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ZNT et riverains : quelles sont les distances de sécurité à respecter en grandes cultures lors des traitements phytosanitaires ?

La réglementation qui encadre les distances à respecter vis-à-vis des riverains lors des traitements phytosanitaires se renforce et se complexifie. Plusieurs cas de figure existent en fonction des types de produits. En l’absence d’informations sur l’étiquette des produits, ce sont les règles dites de distances sécurité riverains (DSR) qui s’appliquent.

Epandage de solution azotée sur blé tendre à proximité d'une maison en construction et d'une ZNT de 5 m.
Parmi les demandes de la profession figure la prise en compte des distances de sécurité riverains dans les projets de construction à proximité de terres agricoles.
© Charles Baudart

À quelle distance minimum des habitations peut-on appliquer un traitement phytosanitaire sur ses cultures ? Pour le savoir, il faut se référer à la réglementation qui encadre les « ZNT riverains », pour reprendre le jargon de la plaine, ou plus exactement les distances de sécurité riverains (DSR). Le décret adopté fin décembre 2019 prévoit que d’ici quelques années, au fur et à mesure des réévaluations et des nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM), chaque produit sera doté d’une distance de sécurité vis-à-vis des personnes présentes et des riverains (DSPPR) indiquée sur l’étiquette du produit que l’on souhaite épandre. En attendant ce jour, le législateur a mis en place un régime transitoire basé sur les DSR pour les produits qui ne sont pas encore évalués.

Pour savoir à quelle distance minimale il est possible de traiter, la première chose à faire est de regarder si le produit dispose d’une DSPPR. Si ce n’est pas le cas, le cadre législatif des DSR s’applique et les cas particuliers sont dictés par les chartes départementales d’engagement des utilisateurs. Il reste alors une dernière chose à vérifier : l’éventuelle classification CMR 1 ou 2 du produit que l’on souhaite pulvériser.

La distance précisée pour les nouveaux produits et les réhomologations

Pour les produits nouvellement autorisés ou ceux qui ont fait l’objet d’une mise à jour récente par l’Anses (dans le cadre d’un renouvellement par exemple), les AMM contiennent obligatoirement une information sur la distance à respecter. Cette information figure sur l’étiquette du produit. Le paragraphe se nomme « Protection des personnes présentes et des résidents (au sens du règlement (UE) N°284/2013) », on le trouve généralement entre celui des délais de réentrée (DRE) et celui sur les limites maximales de résidus (LMR). Il indique la distance à respecter, pour ce produit, entre le « dernier rang traité et l’espace fréquenté par les personnes présentes lors du traitement, ainsi que l’espace susceptible d’être fréquenté par des résidents ». Si elle est définie, cette information est indiquée sur l’étiquette du produit.

 

 
ZNT et riverains : quelles sont les distances de sécurité à respecter en grandes cultures lors des traitements phytosanitaires ?

Cette distance ne peut pas être réduite en utilisant des matériels de réduction de la dérive, à moins que cela ne soit explicitement notifié dans l’AMM. Toutefois, concernant les dernières autorisations, l’Anses n’a jamais introduit une telle spécificité. Cela pourrait changer bientôt avec les produits à base de prosulfocarbe. L’agence se défend en expliquant que « le cadre européen fixé par l’Efsa ne laisse que peu de latitudes », bien que le guide européen de 2014 introduise la notion de réduction de la dérive jusqu’à 50 %.

La plupart des produits encore concernés par le dispositif DSR

Dans les cas où les produits phytosanitaires n’ont pas encore été révisés, ce qui représente actuellement une large majorité, l’arrêté du 27 décembre 2019 sur les DSR s’applique. Il réglemente les distances minimales à respecter entre la zone d’application des produits phytosanitaires et les habitations, les lieux fréquentés par des personnes vulnérables (écoles, crèches, aires de jeux, hôpitaux, établissements de santé) ou ceux accueillant des personnes âgées ou handicapées. La zone à protéger est constituée de l’habitation ou du lieu de travail. La distance de sécurité s’établit à partir de la limite de propriété.

La distance minimale à respecter en grandes cultures est de 20 mètres incompressibles si le produit contient une substance CMR 1 (cancérogène, mutagène, reprotoxique) ou perturbateur endocrinien et de 10 mètres incompressibles s’il contient une substance CMR 2 (cancérogène, mutagène, reprotoxique probable). Il est possible de définir le caractère CMR ou non du produit en regardant les phrases de risque sur l’étiquette. Les mentions H340, H350 et H360 indiquent que le produit est un CMR 1. Celles H341, H351 et H361 traduisent un classement CMR 2.

Les produits de biocontrôle, ceux utilisables en agriculture biologique et les substances de base sont exemptés de l’arrêté. Pour le reste des produits, il ne faut pas traiter à moins de 5 mètres de la limite de propriété d’une habitation. La distance de 5 mètres peut être réduite à 3 mètres en utilisant des matériels limitant la dérive (pulvérisateurs équipés de buses à injection d’air notamment). La liste officielle de matériels homologués pour réduire la dérive est disponible sur le site internet du ministère de l’Agriculture. Pour une réduction à 3 mètres, il est également nécessaire que la charte départementale d’engagement des utilisateurs ait été approuvée par le préfet. En outre, chaque agriculteur doit prendre connaissance de ce document et être en sa possession, éventuellement sous sa forme électronique, lors de l’application d’un traitement.

Des chartes remisent en cause

Les chambres d’agriculture départementales sont parties prenantes et ont la charge de la diffusion des chartes d’engagement. Leur légitimité a fait l’objet d’une attaque en justice par les associations environnementales en 2021. Le Conseil d’État a donc introduit de nouveaux éléments fin 2022. Les principales évolutions portent sur la prise en compte, en plus des habitations, des lieux accueillant des travailleurs de façon régulière ; ainsi que la nécessité d’informer le voisinage de l’application de produit en amont du traitement. La mise en route d’un gyrophare sur le pulvérisateur lors de l’application d’un traitement a notamment été retenue comme un moyen de prévenance des riverains à titre individuel par certaines chartes. 

Pour prévenir les riverains de manière collective, bon nombre de chambres d’agriculture mettent à disposition du grand public, sur leur site internet, les calendriers des interventions phytosanitaires en fonction des cultures. « Il est fort probable qu’il y ait de nouveaux recours en justice de la part des associations environnementales, pour faire tomber ces chartes, indique Christian Durlin, vice-président de la FNSEA en charge de la protection des cultures. Une vingtaine de départements seraient déjà en ligne de mire. » Cela laisse donc planer le spectre d’une nouvelle recommandation du Conseil d’État et d’un nouveau cadre d’application pour la campagne 2024.

Virginie Charpenet et Xavier Delbeque

Des distances à respecter le long des cours d’eau et des cultures adjacentes

Les zones de non-traitement (ZNT) : elles sont définies par l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques qui prévoit par défaut une ZNT de 5 mètres près des points d’eau. Elle peut être portée à 20 ou 50 mètres selon l’AMM du produit. Il est possible de réduire les ZNT de 50 ou 20 mètres à 5 mètres sous réserve d’avoir un dispositif végétalisé arbustif d’au moins 5 mètres de large près du point d’eau, de mettre en œuvre des moyens divisant au moins par trois le risque pour les milieux aquatiques (liste publiée au BO) et avoir enregistré les applications effectuées sur la parcelle.

Les zones non cultivées adjacentes (ZNCA) : même s’il n’y a pas de texte réglementaire définissant clairement les ZNCA, certaines spécialités commerciales comportent une mention « pour protéger les arthropodes et les plantes non-cibles, respecter une distance de XX mètres par rapport à la zone non cultivée adjacente ». L’objectif est de protéger la biodiversité à proximité d’un traitement. La ZNCA peut donc se définir comme une zone de végétation non agricole qui jouxte une parcelle cultivée.

À quelle distance des habitations sont situées les grandes cultures ?

Publiée fin 2022 par Nicolas Guilpart, maître de conférences en agronomie, une étude d’AgroParisTech et de l’Inrae a permis d’identifier à l’échelle nationale la part des cultures situées à des distances de 10, 50, 100 et 150 mètres des zones résidentielles. L’équipe de recherche a combiné deux bases de données de l’IGN : le registre parcellaire graphique qui fournit chaque année une cartographie des parcelles cultivées en France, et une base qui indique la localisation des bâtiments à usage résidentiel. Les chiffres montrent que les grandes cultures sont moins concernées par la proximité des zones d’habitation que d’autres filières comme la vigne ou l’arboriculture, même si 20 % des surfaces de grandes cultures sont tout de même situées à moins de 150 m d’une habitation. En-dessous de 50 mètres, la statistique tombe à 8 % des surfaces. Reste que ces chiffres cachent d’importantes disparités régionales : les régions fortement urbanisées et où la présence de l’agriculture est encore forte, comme dans les Hauts-de-France, peuvent avoir une part importante de leurs surfaces agricoles concernées par les DSR.

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