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Le verdissement des AOC viticoles s’accélère

La volonté de lier plus fortement signe d’origine et environnement s’affirme au sein des appellations viticoles. L’Inao a récemment identifié trois voies d’action pour y répondre. Elles sont déjà activées dans le vignoble. La pression sociétale n’est pas le seul motif.

De l'adhésion volontaire à des projets environnementaux à l'obligation inscrite dans le cahier des charges, les appellations se forgent des stratégies vertes. À Saint-Émilion, au 1er janvier 2023, une certification environnementale ou AB sera obligatoire pour pouvoir revendiquer l'appellation. © F. Haudiquert
De l'adhésion volontaire à des projets environnementaux à l'obligation de certification inscrite dans le cahier des charges, les appellations se forgent des stratégies vertes. À Saint-Émilion, au 1er janvier 2023, une certification environnementale ou AB sera obligatoire pour pouvoir revendiquer l'appellation.
© F. Haudiquert

Fin mars, l’AOC Lirac communiquait sur son plan environnemental. Une annonce emblématique de nombreuses démarches en cours dans le vignoble français. Si l’appellation gardoise met en avant son souhait d’être en adéquation avec la demande sociétale, la motivation est aussi locale. Rodolphe de Pins, président du syndicat de l’appellation, témoigne d’un besoin de se réapproprier un territoire pressurisé par le dynamisme urbain et industriel. « Quand on perd des grands terroirs on ne les retrouve pas ».

Le paysage, une carte de visite à préserver et embellir

Les quatre maires des communes de l’appellation n’ont pas de lien avec la viticulture. Sensibiliser les personnels de mairie aux enjeux paysagers figure parmi les actions du plan. Il est question de travailler avec eux sur les entrées des villages ou sur des sentiers viticoles, et au passage de faire reconnaître le rôle des viticulteurs dans l’entretien du paysage. Ce paysage, il faut non seulement le préserver mais aussi l’améliorer. « Les visiteurs font le lien entre le beau et le bon. Le paysage, c’est une carte de visite », martèle Rodolphe de Pins. La préservation de l’eau est l’autre axe du plan. Des expérimentations sont déjà lancées après un diagnostic hydromorphologique réalisé par un cabinet spécialisé.

Une charte paysagère est en cours de rédaction et devrait aboutir d’ici 2022. La démarche est financée par une cotisation supplémentaire de 5 € par hectare. Le budget engagé est de 80 000 € sur 3 ans avec des aides notamment de l’Agence de l’eau. « Cette charte est chronophage et complexe sur le plan technique », souligne le président. Une personne est employée un jour par semaine pour piloter le projet. Il suggère que ses compétences pourraient aider d’autres appellations voisines à faire de même.

Lire aussi : La cartographie du paysage viticole au service de la biodiversité

Un projet pour susciter une mobilisation collective

Engager le collectif dans un projet environnemental est aussi la voie empruntée par Faugères dans l’Hérault. Comme à Lirac, trouver des financements et une organisation pour piloter les projets est un défi. Faugères a intégré la préoccupation environnementale depuis plus d’une décennie. Mais elle l’a fait savoir en adoptant la signature « grands vins de nature » en 2018, à la suite d’une réflexion marketing sur son identité. Au-delà de la communication, l’ODG a fait de cet axe un outil de cohésion. « On a réussi à changer la vision et à la rendre plus collective, à sortir de la posture où l’on regarde ce que font les voisins pour faire passer l’idée que c’est une chance que chacun fasse des choses différentes », développe Nathalie Caumette, la présidente de l’appellation. Ce n’est pas que des contraintes, ça peut permettre de créer de la valeur. Les études montrent que les consommateurs sont prêts à payer pour ça ». Avec des prix de vente à moins de 10 ou 15 €, il lui semble difficile de pouvoir financer les efforts. L’engagement de Faugères a en tout cas généré des retombées média estimées à 150 000 à 200 000 euros. « On est transparents, crédibles, les gens peuvent venir voir », lance la présidente. Elle illustre la dynamique collective à l’œuvre par l’exemple de la lutte contre la flavescence dorée. Une prospection bénévole par les vignerons a été organisée. « On a diminué de moitié la quantité d’insecticides. »

Intégrer des mesures type dans le cahier des charges

Précurseur, Faugères avait déjà actionné un autre levier, celui de l’intégration de dispositions agroenvironnementale dans son cahier des charges. L’AOC a profité de la réécriture des cahiers en 2011 pour inclure dans le sien des mesures s’imposant donc à tous, comme l’enherbement des tournières, l’interdiction du désherbage en plein, ou la limitation des apports azotés. « On avait des alertes comme quoi certains sols viticoles se dégradaient. On a voulu faire quelque chose pour les sols, se rappelle Nathalie Caumette. À l’époque on n’était pas nombreux ». Par la suite, l’Inao a créé des dispositions-type (voir encadré) agroenvironnementales en s’inspirant de cette démarche pour répondre aux demandes croissantes des appellations.

De là à imposer une obligation de certification environnementale, il y a un pas que Faugères ne souhaite pas franchir. « Il y a des choses qui ont leur place dans le cahier des charges parce qu’elles sont liées au lieu, à l’expression du terroir, mais pas les calculs d’IFT », estime Nathalie Caumette.

Lire aussi : Demain, pour se vendre le vin devra-t-il être engagé

Imposer l’obtention d’une certification environnementale

Cette possibilité d’intégrer l’obligation d’une certification environnementale dans un cahier des charges, l’Inao l’a officiellement validée il y a quelques mois. La fin d’un suspens pour le Conseil des vins de Saint-Émilion qui avait voté cette décision en mai 2018 avec une échéance fixée au 1er janvier 2023. À cette date, il faudra donc faire preuve d’une certification environnementale ou AB pour pouvoir revendiquer les appellations Lussac-Saint-Emilion, Puisseguin-Saint-Emilion, Saint-Emilion ou Saint-Emilion-Grand-Cru. « Le vin, produit de la terre, de plaisir et de convivialité doit être porteur de valeurs fortes, expose Franck Binard, directeur du Conseil des vins de Saint-Émilion. Les vignerons ont compris qu’il y avait une valorisation et des parts de marché à préserver. » Le compte-à-rebours est donc lancé pour arriver à 100 % de certifiés (bio, HVE, Terra Vitis…) avant la date fatidique. « Nous accompagnons. En deux ans, nous avons organisé 83 réunions d’information auxquelles ont participé 440 vignerons. Ils ont pu rencontrer des intervenants dédiés à chaque certification pour poser des questions pratico-pratiques ». En mars, le conseil recensait 80 % de certifiés parmi les 664 déclarants, dont 22 % en bio ou en cours de conversion. Franck Binard est donc confiant. « Une campagne de prise de rendez-vous est engagée pour contacter ceux qui n’ont pas donné de réponse ou répondu par la négative », indique-t-il. Ici aussi il a fallu recruter pour mener à bien les projets. « Le cahier des charges est un outil mais c’est le début d’une aventure », lance le directeur. Un projet agroécologique se déploie. Des groupes de travail d’une dizaine de vignerons s’organisent « sur des actions concrètes autour d’un viticulteur déjà engagé qui pilote le groupe avec un sachant externe pour les accompagner », décrit Franck Binard qui sent une forte mobilisation.

Lire aussi : Une certification environnementale requise pour revendiquer l'AOC Corbières en 2024

Voir plus loin

Pas d’obligation de certification pour toutes les appellations

L’article 48 de la loi Egalim prévoyait une obligation de certification environnementale dans les cahiers des charges des produits sous signe de qualité et d’origine (Siqo) d’ici 2030. Un décret était attendu pour janvier 2022. Mais dans une interview donnée à Référence Agro, Marie Guittard, directrice de l’Inao, indique que pour des raisons juridiques cette obligation ne peut être imposée. D’où la décision de la proposer comme une option possible pour les appellations viticoles qui le souhaitent.

La liste des dispositions agroenvironnementales types s’allonge

En février 2020, une 9e disposition-type agroenvironnementale s’est ajoutée aux 8 déjà existantes adoptées par le Comité des AOP viticoles. Numérotée MT9, elle permet d’introduire l’interdiction du paillage plastique dans les vignes avec deux modalités possibles. Toutes ces mesures types peuvent être intégrées de manière simplifiée dans le cahier des charges d’un ODG, en reprenant à l’identique les formulations prévues.

Les dispositions actuelles concernent : l’obligation d’enherbement des tournières (MT 1) ; l’interdiction du désherbage chimique en plein des parcelles de vigne (MT2) ; l’enherbement des vignes (MT3) ; l’amélioration de l’efficience du matériel de pulvérisation (MT4) ; la réduction des quantités de produits phytosanitaires selon l’état végétatif (MT5) ; la limitation des apports d’azote minéral (MT6) ; le maintien des murets, terrasses, haies, arbres et bosquets…(MT7) ; le respect de la séquence morphologique originelle des sols (MT8).

La rédaction d’une 10e mesure relative à l’obligation de traitement à l’eau chaude des plants de vigne est encore en cours. « Elle est déjà existante dans les appellations d’Alsace et de Bourgogne », indique l’Inao.

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