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« La certification HVE est une démarche globale qui a du sens »

En étant certifié HVE depuis 2014, le domaine Rozel, à Valaurie, dans la Drôme provençale, fait office de précurseur. Pour Matthieu Rozel, c’est une démarche qui a du sens et demande un investissement raisonnable.

Matthieu Rozel explique la démarche HVE au grand public lors des activités œnotouristiques et des salons. © X. Delbecque
Matthieu Rozel explique la démarche HVE au grand public lors des activités œnotouristiques et des salons.
© X. Delbecque

Au domaine Rozel, la certification Haute valeur environnementale (HVE) a rapidement été une évidence. Il faut dire que l’exploitation familiale, nichée en plein cœur de la Drôme provençale, jouit d’un environnement naturel qui incite à réfléchir sur la biodiversité. « Nous avons découvert la HVE en 2013 et nous nous sommes rendu compte que cela collait à notre philosophie et à nos pratiques », explique Matthieu Rozel, qui coexploite le domaine avec son frère et ses parents. Dans la famille Rozel, les générations qui se sont succédées ont toujours été sensibles à la nature. Le grand-père de Matthieu a toujours privilégié le cuivre et le soufre plutôt que les produits de synthèse, tandis que son père avait l’habitude de travailler le sol pour réduire l’utilisation d’herbicides. Ils n’ont jamais souhaité franchir le pas de passer à l’agriculture biologique pour ne pas se retrouver dans des impasses, comme cela aurait pu être le cas en 2014 face à la virulente attaque de black-rot. « On peut d’ailleurs être bio et être loin de remplir les critères de la Haute valeur environnementale ! », commente le vigneron. Ce qui a séduit la famille Rozel dans la certification HVE, c’est le fait qu’elle intègre une réflexion globale et ne soit pas simplement liée à la nature d’un produit. Dès 2014, Matthieu Rozel s’inscrit donc dans une formation collective organisée par les Vignerons indépendants de la Drôme.

Seulement deux jours pour préparer l’audit de certification

Lors de la première journée de formation, il a validé les deux premiers niveaux de la certification. « Ça a été assez facile puisque l’on travaillait déjà de la façon demandée », dit-il. Puis lors de la deuxième session, il a travaillé en amont de l’audit, ayant avec lui ses bilans. Encore une fois, l’exploitation était dans les clous pour passer le niveau supérieur via l’option A. « Au final le processus de certification est plutôt rapide : en deux jours c’est fait », résume Matthieu Rozel. Pour lui, si l’on a déjà en place une bonne traçabilité sur les phytos, les engrais et l’irrigation lorsqu’elle est pratiquée, une grande partie du travail pour l’audit est faite. Et même une fois la mention HVE obtenue, le vigneron considère la démarche peu contraignante. « Concernant la paperasse, ça concerne principalement les bilans d’IFT, mais logiquement ils sont faits quoi qu’il en soit », dit-il. « Et quelques courriers d’échanges avec l’organisme de certification, fait remarquer Fabienne Rozel, la mère du vigneron, préposée au travail de bureau. Ce n’est pas grand-chose mais c’est toujours ça qui s’ajoute au reste. » La certification est délivrée pour trois ans, et un audit de contrôle est réalisé tous les dix-huit mois. « Si l’on est bien préparé, l’audit ne dure guère plus de deux heures », assure Matthieu Rozel. L’auditeur pointe méthodiquement tous les critères inhérents aux quatre thématiques que sont la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la fertilisation et l’irrigation pour vérifier la conformité. Puis il passe rapidement dans les vignes pour constater les éléments de biodiversité éventuellement mentionnés (enherbement, bordures, haies, arbres isolés…).

Aller vers des pratiques toujours plus vertueuses

Le domaine Rozel essaie d’utiliser les indicateurs de la HVE et les résultats de chaque audit pour s’améliorer tous les ans dans sa démarche environnementale. De fil en aiguille, ce processus permet à la famille de se poser de nouvelles questions et d’aller vers des pratiques toujours plus vertueuses. C’est ainsi que les propriétaires ont commencé à se pencher sur les questions de sol il y a quelques années, et à s’essayer aux engrais verts. Ils ont d’ailleurs fabriqué leur propre semoir il y a quatre ans. « Quand ça marche c’est top, se réjouit le vigneron. Mais il va nous falloir du temps pour maîtriser pleinement la pratique. » L’an dernier, sur les conseils d’agroforestiers, le domaine a fait tailler quelques arbres pour en faire des trognes (arbres vivants dont l’on exploite le bois au fur et à mesure). Le bois raméal fragmenté (BRF) issu de ces coupes a été utilisé pour l’amendement des vignes. La famille Rozel s’est également rapprochée d’organismes naturalistes locaux pour travailler de concert et aller plus loin sur le volet « biodiversité ». C’est ainsi qu’ont été posés l’an dernier des nichoirs dans les vignes. Le domaine œuvre aussi à la création d’un sentier de découverte sur la propriété visant à présenter la richesse de la biodiversité locale à travers quatre grands écotypes que l’on trouve au sein de la propriété. Car l’œnotourisme fait partie des activités du domaine. « Il y a des nombreux touristes estivants dans la région, et nous sommes situés sur la route du château de Grignan, qui est l’un des sites les plus visités dans la Drôme », explique Matthieu Rozel. Le domaine propose des balades dans les vignes en gyropode et en trottinette, des repas champêtres et même une journée vendanges. Il est d’ailleurs labellisé Vignoble et découverte.

Un public réceptif, qui adhère à l’idée quand on lui explique

« C’est surtout là où la démarche HVE prend un sens, poursuit le vigneron. On parle aux gens, on explique notre démarche et on fait passer des messages. Pour le visiteur ça devient quelque chose de visible et concret. » L’exploitant regrette toutefois que la Haute valeur environnementale ne soit pas un élément qui puisse permettre une valorisation financière. Certes, la certification a permis parfois au domaine Rozel d’accéder à un marché ou à être prioritaire vis-à-vis d’un acheteur, mais il n’a jamais pu en tirer un prix à la hausse. Aussi les propriétaires ont décidé de passer en agriculture biologique certifiée dès l’an prochain, en espérant créer ainsi une réelle valorisation. « Mais cela ne remet pas en cause la certification HVE », précise Matthieu Rozel. Le logo HVE continuera donc d’être arboré sur les bouteilles du domaine. D’autant plus que l’on commence à voir sur les salons des clients qui cherchent les stands revendiquant cette certification, selon le vigneron. « Cela n’empêche pas qu’il y ait encore beaucoup de travail de pédagogie, nous restons des pionniers, ajoute-t-il. Il faut l’expliquer mais lorsqu’on échange avec les gens et qu’on leur donne les clés pour comprendre, en général ils sont convaincus par la démarche. » La seule chose qui pourrait à terme le détourner de la certification HVE serait de voir la signification de ce signe galvaudée ou bien la stagnation du cahier des charges, qui ne permettrait pas de suivre l’évolution des demandes sociétales.

Les aides et formations pour la certification

Il n’existe pas d’aide au niveau national pour le passage à la HVE. Des parlementaires ont poussé ces derniers mois pour la mise en place d’un crédit d’impôt, mais les niches fiscales ne sont pas à la mode en ce moment. De nombreuses régions ont toutefois choisi de promouvoir la HVE en créant des subventions sur fonds propres ou sur fonds européens (Feader par exemple). Ainsi le coût de la certification HVE peut être pris en charge au titre de l’aide aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles. C’est le cas notamment en Nouvelle-Aquitaine, où la région propose 440 € pour la voie A et 200 € pour la voie B. « De telles initiatives régionales devraient se multiplier avec la montée en puissance de la HVE, ça bouge très vite », prévoit Laurent Brault, de l’association HVE Développement. Pour ce qui est de la formation, de nombreuses structures comme les chambres d’agriculture, les coopératives d’approvisionnement ou entreprises en conseil en proposent. Elles sont référencées sur le site internet de l’association HVE Développement. À titre indicatif, l’ICV propose la formation « Conduire son exploitation vers la HVE » sur une journée au tarif de 290 € HT/stagiaire. Le coût de ces formations peut être pris en charge via un financement Vivéa ou Ocapiat (ex-Fafsea). À noter que les Vignerons indépendants ne réalisent plus de formation en interne, mais ont passé des accords avec des organismes locaux.

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