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Gérer Ventes
Réagir face à un retard de retiraison du vin

Lorsqu’elle devient conflictuelle pour cause de délais non respectés, la retiraison cristallise le rapport de force souvent inégal entre le producteur et l’acheteur. Les voies de recours ne sont pas légion.

Source de difficultés de trésorerie et de stockage pour les exploitations, la non-retiraison d'un vin laisse souvent les producteurs démunis faute d'encadrement des contrats et de soutien juridique.
Source de difficultés de trésorerie et de stockage pour les exploitations, la non-retiraison d'un vin laisse souvent les producteurs démunis faute d'encadrement des contrats et de soutien juridique.
© C.de Nadaillac

Lorsqu’elle devient conflictuelle pour cause de délais non respectés, la retiraison cristallise le rapport de force souvent inégal entre le producteur et l’acheteur. Les voies de recours ne sont pas légion.

La retiraison, ou obligation de retirement, est le « rigoureux symétrique de l’obligation de délivrance qui pèse sur le vendeur » définissent Jean-Marc Bahans et Michel Menjucq dans leur Droit du marché vitivinicole (éditions Féret). La retiraison doit se faire selon le délai mentionné dans le contrat. En cas d’absence de stipulation, « la jurisprudence impose un délai raisonnable eu égard à la nature du produit et aux usages locaux », indique l’ouvrage. Comme vous avez été nombreux à en témoigner sur Facebook, le problème est que le délai est toujours déraisonnable, donc source d’angoisses multiples.

La rédaction du contrat de vente en question

« Le contrat oral, encore très courant peut donner lieu à ce genre de déconvenue », souligne une vigneronne ligérienne. « Les moyens à la disposition de l’exploitant sont très faibles. Ce n’est pas facile d’imposer une date de retiraison à l’acheteur. Fixer une date de règlement ne résout pas le problème puisque c’est la date de retiraison qui déclenche le paiement », pose Christophe Tichadou, PDG du cabinet d’expertise-comptable Alliance Expert. Il alerte sur le fait qu’un contrat pluriannuel ne définit pas pour autant le mécanisme de retiraison. « Il faut que ça soit un véritable contrat de vente, pas un engagement à acheter à négocier », souligne Éric Tesson, directeur de la Cnaoc.

Atouts et limites des contrats type

Certaines interprofessions ont élaboré des contrats type mais ils ont chacun leurs conditions. « Le CIVB a défini un accord avec une date de paiement en jours après retiraison mais n’a pas fixé de règle sur la fixation de la date de retiraison. Dans cette configuration, l’acheteur n’est pas pris en faute. On en arrive au paradoxe que si l’exploitant rompt le contrat, c’est lui qui est en faute ! Le CIVL a fixé le paiement 45 jours après la retiraison, détaille Christophe Tichadou. Les contrats imposent une date de retiraison et si dédit, une pénalité de 10 % ».

Encore faut-il que le contrat soit respecté. Un vigneron rhodanien note par exemple que les contrats prévoyant le versement d’acompte ne le sont jamais. À moins qu’une année avec aléas climatiques et volumes en baisse tende les approvisionnements. Un vigneron languedocien constate que le courtier, même s’il a intérêt à ce que la vente se fasse, ne veut pas toujours se mouiller par peur de perdre l’acheteur.

Trouver la force d’imposer des conditions

« On se tasse, on attend, mais ce n’est pas la bonne solution », déplore un vigneron gersois. Confronté plusieurs fois à ce problème avec le même courtier, il s’est retrouvé démuni avec des délais qui ont atteint un an voire un an et demi ! Face à la perte d’argent constatée, il a fini par dépasser le sentiment de n’être pas « de taille à agir » et a décidé d’étaler ses ventes sur deux courtiers au lieu d’un. « Bizarrement les retiraisons vont plus vite depuis », ironise-t-il.

Le soulagement d’avoir trouvé un acheteur ne doit pas éluder le contrat lui-même. C’est grâce à la présence d’une date de retiraison dans le contrat qu’un vigneron gardois explique avoir pu casser une vente. Lassé d’attendre plusieurs mois pour voir partir le vin programmé pour retiraison en début d’année, il s’est appuyé sur le non-respect de la date butoir pour trouver un autre acheteur. Il s’est résolu à rayer le premier négociant de ses débouchés potentiels. Et au final, à changer de stratégie en ne vendant plus que du raisin et plus du tout de vrac.

Un sujet qui mérite davantage d’attention

Le domaine de Coulondres, dans l’Hérault, s’est retrouvé à puiser dans ses réserves de trésorerie du fait d’une importante retiraison non effectuée. « On a fait des mails, des courriers, on a facturé des frais mais en fait, nous n’avons pas de moyens de pression », vitupère Ethel Diaz, cogérante. Le domaine a cherché auprès de structures telles que la FDSEA ou le CIVL mais qui n’ont conseillé que le recours juridique, peu adapté compte tenu de la longueur et du coût des procédures. L’acheteur a fini par retirer le vin au bout d’un an, mais n’a pas honoré les frais de retard. « On n’est pas soutenus en tant que vendeurs », se désole Ethel Diaz.

Nous l’avons constaté dans notre enquête. Le sujet de la retiraison reste un tabou, entre vignerons souhaitant rester anonymes, ou structures syndicales bottant en touche ou minimisant le sujet. En cas de problème, la relation reste asymétrique entre producteur et acheteur. La Cnaoc estime que peu de plaintes lui remontent du terrain. L’argument souvent entendu de l’impossibilité d’encadrer les contrats face à la diversité des usages locaux ne tient guère. Où que l’on soit dans le vignoble, du vin qui ne part pas du chai, ce sont les mêmes problèmes de trésorerie fragilisant les exploitations, de coût et de capacité de stockage, de risque de dévalorisation du travail du vigneron. Le problème est national. Faire remonter le maximum de plaintes pourrait faire bouger les choses.

« Les contrats sont souvent trop imprécis »

Gautier Deramond de Roucy, avocat expert du droit viticole rappelle que si chaque secteur a ses spécificités, le droit commun des contrats reste la base applicable dans le cas du vin. Il invite donc déjà à être vigilant sur la rédaction du contrat.

En cas de non-respect d’une date butoir, peut-on casser le contrat ?

Effectivement dans le cas du non-respect de la date butoir, le producteur pourrait retrouver sa liberté en se fondant sur les dispositions de l’article 1226 du Code civil : « le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution. »
Il faut donc un contrat qui fixe des modalités de retiraison avec une date ou une période définies ainsi qu’un échéancier de paiement. Les contrats sont souvent trop imprécis.

Quels éléments sont à utiliser comme preuve de non-retiraison ?

Se ménager des preuves est indispensable pour pouvoir faire jouer l’inexécution du contrat fondant sa résiliation ou son exécution forcée. L’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception est une première étape. Les échanges de mails peuvent également servir de preuve. Mais on ne peut pas se reposer sur des textos et des conversations orales. Matériellement, c’est facile de prouver que la récolte n’a pas été retirée. Faire appel à un huissier n’est utile que s’il y a un problème de preuve car le témoignage de l’huissier ne peut être remis en cause.

Comment faire pression sur l’acheteur pour qu’il exécute son engagement ?

Si l’envoi d’une mise en demeure avec menace de faire jouer la preuve de l’inexécution ne donne rien, s’il y a désaccord et discussion, on peut prendre contact avec un avocat qui analysera s’il est possible de faire jouer l’exécution forcée ou de solliciter la résiliation et l’octroi de dommages et intérêts. Une lettre d’avocat peut parfois débloquer la situation. Chaque cas est différent. Cela dépend aussi des montants en jeu. Un mauvais accord vaut parfois mieux qu’un bon procès qui s’avérera plus coûteux. Les actions en justice, c’est long. Il ne faut y aller que si on a un autre acheteur. C’est souvent une source de stress importante pour les gens qui s’y lancent.

en bref

- Prendre le temps, au moment de la conclusion de la vente, d’établir un contrat prévoyant une date butoir de retiraison.

- Lorsque la retiraison n’a pas lieu à la date prévue, envoyer une lettre de mise en demeure en recommandé avec accusé de réception en proposant éventuellement un nouveau délai.

- Si l'on souhaite se défaire du contrat, invoquer l'article 1657 du Code civil.

 

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