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"Dans les yeux d’Olivier", la vie sur le fil de quatre agriculteurs et agricultrices

Dans « Agriculteurs : des vies sur le fil » réalisé et présenté par Olivier Delacroix sur France 2 le 10 avril, plusieurs exploitants agricoles livrent des témoignages poignants sur leur parcours souvent semé d’embûches qui ne les empêchent pourtant pas de continuer à vivre passionnément les mains dans la terre, par choix, loyauté ou amour. 

documentaire olivier delacroix france 2
Estelle a repris l’exploitation après le décès accidentel de son mari Jean-Paul et a du apprendre un nouveau métier en accéléré.
© Capture d'écran "Agriculteurs : des vies sur le fil"

Chaque jour en France, deux agriculteurs se suicident et 20 000 accidents du travail se produisent chaque année dans les exploitations agricoles tandis que 32 % des agriculteurs sont victimes d’un accident du travail au cours de leur vie professionnelle. Outre la mention de ces faits tragiques, dans l'introduction du documentaire qu’il a réalisé, Olivier Delacroix explique le profond malaise et l’avenir incertain de la profession qui doit faire face non seulement au changement climatique mais aussi à la charge mentale, aux tracas administratifs et au diktat de certains grands groupes industriels

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Puis le réalisateur est allé, avec beaucoup d’empathie comme à son habitude, à la rencontre d’agricultrices et d’agriculteurs qui ont dû affronter des situations dramatiques pour recueillir leur parole bien souvent bouleversante.

Revoir le documentaire Agriculteurs : des vies sur le fil en replay 

 

Reprendre la ferme après le décès accidentel de son mari

Estelle qui élève des limousines en Meurthe-et-Moselle au Reillon confie qu’elle a dû reprendre l’exploitation agricole après le décès accidentel de son mari Jean-Paul alors qu’il était au volant de son tracteur. Elle qui était fonctionnaire territoriale a sur le coup pensé tout vendre mais a changé d’avis au contact de ses vaches limousines. 

S'arrêter là, ça aurait été le faire mourir une seconde fois

En mémoire de son mari et pour faire perdurer tout ce qu’il a construit et les valeurs qu’il défendait, elle a lâché son métier pour se consacrer à l’exploitation bio. « S’arrêter là, ça aurait été le faire mourir une seconde fois. En fait, je vis maintenant sa vie et découvre son métier » confie celle qui a été soutenue au départ par Solidarité Paysans afin de faire face aux tracas administratifs et à la comptabilité prenante. 

Lire aussi : Victime de plusieurs accidents du travail, cet agriculteur n’aura pas droit à une rente, confirme la Cour de cassation

Aujourd’hui associée à Fabian, un apprenti qu’elle avait recruté pour lui prêter main forte, elle a trouvé son équilibre malgré toutes les difficultés auxquelles elle a été obligée de faire face et ce nouveau métier qu’elle a appris en accéléré.

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Reprendre l’exploitation après le suicide de son père

Alors que Jean-Paul a succombé à un accident, pour Vincent, le travail d’agriculteur était devenu synonyme d’angoisse et de mal-être. Son désarroi était tel qu’il a mis fin à ses jours en 2021 alors qu’il exerçait son métier depuis 35 ans. Sa femme Cathy et ses deux enfants n’ont pas vu l’état de détresse indicible qui taraudait Vincent. 

« Son travail l’a détruit, ce qui fait qu’il s’est détruit » confie-t-elle non sans dénoncer les réglementations à n’en plus finir et le harcèlement des créanciers. Pourtant Vincent s’était lancé dans l’agriculture avec enthousiasme en créant sa propre exploitation au Courtioux, en Poitou-Charentes. Au fil des années, Vincent sort de plus en plus souvent sa calculatrice mais assure aux siens que tout va bien aller. Son fils Jean-Simon le rejoint au sein de l’exploitation en 2018 et ne voit pas à quel point les tracas minent son père. 

L’abattage du troupeau de 70 vaches qui ont contracté une bactérie anéantit Vincent. Aujourd’hui son fils a remis a flots l’exploitation qui demeure tout de même fragile. La famille tout entière dit encore nourrir une forte colère vis-à-vis du système.

Lire aussi : Cinéma : La ferme des Bertrand ou le destin familial d’éleveurs laitiers en Haute-Savoie

Se battre contre les industriels

Les rapports de force avec un géant de l’agroalimentaire ont bien failli mettre un terme au métier d’éleveur laitier de Régis qui a repris l’exploitation familiale de ses ancêtres à Orée-d’Anjou, dans le Maine-et-Loire. Son métier, il l’exerce des années durant avec passion mais les choses commencent à mal tourner à la suite des deux crises laitières de 2009 et 2015. 

Les prix ont chuté et la famille n’arrive plus à vivre de la vente du lait produit. Régis songe à arrêter mais sa femme Emmanuelle l’encourage à poursuivre son métier-passion. Il décide alors de médiatiser la problématique des éleveurs laitiers en dénonçant les pratiques de Lactalis qu’il accuse d’acheter le litre de lait en dessous de son prix de production, espérant faire bouger les choses. Mais l’industriel rompt son contrat pour dénigrement de la marque. Alors que Vincent commence à se désespérer parce qu’il ne trouve aucun acheteur pour son lait, il trouve son salut grâce à Nicolas Chabanne, un des créateurs de la marque du consommateur « C’est qui le Patron ?! » qui rémunère les producteurs au prix qui leur semblent juste. Vincent dit vivre maintenant sereinement. 

Lire aussi : « Cliché, mensonger, condescendant » : ce que les agriculteurs reprochent au documentaire de Karine Le Marchand

Créer un potager citadin pour donner du sens à sa vie 

Des citadins en quête de donner un sens à leur vie et qui souhaitent renouer avec la terre décident parfois de se lancer dans l’aventure agricole. C’est le cas de Floriane et Brice qui étaient respectivement sportive de haut niveau et ingénieur du son-musicien. Tous deux ont décidé de créer un potager périurbain à Villepinte, en Seine-Saint-Denis et de vendre leur production en circuit court aux habitants du département. 

On passe de formulaire en formulaire sans en avoir un qui nous correspond

Dans un parc de  5 ha qu’ils louent au département via le label Natura 2000, ils commencent leur activité en 2020 et sont vite rattrapés par les confinements. Qu’importe, leur enthousiasme reste entier mais le cahier des charges qui leur est imposé est strict et les deux compères dénoncent la lourdeur administrative. « Comme ce qu’on est en train de créer est nouveau, on passe de formulaire en formulaire sans en avoir un qui nous correspond » se lamente Brice qui doit aussi faire face à un manque d’eau. Ils doivent réaliser un nouveau forage plus profond mais se heurtent là encore à l’administration et à sa lenteur. Les débuts sont difficiles pour les deux associés qui ont gardé une activité salariée mais leur motivation demeure intacte puisqu’ils ont le projet de développer des activités pédagogiques dans le potager.

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Guillaume Canet témoigne

Dans le documentaire, Olivier Delacroix donne aussi la parole à Guillaume Canet qui a joué dans le film « Au nom de la terre » d’Edouard Bergeon et qui est un fervent défenseur du monde paysan. Catastrophé par la disparation de nombreuses fermes et par les menaces qui pèsent sur le monde agricole , il affirme : « La seule chose à faire aujourd’hui, c’est que nos enfants remettent les mains dans la terre ».

 

Le documentaire est à regarder jusqu’au 18 août 2024 sur la plateforme France TV : https://www.france.tv/france-2/dans-les-yeux-d-olivier/5821563-agriculteurs-des-vies-sur-le-fil.html

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