Le trèfle souterrain pour l’enherbement permanent des vignes
En région nantaise, à l’initiative de la coopérative d’approvisionnement CAMN, des producteurs testent l’enherbement permanent entre rangs et sur le rang à base de trèfle souterrain.
En région nantaise, à l’initiative de la coopérative d’approvisionnement CAMN, des producteurs testent l’enherbement permanent entre rangs et sur le rang à base de trèfle souterrain.
Producteurs de muscadet, Pascal et François Denis désherbaient jusqu’ici entièrement leurs 40 ha de vigne. « Notre objectif est de réduire les herbicides, explique Pascal Denis. Avec la suppression du glyphosate, nous devons trouver des alternatives. Le désherbage mécanique prend du temps et nécessite du matériel. De plus, l’herbe pousse vite en climat océanique. Nous avons déjà testé un enherbement à base de ray-grass et fétuque demi-traçante, mais le rendement était divisé par deux. Nous avons voulu réessayer avec des espèces qui n’entraînent pas de stress pour la vigne. » À l’automne 2018, à l’initiative des techniciens de la CAMN Fabien Chauvet et Laurent Plissonneau, les producteurs ont donc lancé des essais d’enherbement à base de trèfle souterrain. Un rang a été semé avec un mélange à 50-50 de deux variétés de trèfle souterrain (mélange Ferticover de Semences de Provence). « L’idée est d’implanter sous le rang une espèce qui limite les adventices mais soit peu concurrentielle pour la vigne, explique Laurent Plissonneau. Le trèfle souterrain, qui ne monte a priori qu’à 10 cm, sèche l’été et se resème, semble adapté. Il ne consomme pas d’eau en été, ni d’azote mais au contraire en libère. Et le mulch qu’il forme l’été limite les adventices et l’évaporation. » Entre rangs, Pascal Denis a semé sur 2 ha un mélange de légumineuses annuelles (Revin 100 % légumineuses de Semences de Provence) associant 40 % de trèfle souterrain, 15 % de trèfle de Perse, 10 % de trèfle de Micheli, 12,5 % de trèfle incarnat et 22,5 % de serradelle rose. « Là aussi, l’idée est d’implanter des espèces qui limitent le développement des adventices mais ne consomment pas d’eau ni d’azote l’été, précise Laurent Plissonneau. Le mélange d’espèces facilite l’implantation, le trèfle de Micheli notamment démarrant tôt et couvrant le sol le temps que les autres espèces se développent. »
Un semis manuel obligatoire sous le rang
Sous le rang, le trèfle a été semé mi-septembre, à 40 kg/ha, soit le double de la dose recommandée, sur 90 cm de large. Un griffage du sol a été fait au motoculteur, suivi d’un semis manuel. « Nous manquons de matériel pour semer correctement sous le rang, déplore Laurent Plissonneau. Il faudrait mettre au point un outil interceps qui permette de semer sous le rang dans nos vignobles étroits. » Entre rangs, après passage d’un outil à dents, le semis a été fait début octobre à 40 kg/ha à l’aide d’une engazonneuse manuelle. Mi-avril, le trèfle souterrain sous le rang mesurait entre 20 et 40 cm de haut. « Le semis étant manuel, la densité a dû être trop forte, ce qui a amené le trèfle à monter haut pour trouver de la lumière, analyse Pascal Denis. Il touche donc les coursons, ce qui va m’obliger à le tondre, sinon l’humidité générée pourrait favoriser les maladies. À l’avenir, je sèmerai moins dense. » Le mélange semé entre rang s’est également bien développé, atteignant 50-70 cm de haut mi-avril. « Les doses de 20 kg/ha indiquées par le fournisseur étaient les bonnes », admet Pascal Denis. Les objectifs du producteur avec ces essais sont de vérifier que le trèfle souterrain ne crée pas de concurrence pour la vigne et qu’il n’entraîne pas plus de maladies ni de gel. « Nos vignes sont basses. Le fil porteur n’est qu’à 60 cm du sol. Le microclimat humide créé par le couvert peut donc augmenter le risque de gel. » L’intérêt économique de l’enherbement doit aussi être vérifié. « Les semences coûtent assez cher, estime le producteur. Mais si l’enherbement se tient plusieurs années et qu’il évite de désherber, il peut être rentable. »
repères
Domaine de la Garnaudière
Appellation AOC muscadet et vin de France
Surface 40 ha dont un tiers en muscadet, le reste en vins de pays blancs, rouges et rosés
Sols limono-sableux
Distance interrang 1,40 m
Nombre de salariés 3 permanents
Intérêt d’un semis précoce
Sur le site expérimental de la CAMN, une parcelle a été semée avec du trèfle souterrain sous le rang (Ferticover) et un mélange Revin légumineuses et graminées entre rangs (20 % trèfle souterrain S, 17,5 % trèfle souterrain B, 7,5 % trèfle de Perse, 7,5 % trèfle de Micheli, 5 % trèfle blanc nain, 5 % serradelle rose, 12,5 % medicago truncatula, 12,5 % RGA gazonnant, 12,5 % fétuque rouge). « La présence de graminées, notamment de fétuque, peut améliorer la portance », estime Laurent Plissonneau. Les semis ont eu lieu début novembre, à 20 kg/ha. « C’est un peu tard. Pour une bonne implantation, il faut semer tôt, quand le sol est encore chaud. Selon les conditions météo, on peut même envisager de semer avant les vendanges. Le trèfle ne démarrera pas tout de suite, car le sol est sec, mais seulement après une pluie. »
Avis d’expert : Laure Gontier, de l’IFV Sud-Ouest
« Une piste à étudier »
« L’utilisation de légumineuses annuelles à cycle décalé par rapport à la vigne est une piste intéressante pour l’enherbement sous le rang. Le trèfle souterrain fleurit en mars, monte à graines puis les fleurs s’enterrent. À l’automne, il repart à partir des graines. Comme son cycle est décalé par rapport à celui de la vigne, il n’entraîne pas de concurrence azotée ni hydrique. Le risque par rapport aux champignons est limité car le fait d’enherber, même avec des légumineuses, a un impact sur la vigueur, qui est défavorable aux maladies. Le risque lié au gel est également réduit du fait que le trèfle souterrain reste relativement ras et qu’en théorie, il arrive en fin de végétation quand les risques de gel sont les plus importants, en avril-mai, d’où l’importance également de choisir une variété précoce. Il n’est par contre pas évident que les résidus végétaux ras et secs qui restent en été soient assez étouffants pour limiter le développement des adventices, notamment en région nantaise. Dans nos essais, il a quand même fallu gérer des adventices estivales. Un autre écueil possible est la pérennité du trèfle souterrain. Dans nos essais, il a disparu au bout de deux à trois ans, peut-être parce qu’il s’est fait coloniser l’été par des adventices et n’a pas persisté. Une tonte dès l’apparition des premières fleurs peut favoriser la floraison et donc le resemis, tout en permettant de réguler la hauteur du couvert. La piste du trèfle souterrain mérite d’être étudiée à nouveau, les semences étant aujourd’hui plus disponibles. Il faudrait notamment étudier les variétés les plus adaptées selon le contexte pédoclimatique, car il existe de nombreuses variétés de trèfle souterrain. »