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La consommation de vin doit inventer son fléxitarisme

Le marché du vin est confronté à l’essor du sans et du moins d’alcool. Un phénomène qui rappelle le fléxitarisme, attitude qui consiste à manger de façon assumée moins de viande sans devenir pour autant végétarien. Pour le vin comme pour la viande, la tendance dépasse l'effet de mode.

dessin de Mich
© Mich

Boire moins mais mieux… la tendance est enclenchée depuis les années 80. Le « vin boisson » est devenu « vin plaisir », consommé de façon occasionnelle par 51 % des Français. Il n’y a plus que 16 % de consommateurs réguliers (1). Mais depuis quelques années, la revendication d’une abstinence ou d’une limitation de sa consommation d’alcool est un phénomène de société. Symbolique, le très médiatisé Dry January n’a pas eu d’impact notable sur les ventes en grandes surfaces. Mais pour Éric Birlouez, sociologue de l’agriculture et de l’alimentation, le rapport à l’alcool a bien changé. « Je le relie à la tendance du sans : sans ogm, sans viande, sans lactose… qui s’appuie sur une montée des peurs alimentaires, une recherche de naturalité et sur l’envie de reprendre le contrôle de son alimentation. On décide d’un comportement pour dire qu’on décide quelque chose et par souci de distinction aussi. » Fait nouveau, la force du lien entre santé et alimentation s’observe y compris parmi les jeunes générations. « Ces jeunes ont grandi avec le Plan national nutrition santé (PNNS) lancé en 2001. Ils ont ça dans la tête ». On peut bien sûr y ajouter aussi la loi Evin.

Une nouvelle éthique de la modération

Même sentiment chez Jérémy Arnaud et Joëlle Brouard, de l’agence de conseil en marketing du vin Terroir Manager. « Il y a un reparamétrage de la consommation depuis les années 90. Le vin doit s’adapter à une époque qui donne au sans alcool et au « sans » en général une importance particulière. Ce n’est pas une mode mais un mouvement profond, structurel et universel. La consommation de vin n’est plus un héritage qui se transmet. » Le regard sur les aliments même traditionnels change, et le vin n’y échappe pas.

En conséquence, le lien entre convivialité, fête et alcool n’est plus systématique. « On recherche l’expérience et pas forcément l’ivresse », constate Marie Mascré, cofondatrice de l’agence de conseil en stratégie Sowine (2). "Le consommateur veut se faire plaisir sans se faire bobo", ironise Jérémy Arnaud. Le vin doit s’habituer à partager les moments de convivialité avec d’autres produits. Les boissons imitant les codes de l’alcool mais n’en contenant pas (façon Canada Dry) séduisent davantage. Entre 2015 et 2018, la part de foyers achetant des boissons désalcoolisées (bières, vins tranquilles ou effervescents, spiritueux, vins aromatisés) est passée de 15,5 % à 24 % (3).

L’image du sans alcool change

« Avant, ne pas consommer de l’alcool était ringard et venait surtout d’une obligation. Depuis un à deux ans, c’est devenu tendance. Le consommateur peut mixer sans alcool et alcool par choix. Il s’adapte au contexte, prend en compte s’il doit conduire ou s’il a une réunion importante le lendemain », atteste Frédérique Lenoir, directrice marketing de Freixenet Gratien. L’entreprise développe la marque de pétillant sans alcool Festillant depuis dix ans. Grâce à leur image renouvelée, les boissons désalcoolisées n’hésitent plus à viser un public jeune, à l’image des effervescents brut et rosé sans alcool X zéro lancés par Ackerman, il y a un an. Pour Estelle Guérin, directrice marketing et vente directe chez Orchidées Maisons de vin, ce "positionnement peut être assumé de façon positive, comme pour une boisson à part entière ». La marque joue aussi sur la tendance cocktails pour atteindre sa cible.

L’attractivité des boissons rafraîchissantes sans alcool, les BRSA en langage marketing, est aussi forte grâce à un renouvellement permanent auquel les jeunes sont très réceptifs. Avec des boissons qui surfent sur la tendance "saine" mais d’autres qui ne se privent pas d’arômes artificiels ! L’industrie récupère la tendance avec par exemple aux États-Unis le succès des Hard-Seltzers (boissons pétillantes aromatisées à faible taux d’alcool).

Des consommations de plus en plus diversifiées

Reste qu’il y a encore tout de même 95,8 % de foyers français qui achètent des boissons alcoolisées en 2018 (3). « Ça ne supplantera pas complètement les alcools. C’est une alternative comme le vegan ou le sans gluten qui n’ont pas supplanté le reste des consommations alimentaires », considère Marie Mascré de l’agence Sowine (2). En volume, les boissons désalcoolisées sont encore une niche (2,5 % du marché des bières en GMS pour les bières sans alcool, et 0,4 % de celui du vin pour les vins sans alcool, selon Nielsen, en volume, de février à décembre 2019).

La tendance paraît bénéfique pour des boissons à faible taux d’alcool comme la bière, le cidre ou des boissons à inventer ! "Une boisson avec moins d’alcool ne sera pas forcément vendue moins cher", prévient Jérémy Arnaud, puisqu’elle est tout aussi hédonique aux yeux du consommateur. Des vins ayant une image de légèreté comme les vins rosés, blancs ou effervescents en profitent déjà d'une certaine façon. Le degré alcoolique tend donc à devenir un critère de choix. Mais si son appréciation est majeure pour des vins "de soif", elle le sera sans doute moins pour les grands vins de terroir ou les vins d’exception, dont la consommation repose sur d’autres valeurs.

Certains vont donc exclure le vin, d’autres l’inclure de façon plus occasionnelle ou rechercher d’autres critères de sélection (sans soufre, bio, faible teneur en alcool…). Plus que jamais, l’atomisation de la consommation nécessite des gammes structurées. À l’image de l’interprofession de la viande qui a décidé de prendre en charge le message du flexitarisme, cette nouvelle donne du marché du vin est à intégrer plutôt qu’à combattre vainement.

(1) Enquête sur la consommation de vin FranceAgriMer 2015.
(2) Sowine Talks 19 sur la tendance du low and no alcohol, sur sowine.com
(3) Synthèse 2019 FranceAgriMer/CNIV sur le marché français du vin.

Le Petit Béret cumule les "sans"

Créé en 2012, Le Petit Béret propose une gamme de blancs, rosés, rouges et effervescents qui reprend les codes du vin mais qui ne contient pas d’alcool. Un positionnement pleinement assumé.

« On souhaite permettre à tout le monde de profiter de l’univers social et culturel qui existe avec le vin », explique Fathi Benni, directeur général du Petit Béret. Ses produits ont le look d’une bouteille de vin classique et affichent des cépages d’origine. Le concept s’installe puisque l’entreprise dit connaître « une hausse de chiffre d’affaires de 88 % en un peu de plus de deux ans ». Développée avec le meilleur sommelier de France Dominique Laporte, la marque est diffusée en e-commerce et en grandes surfaces. Elle vise aussi la haute gastronomie ou encore les EHPAD. Autre cible, les jeunes.

Grâce à son process, la marque cumule les « sans ». Elle s’annonce « sans alcool, sans désalcoolisation, sans fermentation, sans levure, sans résidus de pesticides, sans sulfites, sans conservateurs ». « Il y a 10 fois plus de sulfites dans un vin désalcoolisé que dans un vin, et il est impossible de ramener le TAV à 0 (il reste autour 0,5 % d’alcool) », explique le directeur général. La technique vise à « réduire les sucres par 10 » et à assurer la stabilisation microbiologique des moûts. Le développement technique a été réalisé avec le Centre technique agroalimentaire - CTCPA Avignon et l’Inra.

Les raisins sont achetés en Languedoc-Roussillon, « entre 100 et 120 €/hl ». Le Petit Béret y voit « une autre piste de valorisation pour les viticulteurs ». À terme, l’approvisionnement sera 100 % bio. L’entreprise vient d’acheter 20 ha de vignes autour de Béziers et envisage même d’y lancer de l’œnotourisme.

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