La minute droit
Quelle attitude adopter face à une poursuite pour fraude vitivinicole ?
Face à des poursuites pour fraude, la transaction est une voie encore peu connue. Le point avec Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats, experts du droit vitivinicole au sein du cabinet JP Karsenty & Associés.
Face à des poursuites pour fraude, la transaction est une voie encore peu connue. Le point avec Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats, experts du droit vitivinicole au sein du cabinet JP Karsenty & Associés.
Quelles administrations effectuent les contrôles en matière vitivinicole ?
L’administration des Fraudes (Dreets-DGCCRF) assure la sauvegarde de l’ordre public économique viticole. Dans ce cadre, elle jouit d’une autorité de police économique et de prérogatives importantes et, le cas échéant, d’un pouvoir de sanction. Elle dispose également d’un pouvoir d’enquête et de contrôle, lequel peut donner lieu à des suites, soit administratives, soit judiciaires, voire les deux.
L’administration des Douanes (DGDDI) a un rôle de protection pénale du marché vitivinicole et sa mission est d’accompagner et de contrôler les opérateurs de ce marché dans l’accomplissement de leurs formalités administratives et déclaratives.
Les contrôles peuvent être effectués conjointement par ces deux administrations.
Comment ces administrations interviennent-elles ?
Dans le domaine vitivinicole, les comportements pénalement répréhensibles peuvent être du type : tromperies ou tentatives de tromperie, falsifications, utilisations frauduleuses d’appellations, pratiques commerciales trompeuses ou déloyales, tenue irrégulière des registres de comptabilité matière ou encore manquants ou excédents de vins. Les administrations disposent de plusieurs moyens pour établir la preuve de telles fraudes. Il peut y avoir recueil de documents et de déclarations, saisie fictive ou réelle des vins ou prélèvement d’échantillons.
À la fin des investigations, si l’administration considère que les faits constatés sont constitutifs d’une infraction, elle établit un procès-verbal.
Comment réagir en cas de poursuite ?
Il peut parfois être opportun pour l’opérateur d’éviter toute procédure judiciaire et de transiger dès que cette voie lui est ouverte. Car dans ce domaine, de lourdes sanctions peuvent être prononcées par les tribunaux et des différences de condamnations pour des faits parfois similaires ne sont pas à exclure.
La transaction peut être envisagée à deux niveaux :
- Soit par les autorités de régulation, après avoir relevé les infractions commises par l’opérateur, et avant la transmission du dossier au procureur de la République compétent,
- Soit par le procureur de la République, en tant que « juge de l’opportunité des poursuites », dans le cadre de la répression pénale.
Dans le cadre de cette deuxième situation, nous pensons que la composition pénale est une voie à suivre. Elle est encore trop méconnue.
Quels sont les avantages de la composition pénale ?
Ses atouts sont nombreux. Son champ d’application est large, étant applicable aux personnes physiques et morales, en matière contractuelle et délictuelle, sous réserve que la peine maximale encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement.
Elle peut être proposée par le procureur de la République, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement et qu’aucune poursuite n’a été engagée, mais aussi par la personne poursuivie.
Les peines d’interdiction d’exercer et/ou celles de fermeture temporaire ne font pas partie des mesures prévues, ce qui assure la continuité économique de l’entreprise.
Enfin, l’impact négatif en termes d’image auprès des consommateurs est limité : pas d’audience, ni de publication de la décision prononcée.
La composition pénale présente donc le double avantage d’être une alternative aux poursuites et d’éviter des procédures judiciaires longues, coûteuses, avec un impact public qui peut s’avérer nocif et une issue incertaine. C’est une procédure pragmatique que les opérateurs du monde vitivinicole ont tout intérêt à garder en tête.
Quelles sont les étapes d’une composition pénale ?
Le procureur ou le justiciable proposent la mesure. Ensuite vient la phase d’acceptation de la mesure et de la peine proposée à l’auteur des faits par le parquet. Enfin le juge homologateur décide de valider ou d’invalider la mesure. Une fois que les mesures prescrites par la composition ont été exécutées, l’action publique s’éteint.
Comme toute transaction, la composition pénale est une affaire de négociation. Les opérateurs du monde vitivinicole qui y auraient recours devraient, sans l’ombre d’un doute, insister sur les difficultés engendrées par la situation économique actuelle afin de limiter au maximum le montant de l’amende éventuelle.