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Vin : à chaque produit son mode de désalcoolisation

Que ce soit en vue d’une désalcoolisation totale, partielle ou d’une correction du degré, diverses techniques sont disponibles. Tour d’horizon des principales.

La désalcoolisation totale peut être effectuée sur une Spinning cone column.
La désalcoolisation totale peut être effectuée sur une Spinning cone column.
© Image reproduite avec l'aimable autorisation de Flavourtech Pty Ltd

Différentes techniques de désalcoolisation cohabitent actuellement sur le marché. La première consiste à passer le vin sur un contacteur membranaire, afin d’ôter quelques degrés. Mais peu de vignerons emploient actuellement cette méthode, qualifiée de « désalcoolisation du pauvre », car elle oxyde le vin.

La seconde technique consiste à effectuer une osmose inverse, ou nanofiltration. Ce procédé est plus adapté à des ajustements du degré (jusqu’à - 20 %), voire à des désalcoolisations partielles, qu’à des totales. Il consiste à passer le vin au travers d’une membrane afin de séparer l’alcool et un perméat. Il faut effectuer plusieurs passages, le processus n’enlevant qu’un peu d’alcool à chaque fois. « L’intérêt de cette technologie est qu’elle n’est pas très encombrante et est mobile, argue Hortense Brière, directrice business développement, chez B & S Tech. Elle donne de bons résultats pour des ajustements partiels. En revanche, comme il faut repasser le vin plusieurs fois dans la machine avant d’obtenir la désalcoolisation souhaitée, c’est coûteux en temps, en eau et en énergie. » Mêmes échos chez Philippe Cottereau, chef de projet œnologie à l’IFV, qui estime que cette technique marche très bien, mais qu’un contacteur consomme beaucoup d’eau.

Les membranes consomment beaucoup d’eau

Cette solution est notamment proposée par Michael Paetzold, avec son unité de désalcoolisation ALCoff. Cette dernière couple l’osmose inverse avec le passage du perméat dans une colonne de distillation. De son côté, Œnodia, via le prestataire de services Memstab, propose une désalcoolisation par osmose inverse, suivie d’un passage du perméat dans un contacteur membranaire. Une opération qui sera plus consommatrice en eau que la distillation. « Au final, le volume d’eau peut être supérieur au volume de vin traité », pointe Philippe Cottereau. Il y a quelque temps, il fallait compter 5 à 7 euros l’hectolitre pour un ajustement de degré via ces deux méthodes indique-t-il.

Une troisième méthode de désalcoolisation, totale cette fois-ci, est la distillation ou l’évaporation sous vide. Le principe est simple : le vin est monté à des températures comprises entre 30 et 35 °C et mis sous vide. Cela permet d’obtenir une séparation de l’éthanol à une température moindre qu’une distillation. C’est la technique utilisée par la SCC, pour Spinning Cone Column (colonne à cônes rotatifs), développée par la société australienne Flavourtech. Sa machine est constituée d’une succession de cônes tournant dans une colonne chauffée et sous vide, ce qui permet d’étaler le vin sur le métal et donc d’augmenter la vitesse d’évaporation de l’alcool. Ce dernier sort à une concentration d’environ 70 %. La désalcoolisation se fait en deux passages, le premier récupérant les arômes et le second désalcoolisant totalement le vin. Elle peut donc servir soit à désalcooliser entièrement un vin, soit à désalcooliser totalement une fraction, qui sera ensuite ré-assemblée avec le reste de la cuve. Cette machine étant onéreuse et encombrante, Philippe Cottereau estime qu’elle a surtout de l’avenir en prestation de service. « Il me semble que la distillerie d’Arzens, par exemple, le propose », note-t-il. Pour Hortense Brière, la SCC est la technologie d’évaporation sous vide la plus flexible car elle permet « également de concentrer ou séparer ».

Travailler sur la récupération d’arômes

La distillation sous vide est également utilisée dans la méthode par Packing, ou garnissage. Tout comme la SCC, cela permet de tomber à presque 0 % d’alcool, mais en un seul passage. L’alcool, à 90 %, est récupéré via un tube réfrigérant qui le fait changer d’état et redevenir liquide. Au final, pour l’évaporation sous vide, il faut prévoir un budget de 0,80 à 1 euro par bouteille, sans compter l’envoi du vin vers le lieu de désalcoolisation. « C’est très efficace, juge Hortense Brière. C’est une technologie qui n’utilise pas d’eau, qui a une efficacité énergétique haute, nécessite peu d’entretien, génère peu de pertes. » Si les gros faiseurs, tels que Grands Chais de France s’équipent en dur de ce type d’installation, les vignerons peuvent y avoir accès via la prestation de services, proposée pour le moment en Belgique, Allemagne ou encore Espagne. Une unité serait en construction dans le Bordelais.

Ces techniques de désalcoolisation totale fonctionnent bien, mais Frédéric Chouquet-Stringer, fondateur de Zenotheque GmbH, pointe des « problèmes olfactifs ». Dans cette optique, Philippe Cottereau fonde pas mal d’espoirs sur la récupération d’arômes par CO2 supercritique, qui devrait débarquer d’ici peu. En attendant, « il faut prévoir un rééquilibrage du vin à l’issue du traitement », confirme Hortense Brière. Ajouts de MCR, de gomme arabique, de CO2, voire d’arômes exogènes sont au programme. De même, une stabilisation par ajout de DMDC ou pasteurisation devra être effectuée, le produit n’étant plus stabilisé par son taux d’alcool.

Mais quelle que soit la méthode employée, il est primordial de bien préparer le vin de base. Pour un ajustement, « il faut au moins que le vin soit soutiré, voire filtré », indique Yannick Le Gratiet, directeur d’Œnodia. Pour une désalcoolisation totale, Frédéric Chouquet-Stringer préconise d’avoir un vin le plus léger possible en alcool, avec des sucres résiduels. « Sinon, le résultat est très aqueux » prévient-il. Hortense Brière abonde dans son sens puisqu’elle recommande de travailler un vin avec des sucres résiduels, pas trop d’alcool, ni trop de tannins. « Le sauternes par exemple est top et donne de très bons résultats, car on a une complexité aromatique qui n’est pas uniquement portée par l’alcool mais par un fort taux de sucre », illustre-t-elle. Dans tous les cas de figure, Philippe Cottereau rappelle qu’il faut partir d’un vin de qualité. « On ôte beaucoup de choses avec ces opérations, il faut que le raisin soit mûr et le vin équilibré », conclut-il.

Des solutions aussi sur moût ou en cours de FA

Il est également possible d’intervenir avant la fermentation alcoolique, en désucrant le moût. La machine de Bucher Vaslin, Redux, permet cela en associant ultrafiltration et nanofiltration. « Cette technique ne permet pas de dépasser une baisse de degré supérieure à 2 % vol, rapporte l’IFV. Les vins obtenus par ce procédé sont de bonne qualité avec des équilibres en bouche très intéressants. »

Une autre technique d’ajustement en cours de FA pourrait être la désalcoolisation par évaporation. Testée à l’IFV de Beaune par Vincent Gerbaux, elle a donné de bons résultats. L’ingénieur recommande de la pratiquer sur une partie de la cuvée, avant ré-assemblage. Pour ce faire, il suffit d’aérer la cuve, à l’aide d’un ventilateur, à température et pression atmosphériques, mais avec une hygrométrie de 80 % environ. « Avec un équipement dimensionné, une désalcoolisation de 2 % v/v peut être obtenue sur une durée de 8 heures », révèle l’article publié dans la Revue des œnologues. L’évaporation ainsi réalisée n’a pas d’impact « notable » sur les caractéristiques analytiques du vin, si ce n’est la perte de CO2, qui devra donc être réajusté derrière.

Enfin, François Davaux, toujours à l’IFV, a testé la flash-détente en cours de FA. Si ce procédé n’est pour l’heure pas autorisé, il fonctionne et pourrait convenir aux domaines ou caves déjà équipés.

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