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Réduire ses IFT
IFT : « Il faut redoubler de réactivité pour intervenir au bon moment »

Vigneron coopérateur à Puyloubier, au pied de la Sainte-Victoire, dans les Bouches-du-Rhône, Georges Guinieri fait partie d’un réseau Dephy depuis 2012. Il a divisé par trois son budget phyto. Voici les principaux leviers qu’il a mis en place.

Georges Guinieri, viticulteur à Puyloubier sur 15 hectares (à droite) fait partie du groupe Dephy animé par Jean-Jacques Balikian, directeurde l’Association des vigneronsde la Sainte-Victoireet ingénieur réseau Dephy (à gauche) et Eddy Bertrand, technicien vignoble de l’association (au milieu). © C. Gerbod
Georges Guinieri, viticulteur à Puyloubier sur 15 hectares (à droite) fait partie du groupe Dephy animé par Jean-Jacques Balikian, directeurde l’Association des vigneronsde la Sainte-Victoireet ingénieur réseau Dephy (à gauche) et Eddy Bertrand, technicien vignoble de l’association (au milieu).
© C. Gerbod

Georges Guinieri, coopérateur adhérant aux Vignerons du Mont Sainte-Victoire, avait déjà initié une démarche de réduction des herbicides lorsqu’il s’est engagé dans le groupe Ferme Dephy-Sainte-Victoire en 2012. Constitué par l’Association des vignerons de la Sainte-Victoire dont sa coopérative est membre, ce groupe l’a aidé à passer à la vitesse supérieure. Sauf année exceptionnelle, son IFT est de 35 à 50% en dessous des moyennes régionales, sans compromettre son équilibre économique et sa capacité de production. Il évoque un budget annuel de 200 €/ha.

1 Acquérir un savoir-faire en désherbage mécanique

Lors de son entrée dans le groupe Dephy, en 2012, son IFT herbicides était déjà bas (0,2 en 2011). Ses vignes étaient enherbées un rang sur trois depuis 2005 et il ne désherbait que sur le rang. En 2015, il s’est engagé dans le dispositif des Maec (Mesures agroenvironnementales et climatiques) avec un plan de réduction des doses, au départ sur les 2/3 de son exploitation (soit 10 ha). Mais dès 2017, il a totalement supprimé les herbicides sur la surface concernée. Aujourd’hui, son IFT herbicides est à zéro.

Se passer de glyphosate relevait d’une conviction personnelle mais aussi d’un constat de résistance de l’érigéron. « L’effet du travail du sol et aussi, pour 2 ou 3 parcelles, un arrachage à la main après irrigation, ont permis d’en venir à bout ».

« J’avais peur de passer ma vie sur un tracteur », se rappelle Georges Guinieri. Au final, il estime qu’il n’y a pas « de grosse différence » aujourd’hui sur le nombre de passages, à l’exception des années 2018 et 2020 où le printemps pluvieux en a décidé autrement.

2 Intervenir sur sol meuble pour optimiser les passages

À force de faire des essais pour observer l’impact des dates de travail du sol sur la végétation et le nombre de passages, il a acquis la conviction qu’il faut « passer quand il faut passer, sans regarder la saison ». Il intervient s’il y a un moment idéal dans l’hiver. Le critère c’est la texture du sol : « sur un sol meuble, on maximise l’efficacité du passage et la vitesse d’intervention. On peut aller à 5 ou 6 km/h. Ici nous avons des sols argilocalcaires, il faut être très réactif. Si l’argile durcit, on fait un mauvais boulot ». Il tient aussi à souligner « qu’il faut accepter d’avoir un peu d’herbe qui court dans la vigne ».

3 Actionner les bons dispositifs pour s’équiper

Afin de pouvoir acquérir les équipements adéquats, Georges Guinieri n’hésite pas à actionner des dispositifs d’aides existants. Il a bénéficié d’une aide régionale (dans le cadre d’un Projet agro-environnemental et climatique-PAEC) qui lui a permis d’acquérir un premier matériel intercep en 2015. Le fait d’être groupe Dephy et, à l’époque Vignerons en développement durable, via sa coopérative, a permis d’augmenter les taux d’aides.

Bien informé via l’Association des vignerons de la Sainte-Victoire, il a pu faire partie de ceux ayant décroché une prime à la conversion dans le cadre du volet agroéquipement du plan de relance agricole dont le budget a été écoulé en trois semaines. Il a ainsi acquis un duo disques émotteurs et doigts Kress

Récemment, il a aussi renouvelé son pulvérisateur. Il s’est assuré de son bon réglage afin d’atteindre le maximum d’efficacité. « Le réglage est essentiel, insiste Jean-Jacques Balikian, directeur de l’Association des vignerons de la Sainte-Victoire et ingénieur réseau Dephy, tout en soulignant que « certains font un travail aussi bien avec un vieux pulvé bien réglé qu’avec un pulvé récent mal réglé ».

4 Substituer les produits conventionnels par du cuivre et du biocontrôle

Georges Guinieri a opté pour des traitements à base de cuivre et de soufre qu’il juge très efficaces, en se gardant la possibilité de « dégainer d’autres cartouches ». C’est ce qu’il s’est résolu à faire en 2018, face à la poussée incontrôlable et traumatisante de mildiou.

Quant à associer au cuivre des produits de biocontrôle, il a essayé mais il reste circonspect. Pour une raison de coût et de logique : « si on essaye de baisser la dose de cuivre, ce n’est pas pour mettre un autre produit ».

5 Dissocier la lutte contre le mildiou de celle contre l’oïdium

« On n’est pas obligé de traiter à chaque passage à la fois le mildiou et l’oïdium », a fini par se dire Georges Guinieri. D’autant plus que l’oïdium est très dépendant des cépages. « Quand on n’a pas de carignan, on peut faire quelques impasses sur l’oïdium », estime-t-il.

« Sur l’oïdium, il faut tenir compte de l’encépagement du voisinage, de l’historique de la parcelle », souligne Eddy Bertrand, technicien vignoble de l’Association des vignerons de la Sainte-Victoire.

Cette approche bien ciblée a contribué à une réduction des doses de soufre utilisées par le vigneron. Il est entre 8 et 10 kg/ha là où la plupart tournent autour de 12,5 kg/ha.

6 Traiter par îlots plutôt que par parcelles entières

Grâce à la parfaite connaissance de ses vignes et de leur historique, Georges Guinieri peut décider de ne traiter que par îlot. C’est notamment le cas d’une parcelle de grenache qui est particulièrement sensible. Si cela « nécessite de sortir plusieurs fois le pulvé plutôt qu’une seule fois pour tout faire », cette approche plus précise économise des doses inutiles.

7 Décupler sa capacité d’observation et sa réactivité

Georges Guinieri s’est libéré de la pression de la comparaison. « Il y a autant de façon de travailler que d’individus. Chacun à sa notion du risque qu’il est prêt à prendre », admet-il. Cette question de la prise de risque culmine du 25 mai à début juin, sur les 15 jours autour de la fleur. Il redouble alors son attention. « Quand on est dans cette démarche de réduction, on sait que l’on doit composer avec la météo et redoubler d’observation et de réactivité pour intervenir au bon moment. La météo est notre seul patron ».

Jean-Jacques Balikian insiste sur l’importance de l’observation. « Certains vignerons se pensent protégés avec un produit à 14 jours mais quand la pression est forte, c’est la fenêtre de tir qui compte. Il faut resserrer les cadences. »

« Pour le mildiou, il faut être préventif mais pas trop tôt. Le produit n’est pas un vaccin. Il va se dégrader. Il faut vraiment identifier les pluies contaminatrices, prendre en compte aussi la température, qui peut être un facteur limitant », rappelle Eddy Bertrand.

8 Se doter des sources d’information météo localisées

Georges Guinieri a suivi la formation Optidose mais ne l’applique pas en tant que telle. « À 90 % », il se réfère au bulletin réalisé par l’Association des vignerons de la Sainte-Victoire parce qu’il lui donne une information très localisée. L’association a son réseau de parcelles et de stations météo pour compléter les infos de la chambre d’agriculture. En cas de forte pression, elle amplifie le rythme des parutions.

 

Travailler sur la biodiversité

Animé par Jean-Jacques Balikian, directeur de l’Association des vignerons de la Sainte-Victoire avec Eddy Bertrand, le technicien vigne, le groupe Dephy-Sainte-Victoire rassemble onze membres, dont cinq en conventionnel, cinq en bio, et le lycée agricole d’Aix-Valabre. L’association regroupe 4 caves coopératives et 28 caves particulières. Elle a aussi constitué un groupe Ferme 30 000 et un GIEE sur la dynamique des sols. La biodiversité est devenue un axe majeur. « Nous sommes de plus en plus dans une démarche de reconception qui fait appel à l’agroécologie, à la mise en œuvre de méthodes plus durables, à de la prophylaxie, à de l’aménagement des parcelles », indique Eddy Bertrand. L’association travaille avec tous les acteurs du territoire engagés sur le sujet.

De son côté, Georges Guinieri est convaincu du rôle protecteur de la Sainte-Victoire et de sa biodiversité pour les vignes. « Les vignes sont le garde-manger de la faune qui vit sur la montagne. Les haies et arbres forment des corridors pour qu’elle y accède. » Il fait notamment partie de démarches pour installer des nichoirs permettant aux chauves-souris de s’installer dans le vignoble et d’y déployer leur appétit pour les insectes.

 

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