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« Nous partons à la reconquête de nos restaurateurs » explique Michel Fruchet, le président de l’interprofession du  foie gras

Le trou d’air de deux ans qu'a connu la production française de foie gras, a ouvert une brèche que la filière s’efforce de combler avec une nouvelle marque collective.

Âgé de 60 ans, Michel Fruchet préside le Cifog depuis septembre 2017. Originaire de Vendée, il y dirige la coopérative Val de Sèvre, spécialisée dans la production de mulards, ainsi que l’abattoir Delpeyrat qui les abat. Val de Sèvre est actionnaire de la holding MVVH détentrice du groupe Delpeyrat. © P. Le Douarin
Âgé de 60 ans, Michel Fruchet préside le Cifog depuis septembre 2017. Originaire de Vendée, il y dirige la coopérative Val de Sèvre, spécialisée dans la production de mulards, ainsi que l’abattoir Delpeyrat qui les abat. Val de Sèvre est actionnaire de la holding MVVH détentrice du groupe Delpeyrat.
© P. Le Douarin

Pourquoi le marché du foie gras a-t-il tant évolué depuis les épizooties d’influenza aviaire ?

Michel Fruchet -« Les deux épizooties successives de 2015-2016 et 2016-2017 ont eu deux conséquences. D’abord une chute des volumes et dans un second temps une augmentation des coûts de l’amont liée aux investissements incontournables qui assurent une biosécurité de tout cet amont. On ne retrouvera donc jamais nos prix d’avant 2016. Nos entreprises de transformation ont réagi par une montée en gamme afin d’apporter plus de valeur à des matières plus onéreuses. 
 
 
Cette montée des prix couplée au manque de foie français a poussé des intermédiaires à se tourner vers nos concurrents, hongrois et bulgares essentiellement. En revanche, les consommateurs ont repris leurs achats en grande distribution, comme auparavant et sans aucune réticence. Mais au final, on ne retrouvera pas non plus nos volumes de vente sur l’hexagone. Il nous faut donc des relais de croissance à l’exportation, notamment au Japon. Par ailleurs, on ne peut plus se permettre de stocker du foie gras. Nous sommes tombés à 32 millions de canards  gavés en 2018, vraisemblablement à 30 millions cette année (les stocks-usine ayant été reconstitués) et probablement moins en 2020. »

Après avoir peiné depuis la reprise, les ventes de magret repartent-elles ?

M. F- « Pendant le trou d’air, nous avons été remplacés par d’autres viandes d’où cette difficulté à retrouver notre place. La campagne de communication lancée cette année a eu l’effet escompté, avec plus 20% de hausse sur les sept premiers mois. Ce qui a stoppé l’augmentation des stocks. Mais dans un contexte général de moindre consommation des viandes, cela n’a pas permis de les résorber. Or une bonne valorisation de la carcasse est nécessaire pour équilibrer les comptes, sachant que la viande représente 40 % de la valeur d’un canard. Nous sommes donc condamnés à trouver d’autres débouchés avec l’export. Nous avons trois destinations en ligne de mire, avec la Chine en priorité. Le potentiel de consommateurs existe, mais il faut faire tomber la barrière des autorisations, qui ont été données en mars dernier à la volaille mais pas aux palmipèdes. Nous espérons que cela ira aussi vite qu’avec le porc et la charcuterie française. Nous avons aussi des vues sur la Russie et les Etats-Unis. De plus, notre nouvelle identification collective « magret de France » peut nous aider à valoriser un des emblèmes de la gastronomie française.  Enfin, il faudrait innover sur cette viande, ce qui n’a pas été fait puisque nous en manquions toujours avant 2015. »

Votre nouvelle marque collective concerne d’abord le foie gras et vise la France …

M. F. - « Oui, car le foie gras est en quelque sorte victime de son succès en France. Pour le consommateur, un foie gras ne peut être que français, alors que ce n’est pas toujours le cas, essentiellement en restauration hors domicile (RHF). Alors que 15 % environ de la consommation en France est issue d’importation, elle atteint 30 à 40% en restauration. Le prix reste un critère de choix important pour un restaurant de milieu de gamme. Et je rappelle que la moitié de la consommation totale se fait en RHD. Les crises influenza nous ont fait perdre beaucoup de parts de marché que nous devons reconquérir. D’où notre initiative collective d’identifier l’origine française,  en complément des identifications existantes (l’IGP foie gras du sud-ouest avec ses six appellations géographiques et le label rouge). Nous avons aussi lancé une charte d’engagement avec huit associations professionnelles regroupant 10 000 restaurateurs pour que l’origine « foie gras de France » soit affichée sur leurs menus, de sorte que les clients soient sensibilisés. Nous avons aussi à convaincre le secteur des bouchers charcutiers-traiteurs qui s’approvisionne chez des grossistes. En GMS, nous avons peu de produits issus d’importation et les transformateurs mettent déjà bien en avant l’origine. »

Y a-t-il d’autres éléments pouvant limiter les volumes vendus en France ?

M. F. - « L’effet anti-gavage n’est pas plus important que par le passé. Seulement 6% des personnes invoquent cette raison pour expliquer leur non-consommation, sachant que 92 % déclarent en consommer. En GMS, les acheteurs sont toujours là comme je l’ai déjà dit. Par contre, nous ne savons pas encore si la limitation à 25%, par la loi Egalim, des volumes vendus en promotion aura un effet négatif. Nous avions demandé de déroger jusqu’à 45 % sur des produits très saisonniers (vins, chocolat, foie gras, volailles festives), sans succès. Le foie gras a besoin d’une mise en avant pour attirer l’attention, pas pour casser les prix. L’an dernier, l’immense majorité des GMS ont commandé au dernier moment. Préfèreront-elles cette année être en rupture ou bien recommander au risque de ne pas pouvoir vendre en promo après les fêtes ? »

Quelle est la situation sanitaire vis-à-vis de l’influenza aviaire ?

M. F. -« Tous les jours nous continuons à faire contrôler des canards avant leur transfert en gavage, en recherchant tous les virus influenza par la détection du gène M. De temps en temps, quelques-uns ressortent positifs. En concertation avec la DGAL et l’Anses qui reçoivent les résultats, ces cas sont gérés par le Cifog. Nous les traitons comme des lots à salmonelles, avec un protocole sur les lots en gavage (hors zone protégée comme un couvoir, un élevage de reproducteurs ou un abattoir) et sur les décontaminations des sites après leur départ. Nous espérons surtout que l’organisation mondiale de la santé animale (OIE) validera un statut différent pour les virus hautement pathogènes et faiblement pathogènes. Ce sera discuté en mai prochain lors de son assemblée générale. Si oui, cela évitera à certains pays de bloquer les importations. C’est ce qui serait arrivé si les canards Colvert découverts porteurs de H5N3 FP début octobre avaient été découverts en Vendée plutôt que dans le Loir et Cher. »

«  Notre cible prioritaire c’est la restauration commerciale »

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