Quelles sont les différentes matières organiques que l'on trouve dans un sol viticole et quelles sont leurs fonctions ?
        
      
      
            Les viticulteurs ont tendance à regarder la matière organique totale. Mais elle est présente sous différentes formes, qui soutiennent différentes fonctions, d’où l’intérêt de la caractériser.
      
Les viticulteurs ont tendance à regarder la matière organique totale. Mais elle est présente sous différentes formes, qui soutiennent différentes fonctions, d’où l’intérêt de la caractériser.
La matière organique liée
La matière organique stable est constituée des fractions de matière organique les plus fines, d’une taille inférieure à 50 µm. Fruit d’une longue dégradation, on la qualifie aussi parfois de « stable », d'« évoluée » ou encore d'« humus ». « Ces petites particules ont les mêmes capacités de floculation et de liaison que les argiles, grâce à leurs charges négatives », explique Thibaut Déplanche, directeur général de Celesta-lab. Elles entrent d’ailleurs dans la composition du complexe argilo-humique, qui participe à la capacité d’échange cationique. Thibaut Déplanche compare volontiers la matière organique stable à un gîte, qui servirait à accueillir les micro-organismes du sol. « La matière organique évoluée joue le rôle de colle, décrit Laure Thévenin-Metzger, directrice du centre de recherche Rittmo agroenvironnement. Elle participe à la structure du sol : ses agrégats, ses pores. C’est grâce à elle qu’une terre va retenir l’eau, se ressuyer, respirer. » Cette fraction représente 70 à 90 % de la matière organique totale d’un sol et peut subsister de quelques décennies à quelques siècles (50 ans en moyenne).
La matière organique libre
La matière organique libre est constituée des fractions les plus grossières, qui sont principalement des débris végétaux en décomposition et déjections animales. On l’appelle aussi parfois matière organique « particulaire ». Certains la divisent en deux catégories, une partie « fraîche », dont les fragments sont d’une taille supérieure à 200 µm, et une partie parfois qualifiée de « labile » ou de « transitoire », comprise entre 50 et 200 µm. La matière organique libre est une source d’énergie pour les organismes vivants dans le sol : elle est le support de l’activité biologique, et donc de la fertilité. C’est en dégradant ces fractions que les microorganismes libèrent les éléments minéraux. « Ce compartiment a principalement une fonction nutritive, relate Thibaut Déplanche. C’est le buffet ! »
La matière organique fraîche correspond à 1 à 6 % de la matière organique totale et est généralement dégradée dans les deux à cinq ans. La fraction transitoire représente 4 à 10 % du total, sa durée de vie étant de dix à quinze ans.
comprendre
La matière organique représente tout ce qui est vivant ou bien issu du vivant. Elle est majoritairement composée de molécules associant des atomes de carbone, d’oxygène, d’azote et d’hydrogène. Les micro-organismes du sol dégradent ces molécules pour en récupérer l’énergie : c’est la minéralisation. Lors de ce processus, le carbone et l’oxygène finissent évacués sous forme de CO2, et l’azote (ainsi que les autres éléments moins abondants) est remis à disposition dans le sol.
Quel type de matière organique vaut-il mieux apporter ?
« On cherche en apparence des choses qui sont un peu contradictoires, relevait Claire Chenu, directeur de recherche à l’Inrae, lors des rencontres internationales de l’agriculture du vivant. On souhaite d’une part stocker les matières organiques, pour améliorer les capacités de rétention d’eau et d’éléments dans le sol, mais aussi les consommer, pour alimenter l’activité biologique et assurer ainsi la fourniture de nutriments. » Les deux sont possibles, mais c’est un compromis à gérer. D’où l’intérêt de savoir dans quels compartiments se trouve notre matière organique et d’identifier les fonctions sur lesquelles on souhaite jouer.
Les intrants avec un indice de stabilité des matières organiques (Ismo) faible, comme les couverts végétaux, pailles ou fumiers, assureront un apport en matières organiques libres, alors que les composts et digestats, aux Ismo élevés, permettront de compléter les fractions stables. Attention toutefois, ce n’est pas parce que l’on a mis en place le gîte et le couvert qu’il y aura systématiquement le festin. « C’est pourquoi il est important de mettre cela en parallèle avec la présence des micro-organismes du sol et leur activité », prévient Thibaut Déplanche. Toutes les biomasses microbiennes n’ont pas les mêmes capacités de minéralisation.
Quelles sont les analyses adéquates pour estimer les fractions de son sol ?
Il existe une norme Afnor pour le fractionnement des matières organiques particulaires (NF X31-516). « Mais on trouve des méthodes diverses et variées, décrypte Laure Thevenin-Metzger. Certains laboratoires ont développé leurs propres expertises tirées de travaux scientifiques. » D’aucuns utilisent des méthodes physiques pour le calcul, comme le tamisage, d’autres des méthodes chimiques, comme l’extraction, ou d’autres encore la spectroscopie. Il est donc recommandé de choisir des laboratoires qui ont développé une certaine notoriété sur le sujet ou, a défaut, de vérifier qu’ils soient accrédités Cofrac (1).
Sabrina Bourrel, conseillère en agronomie à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, pointe le fait que ces analyses sont plus onéreuses, jusqu’à 250 euros, contre une soixantaine pour une analyse physico-chimique classique. « Sans compter que l’interprétation est compliquée, ajoute-t-elle. Ce qui les rend peu accessible pour des contrôles en routine. Elles permettent toutefois de débloquer des situations dans des parcelles présentant des problèmes physiologiques. »