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Quel impact des pesticides sur la biodiversité : les sept enseignements de l’expertise collective d’Inrae et Ifremer

Une expertise scientifique collective menée pendant deux ans par l’Inrae et l’Ifremer apportent des conclusions intéressantes sur l’effet des produits phytopharmaceutiques sur l’environnement et la biodiversité.

Jachère fleurie (biodiversité)
© Christian Gloria

« L’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins, notamment côtiers, sont contaminés par les produits phytopharmaceutiques ». Voilà ce que conclut une expertise scientifique collective menée par l’Inrae et l’Ifremer sur les impacts des pesticides sur la biodiversité et les services écosystémiques, à la demande des ministères de la Transition écologique, de l’agriculture et de la recherche dans le cadre du programme Ecophyto II. « Des impacts directs et indirects de ces substances sont également avérés sur les écosystèmes et les populations d’organismes terrestres, aquatiques et marins », précisent également les deux instituts de recherche qui soulignent que « la contamination tend néanmoins à diminuer pour les substances interdites depuis plusieurs années ».

Au-delà des grandes conclusions, cette expertise collective qui a mobilisé 46 experts affiliés ayant étudié 4000 références scientifiques issues de la littérature mondiale durant deux ans, apporte d’autres enseignements :

  • Depuis les années 2000, la surveillance de la contamination des différents écosystèmes par les produits phytopharmaceutiques a été progressivement renforcée. « La liste des substances recherchées s’est allongée et les capacités d’échantillonnage, d’analyse et de détection se sont améliorées, offrant aujourd’hui une image plus précise de la contamination des milieux », pointent l’Inrae et l’Ifremer.
     
  • L’analyse bibliographique montre « une large contamination des écosystèmes par les produits phytopharmaceutiques, avec un pic de contamination dans les espaces agricoles (sols, petits cours d’eau et air) ». Mais la contamination touche aussi les zones situées à distance des parcelles cultivées, comme les milieux aquatiques et les sédiments. Et ce même « jusqu’à des milieux reculés comme les zones proches des pôles et les grands fonds marins ». Parmi les substances retrouvées à des centaines ou des milliers de kilomètres de leur zone d’application : « on retrouve notamment celles interdites depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, dont la concentration tend toutefois à diminuer », précisent l’Inrae et l’Ifremer. Dans le détail, la contamination des eaux est dominée par les herbicides, majoritairement hyrdophiles, alors que les insecticides (majoritairement hydrophobes) sont retrouvés dans les sols et sédiments et le biote. Les fongicides sont pour leur part essentiellement retrouvés dans les sols et l’air.
  • Dans les espaces agricoles de la métropole, « les pesticides sont impliqués dans le déclin des populations d’invertébrés terrestres (comme les insectes pollinisateurs et les coléoptères prédateurs de certains ravageurs des cultures), d’invertébrés aquatiques et d’oiseaux communs », confirme l’expertise scientifique collective. De nombreux travaux ont permis d’identifier des effets directs aigus, allant jusqu’à la mort d’individus, ou les effets d’une exposition chronique. Des effets indirects ont également été constatés, essentiellement liés à la réduction des ressources alimentaires ou à l’altération voire la suppression d’habitats, relèvent les experts de l’Inrae et d’Ifremer.
     

Biocontrôle : toxicité équivalente voire supérieure à leurs homologues de synthèse

  • Dans le cas du biocontrôle, « si l’expertise confirme que la plupart des substances et organismes dits de biocontrôle présentent une faible persistance et une faible écotoxicité, quelques-uns font néanmoins exception », mettent en exergue l’Inrae et Ifremer. Certains produits de biocontrôle (comme l’abamectine ou le spinosad) « montrent une persistance et/ou une toxicité équivalente(s) voire supérieure(s) à celles de leurs homologues de synthèse ». L’expertise collective souligne aussi que l’utilisation d’organismes vivants dans le biocontrôle peut conduire à leur échappement conduisant à une baisse de la biodiversité (exemple de la coccinelle arlequin).
     

Les effets cocktails sous-estimés

  • « La réglementation européenne de mise sur le marché et d’utilisation des produits phytopharmaceutiques est une des plus exigeantes au monde », reconnaissent les experts qui estiment néanmoins qu’elle « ne prend pas suffisamment en compte la complexité des effets sur la biodiversité et sous-estime l’effet cocktail des substances qui se mélangent et se cumulent dans l’environnement ».
     

Le rôle des modalités d’application et des aménagements paysagers

  • L’expertise confirme par ailleurs que les modalités d’application des pesticides ainsi que certains aménagements paysagers (bandes enherbées, haies…) permettent de limiter la contamination de l’environnement et ses impacts.
     
  • La part relative des pesticides dans l’érosion de la biodiversité est difficile à un établir dans un contexte multifactoriel associant plusieurs types de pressions chimique, physique (destruction de l’habitat par exemple), et biologique, tiennent à souligner l’Inrae et l’Ifremer.

 

A l’issue de cette expertise collective, les deux Instituts soulignent la nécessité de « promouvoir des stratégies de recherche plus intégrées pour permettre la prise en compte de la réalité complexe des expositions aux pesticides et de leurs effets ».

 

Les pratiques et systèmes agricoles font l’objet d’une autre expertise
« L’expertise ne traite pas des pratiques et systèmes agricoles, notamment ceux qui sont susceptibles d’assurer la protection des cultures sans recours aux produits phytopharmaceutiques », notent l’Inrae et l’Ifremer. Ces thématiques dont l’objet de travaux conduits en parallèle, notamment via l’expertise scientifique collective sur l’utilisation de la diversité des couverts végétaux pour réguler les bioagresseurs dont les résultats seront rendus à l’automne 2022, et le programme de recherche Cultiver et protéger autrement.

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