  Autre conseil : l’agriculteur doit s'intégrer dans un ou des groupes au sein desquels il puisse échanger avec ses pairs.

« La phase de transition vers l’agriculture de conservation des sols est délicate à mener »

Du côté des freins, la transition vers l’ACS s'étend sur plusieurs années, souvent cinq, six, sept ans, souligne aussi le CGAAER qui concède que « la phase de transition est délicate à mener ». Selon lui, elle doit être abordée avec « discernement » et en particulier il convient de ne pas « se précipiter »  sur l'arrêt du travail du sol. « Celui-ci n'est que « la cerise sur le gâteau ». Il faut commencer par la mise en place des couverts et la mise en œuvre de la diversification » affirme-t-il. Il conseille de ne pas nécessairement engager l'intégralité de l'exploitation dans l'opération.

Part de l'agriculture de conservation des sols dans les surfaces de grandes cultures

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Quid du glyphosate ?

Le rapport fait par ailleurs un point sur l’utilisation du glyphosate dans la conduite de l’ACS car ce produit de synthèse reste « indispensable pour corriger des situations critiques d’enherbement ou pour détruire les couverts ». Mais l’intensité de son usage est variable. « La performance de certains agriculteurs permet de la limiter nettement par une gestion adaptée des couverts et des rotations, et des choix particuliers de systèmes de production (avec élevage notamment). Il est donc difficile de dégager des tendances tant les situations des exploitations ACS peuvent être diverses » explique le CGAAER qui pointe l’utilité de faire un diagnostic concis de départ

Et si pour lui « l'agriculture biologique de conservation reste aujourd'hui inaccessible dans son acception stricte, c'est-à-dire sans travail du sol et sans recours aux herbicides, quelques agriculteurs parviennent à se passer des phytosanitaires, notamment élevage, tout en pratiquant une ACS "de compromis" avec intervention sur le sol lorsque nécessaire ("gratouillage") ».

Relire : « Si demain on m’interdit le glyphosate, je mets tout en prairie »

Le CGAAER préconise la mise en place d’un observatoire de l’agriculture de conservation des sols

Le CGAAER souligne que malgré l'existence de plateformes d'expérimentation et de comparaison et la propension forte des agriculteurs ACS à communiquer sur ce qu'ils font, les références manquent tant sur le plan technique qu'économique. Il recommande de pallier cette déficience en « intensifiant la recherche et en mettant en place un observatoire français de l'ACS, qui assurerait le regroupement et la consolidation des références disponibles, et favoriserait la création de nouvelles références, notamment économiques, propres à chaque territoire et à chaque type d'exploitation ».

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Agriculture de conservation des sols : pas d’inconvénients mais beaucoup d’avantages

Le rapport n'a pas identifié d'inconvénients dont l'ACS pâtirait par rapport à l'agriculture conventionnelle mais il retient que l'ACS apporte à l'agriculteur « une réduction de ses dépenses comme des économies de carburant, une diminution de son temps de travail, la réappropriation de son métier (agronomie), la reconquête d'une certaine autonomie de décision sur son exploitation, la fierté de concilier agriculture et nature ».

« Des rendements de production au moins équivalents à ceux de l'agriculture conventionnelle »

Le CGAAER souligne par ailleurs que l’ACS s'avère favorable à « l'évitement de l'érosion, à la stabilité des sols, à l'infiltration de l'eau, à l'augmentation de la réserve d'eau, au développement de la biodiversité, à l'augmentation de la matière organique dans le sol ». Et d’ajouter : « Lorsqu'elle est menée de manière pragmatique et maîtrisée, elle améliore la fertilité et ouvre des possibilités de réduction des intrants de synthèse ». Et selon le rapport, « lorsque le régime de croisière est atteint, l'ACS conduit à des rendements de production au moins équivalents à ceux de l'agriculture conventionnelle. Elle présente de plus des atouts pour l'adaptation aux effets du changement climatique. L'ACS maintient donc, voire améliore, les revenus et n'est pas un vecteur de décroissance ».

Evolution des projets d'agriculture de conservation des sols reconnus chaque année

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L’agriculture de conservation des sols : une voie pour arriver à la transition agroécologique

Partant du constat qu’il existe beaucoup d'avantages tant pour les agriculteurs que pour la collectivité, mais pas d'inconvénients, le CGAAER voit le passage de l'agriculture conventionnelle à l'ACS comme l'une des voies de la transition agroécologique. Il préconise une communication au niveau ministériel pour affirmer « le caractère patrimonial du sol et le caractère positif de l'ACS pour déclencher une prise de conscience dans toutes les strates du monde agricole ».

 

Des freins culturels

Le CGAAER a toutefois identifié plusieurs freins culturels : le renoncement au travail du sol peut être perçu comme une remise en cause de ce qu'ont pratiqué les anciens depuis des générations, le labour est un pilier historiquement fondamental du travail des agriculteurs qui  nécessite des matériels puissants que certains agriculteurs peuvent percevoir comme une illustration de leur réussite et de la modernité, une terre non labourée, comportant des résidus de culture ou des repousses, est vue par beaucoup comme mal entretenue. Le rapport souligne donc l’importance de développer un discours positif qui, sans opposer l'ACS à d'autres modes d'agriculture, ouvre des perspectives.

A relire : Agriculture de conservation des sols : les 8 questions à se poser avant de se lancer

Instaurer un « filet de sécurité » et un indicateur unique sur la qualité et la santé des sols

Selon le CGAAER, « l'ACS n'appelle pas nécessairement de soutien financier lorsque le régime de croisière est atteint » mais « la phase de transition est délicate sur le plan technique et porteuse de risques ». L'accompagnement des agriculteurs est donc essentiel. Leur formation « doit être intensifiée, voire systématisée ». Le rapport estime nécessaire d'étudier la mise en place d'un « filet de sécurité » pour couvrir les accidents de culture et vaincre l'appréhension que les agriculteurs peuvent ressentir pour se lancer. Enfin, pour favoriser les échanges, la structuration des filières, le pilotage des politiques publiques, le CGAAER estime « indispensable que soit installé dans le paysage agricole un indicateur unique sur la qualité et la santé des sols, synthétique, simple, reconnu et fédérateur ».

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