Aller au contenu principal

" Les relations humaines sont un défi majeur "

Sylvie Brasquies dirige la société Néoverticales, spécialisée dans la stratégie du changement et le management des talents dans la filière vin. Elle nous éclaire sur une transition réussie sur le plan humain.

Sylvie Brasquies accompagne les caves et domaines dans l'organisation et la performance des équipes, notamment dans le cadre des transmissions.
© Néoverticales

Quels sont les aspects qui causent le plus de difficultés lors d’une transmission d’exploitation ?

À l’heure de la passation, la préoccupation principale des dirigeants est généralement d’ordre financière. Il faut dire que c’est ce qui leur vient directement à l’esprit. C’est vrai que les aspects fiscaux et juridiques ne sont pas simples techniquement, et qu’il ne faut pas se tromper. Mais souvent, le plus difficile est pourtant ce qu’il reste à faire derrière, c’est-à-dire passer concrètement le relais à son successeur. Car c’est là qu’entrent en jeu les problèmes humains. C’est un passage compliqué pour les dirigeants, qui sont tiraillés entre la peur de perdre le contrôle et l’envie de transmettre. Mais aussi pour le repreneur qui doit trouver sa place.

De plus, les difficultés humaines sont insidieuses car on n’a pas forcément conscience des tensions. Si beaucoup de personnes cherchent de l’aide sur les plans financiers et juridiques, très peu demandent conseil sur l’aspect relationnel. Culturellement, on fait cela seul. L’offre est par ailleurs peu visible. Pourtant, il est intéressant d’avoir le regard de quelqu’un d’extérieur à l’entreprise, qui peut prendre du recul et étudier seulement l’intérêt du domaine. Gérer l’aspect humain est très important, car ces tensions peuvent avoir des répercussions sur les performances et la santé de l’entreprise.

Quelles sont les situations qui favorisent ce type de problèmes ?

Chaque entreprise est différente, et il existe autant de cas que de personnalités. Mais je distingue quatre aspects qui sont systématiquement à la base des tensions. Tout d’abord celui des valeurs fondatrices, qui peuvent être en décalage avec celles du repreneur, et qui impactent la vision d’avenir. C’est le cas par exemple pour un nouveau dirigeant qui souhaite quitter la coopérative pour être indépendant, ou bien passer en biodynamie, ou encore ne plus travailler qu’avec la grande distribution. Il y a ensuite l’aspect communication. Les non-dits peuvent être à l’origine de nombreuses complications. Puis vient la répartition des tâches. Le dirigeant peut avoir du mal à lâcher les rênes, ou au contraire, le repreneur peut se demander s’il est prêt. Enfin, il y a la façon de manager et d’animer les équipes. L’ancienne génération se caractérise généralement par un management vertical, où tous les ordres viennent d’en haut, alors que la nouvelle a souvent expérimenté le management horizontal, qui laisse place à la concertation.

Comment peut-on aller au-devant de ces difficultés et surmonter les tensions ?

Plus on parle tôt de la transition, plus le climat sera sain et serein. Je conseille de définir en amont un plan stratégique, qui tiendra compte des aspects financiers, juridiques, fiscaux, accompagné d’un plan de management. Ce dernier doit poursuivre trois objectifs. Il s’agit premièrement d’accompagner le nouveau dirigeant. L’idée est de voir quelles sont ses compétences (technique, commerce, gestion…) et de vérifier qu’il n’y aura pas de perte de savoir-faire. Au besoin, il faudra envisager des formations, recrutements ou choisir des consultants. Pour arriver à cela, il est important que les deux parties se connaissent bien. J’utilise personnellement la méthode du test Golden, qui permet de mieux se connaître, de se développer, et d’analyser quelles sont les différences de caractère qui pourraient être source de problème.

Dans un deuxième temps, il faut définir une vision à court et moyen terme pour créer un nouvel élan ensemble. Quand on arrive à le formuler clairement, c’est gagné. Pour cela, il faut se mettre autour de la table, et discuter de ce qui est souhaitable, possible, indispensable… L’objectif final est de partager la même vision. Et dans un troisième temps, les protagonistes doivent mettre au clair très tôt la répartition des rôles. Cela peut passer par la rédaction d’une charte par exemple, avec les droits et devoirs de chacun. La formalisation crée un engagement moral qui apaise les tensions. À condition, bien sûr, que tout le monde s’y retrouve.

Pour finir, il est également important, dans le cas d’une exploitation familiale, de poser l’option que le fils ou la fille ne voudra pas reprendre, et dédramatiser. Se sentir obliger de revenir, même inconsciemment, peut créer un mal-être. La clé avant de prendre sa décision est de se poser la question : « Pourquoi est-ce que je souhaite faire du vin ? »

Les plus lus

<em class="placeholder">Tracteur spécialisé fruitier Massey Ferguson MF3 MF3FR.105 dans les vignes avec Jules Marie et Christopher Massé</em>
Essai Massey Ferguson MF 3FR.105 - « Un tracteur complet et maniable »
Jules Marie et Christopher Massé de l’entreprise de travaux viticoles Marie ont pris en main pendant une semaine le tracteur…
%agr
Filage dans le Muscadet : « la date de taille et de pliage de la vigne a pu jouer sur l'impact du filage »

Laurent Bouchaud, vigneron au Domaine du Bois Joly, à Le Pallet, en Loire-Atlantique, a eu du filage sur ses 29 hectares de…

A l’occasion des 30 ans de RéChristophe Riou, directeur de l’IFV et Anthony Clenet, responsable services viticoles à l’ICV
Quel sera la quotidien d'un viticulteur sur son exploitation dans dix ans ?

Quel sera le quotidien d’un viticulteur sur son exploitation dans dix ans ? Quels techniques et matériels emploiera-t-il…

La production mondiale de vin en chute libre en 2024 : quels sont les pays qui perdent le plus ?

Le monde n'a jamais produit aussi peu de vin depuis 60 ans. Le point sur la production mondiale par pays, les variations et…

Vinitech 2024 : 5 nouveautés en avant-première à découvrir en vidéo

Lors de sa visite du salon en avant-première, l'équipe de Réussir Vigne a déniché pour vous cinq nouveautés à découvrir…

Comment évoluera le marché du vin demain ?

A l'occasion des 30 ans de Réussir Vigne, nous explorons l'évolution de la vitiviniculture. Nous avons interviewé Marie Mascré…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole