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Une conjoncture argentine favorable

Réouverture des frontières, peso fort et inflation boostent la compétitivité des vins importés sur le marché argentin. La hausse de qualité globale de la production locale a par ailleurs fait naître une culture du vin avec des amateurs souvent lassés du malbec.

L’heure de l’Argentine est-elle revenue, comme marché d’exportation s’entend, un siècle après l’Époque dorée (1880-1930) ? Il se pourrait bien. La droite libérale arrivée au pouvoir par les urnes, il y a un an, avec Mauricio Macri, a rouvert les frontières. Dans le même temps, l’inflation des prix en peso persiste et la compétitivité des vins importés grimpe de facto en flèche. De plus, la clientèle locale a pris au goût aux vins de qualité, du simple fait du saut qualitatif notable accompli par la filière ces quinze, vingt dernières années. De plus, cette clientèle commence à se lasser du malbec. Le cépage originaire du sud-ouest de la France, qui s’est merveilleusement adapté aux vignobles d’altitude dans les Andes, se taille en effet la part du lion dans les rayons vins des supermarchés d’Argentine. De son côté, la représentation française est limitée au champagne. Et encore, pas toujours.

Le marché argentin des vins importés « reste un marché de niche et un petit, presque circoncit aux beaux quartiers de Buenos Aires », avertit le principal distributeur de vins français du pays, Nicolás Lévy (voir entretien), patron de la boutique Grand Cru. Et en effet. 666 000 euros et des poussières ; tel est le chiffre d’affaires de vins français en Argentine, si l’on s’en tient aux opérations réalisées par les distributeurs indépendants en 2016. Si l’on y ajoute les importations effectuées en interne par de très grandes caves, la présence des vins français en Argentine augmente considérablement. La maison Chandon seule, par exemple, a importé l’an dernier son champagne pour 4,4 millions d’euros, selon le système de statistiques douanières Urunet.

Proposer des alternatives aux malbecs titrant 15 ou 16 % alcool

Cette fenêtre étroite ouverte aux vignerons de France est plus accessible à présent et devrait l’être encore davantage en 2018, sauf en cas d’une improbable dévaluation monétaire brutale. Or, à Buenos Aires, tout est à faire. Soit dans le sillon du champagne pour les producteurs de mousseux, soit en jouant la carte de la différence de goût face à ces jeunes rouges des Andes qui titrent 15-16 degrés d’alcool. Le marché argentin reste approvisionné presque exclusivement par les vignerons nationaux, qui offrent de jeunes et forts malbec pour accompagner la traditionnelle grillade de bœuf du dimanche. C’est là, justement, que se trouverait l’opportunité des propositions alternatives. Surtout après une décennie 2006-2015 marquée par des restrictions aux importations. Les Argentins en ont été frustrés.

Cette période a vu aussi une hausse globale de qualité accomplie par des caves qui travaillent souvent avec des œnologues, des technologies et des matériaux français, comme le chêne pour les fûts. « Ce fut une révolution », n’hésite pas à dire Nicolás Lévy. Les consommateurs en ont tiré parti. Les Argentins avaient déjà la culture du vin de table. Ils ont acquis une exigence, une recherche. Et c’est une bonne nouvelle pour tous les vignerons.

Le jeune sommelier, Marcelo Yanisky, qui a ouvert sa cave à vins Soil, dans le centre de Buenos Aires, avec un rayon de vins importés qui trône en boutique, identifie deux types de clientèle : la connaisseuse et la néophyte assumée. « Le palais de celle-ci est davantage prêt à aborder des bordeaux, des côtes-du-rhône, forts, corpulents et au prix accessible, estime-t-il. En revanche, pour le bourgogne Louis Latour que je propose, son appréciation requiert des connaissances que n’a pas forcément le consommateur lambda. »

Une consommation de vin en chute à 24 l/an/capita

« Cette année, trois distributeurs nous ont proposé des vins français, ce qui n’était pas le cas les années précédentes", informe Jonathan Bravo, vendeur chez Ligier, l’une des quatre chaînes de vinothèques qui opèrent en Argentine aux côtés de Winery, Tonel Privado et Frappé. Chacune compte une quinzaine de succursales, la plupart à Buenos Aires.

Côte production, l’Institut national vitivinicole argentin recense 864 caves en activité, soit une centaine de moins qu’il y a dix ans, et dont une trentaine est en vente, le triple d’une année « normale ». À cause de pluies excessives, la dernière récolte fut la pire depuis un bon demi-siècle, à 8,8 millions d’hectolitres contre 15 millions d’hectolitres en moyenne, reléguant l’Argentine du cinquième au neuvième rang des pays producteurs, derrière le Chili même, selon l’OIV. Par ailleurs, le négoce de l’export est devenu plus difficile avec ce peso fort, et l’inflation qui renchérit le coût de la bouteille à Mendoza, tandis que le marché intérieur se rétrécit pour une raison structurelle. En 2005, le niveau de consommation de vin en Argentine se situait autour de 34 litres par an et par habitant. À présent, il est à 24 litres. Sur la même période, on remarque l’essor de la bière et l’engouement récent pour la bière artisanale, qui se traduit par la hausse de consommation de bulles de malt de 30 à 43 litres par an et par habitant.

Dans un tel contexte, l’un des rares facteurs de croissance ou de maintien de la consommation de vins pourrait venir des importés, tant que leur différence et qualité justifieront leur présence. En tout cas, la conjoncture économique met l’Argentine à portée des fournisseurs étrangers comme rarement.

avis d’expert

(((Lévy)))

« Les vins importés sont redevenus compétitifs et cela devrait durer »

"Je me suis lancé dans l’importation de vins avec mon père en 1998 et travaille actuellement avec 150 caves, en majorité françaises. Je revends leurs bouteilles dans ma boutique de Buenos Aires, le Grand Cru, et comme grossiste auprès d’une vingtaine de restaurants et d’hôtels de luxe. C’est un marché de niche et un petit, comme c’est le cas dans tous les pays grands producteurs de vins. Ce marché s’agrandit actuellement avec un dollar à 15,5 pesos alors que certains jugent que la cotation réaliste devrait plutôt se situer autour de 20 pesos.

Le rosé de Provence est à la mode. Par ailleurs, même si les Argentins préfèrent les rouges fortement alcoolisés, il y a un réel intérêt pour des vins fruités et légers qui jouent sur les minéraux. Les amateurs, peu nombreux, restent essentiellement des riverains de la capitale argentine. Les villes de Rosario et de Córdoba, où a grossi une nouvelle classe de riches propriétaires terriens et entrepreneurs, qui ont prospéré avec l’agriculture et l’élevage, ne constitueraient pas une clientèle massive. Plus on s’éloigne de la capitale, plus le consommateur est conservateur et préfère donc du vin argentin classique, c’est-à-dire du malbec et pas trop cher.

Je pense que le peso ne devrait pas dévisser par rapport au dollar. Le marché me semble donc favorable. Mais nous sommes en Argentine. Lors de la crise financière de 2001, l’abandon soudain de la parité du peso avec le dollar lui avait fait perdre quatre fois sa valeur en l’espace de quelques semaines, vouant à l’échec toute opération d’importation."

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